Ce collectif marque une étape significative dans la poursuite des engagements du Gouvernement.
Le projet de loi de finances rectificative que nous vous soumettons aujourd'hui procède à un certain nombre d'ajustements en matière de recettes et de redéploiements entre dépenses, notamment pour la mise en oeuvre du plan de soutien à l'emploi et à l'alternance annoncé par le Président de la République.
Ces mouvements ont un effet globalement neutre sur le plafond de dépenses autorisé et le solde budgétaire, ce dernier restant inchangé par rapport à la loi de finances initiale, avec un déficit de 91,6 milliards d'euros.
Je vais donc, si vous le permettez, concentrer ma présentation sur la réforme de la fiscalité du patrimoine. Pour beaucoup d'entre vous, cette réforme n'est pas totalement une surprise, notamment parce que nous avons pu associer un grand nombre de parlementaires à son élaboration.
Le Gouvernement souhaite tout d'abord construire un impôt de solidarité sur la fortune plus juste et mieux adapté aux réalités économiques.
L'impôt de solidarité sur la fortune est souvent considéré comme une « exception française » qui pénalise l'attractivité de la France. Il présente essentiellement trois difficultés : un seuil d'entrée décalé par rapport à l'évolution des prix de l'immobilier au cours des dix dernières années, qui a fait entrer artificiellement dans l'ISF des contribuables qui n'ont pourtant jamais quitté leur résidence principale ; des taux d'imposition fixés à d'autres époques et aujourd'hui déconnectés du rendement réel des actifs, de sorte que l'impôt est devenu dans de nombreux cas confiscatoire ; des modalités déclaratives trop pesantes ou trop inquisitoriales pour les contribuables.
Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite agir sur la structure de notre fiscalité, afin de la rendre plus simple, plus juste et plus compétitive. Après la réforme du crédit d'impôt recherche et celle de la taxe professionnelle, la réforme de la fiscalité du patrimoine s'inscrit logiquement dans cette ambition.
Le premier acte de cette réforme est la suppression du bouclier fiscal et, avec lui, de toute forme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune. Cette suppression répond à une exigence de justice, car le bouclier avait trop souvent conduit à des situations d'optimisation qui ont, à juste titre, choqué les Français.
L'exigence de justice, c'est prendre en compte la situation des bénéficiaires actuels du bouclier fiscal de condition modeste, dont je rappelle qu'ils sont majoritaires. Un dispositif de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus serait donc maintenu à leur profit.
L'exigence de justice, c'est aussi s'attaquer aux raisons qui ont rendu le bouclier fiscal nécessaire. Car la suppression du bouclier ne peut s'envisager sans une réforme en profondeur du barème de l'ISF, à moins de redonner à cet impôt un caractère confiscatoire que même ceux qui l'ont instauré en 1989 ni leurs prédécesseurs de 1982 n'auraient voulu lui conférer.
Le Gouvernement vous suggère donc – c'est le deuxième acte – de simplifier l'ISF et de l'adapter aux réalités économiques.
Nous vous proposons de supprimer tout d'abord la première tranche de l'impôt, celle qui concerne les ménages possédant un patrimoine net d'une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d'euros. Dès 2011, le seuil d'entrée à l'imposition sur la fortune serait fixé à 1,3 million d'euros de patrimoine, ce qui permettrait de faire sortir de l'ISF 300 000 foyers qui n'en sont redevables que sous le seul effet de la bulle immobilière. Avec cette mesure, nous éviterons aussi à 200 000 autres ménages, aujourd'hui au bord de l'ISF, d'y entrer dans les prochaines années. Au total, ce sont 500 000 ménages qui bénéficieront de la suppression de la première tranche.
Nous proposons ensuite de corriger le barème de l'ISF, devenu non seulement une incongruité en Europe, mais aussi un vrai encouragement à l'expatriation. Le projet de loi qui vous est soumis prévoit donc un système simple.
En premier lieu, les patrimoines dont la valeur se situe entre 1,3 et 3 millions d'euros seraient soumis à un taux de 0,25 %. Les redevables n'auraient plus besoin de fournir de déclaration spécifique, mais devraient indiquer la valeur totale de leur patrimoine sur la déclaration d'impôt sur le revenu. Le paiement de l'ISF se ferait donc en même temps que celui de l'impôt sur le revenu.
En deuxième lieu, pour les patrimoines d'une valeur supérieure à 3 millions d'euros – c'est-à-dire pour moins de 30 000 contribuables –, le taux d'imposition serait de 0,5 %, et les assujettis concernés devraient continuer à effectuer une déclaration.
Afin de lisser les effets de seuil, un dispositif de décote serait instauré pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million d'euros ainsi que pour ceux compris entre 3 et 3,2 millions d'euros. Les modalités déclaratives seraient également simplifiées pour la majorité des redevables à compter de 2012.
Enfin, nous avons été attentifs à corriger les effets économiques les plus néfastes de l'ISF. Ainsi, pour préserver le développement de nos PME, nous vous proposons de redéfinir le régime d'exonération des biens professionnels pour les entrepreneurs qui dirigent plus d'une entreprise ou qui diluent leur participation à l'occasion d'une augmentation de capital.
De même, nous voulons encourager le développement d'un capitalisme familial par des assouplissements des « pactes Dutreil », dont nombre d'entre vous savent combien ils sont essentiels pour assurer la pérennité des entreprises sur plusieurs générations.
Suppression du bouclier fiscal, protection de la résidence principale avec le relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF, retour à des taux cohérents avec le rendement des actifs et aménagement des régimes d'assiette pour tenir compte de la vie des entreprises : comme vous le voyez, cette réforme porte la marque d'un juste équilibre entre équité et efficacité économique.
Mais la réforme ne peut se concevoir que dans sa globalité. Dès lors qu'il était essentiel pour le Gouvernement de présenter un projet équilibré pour les finances publiques et faisant peser l'impôt sur la population même qui profite de l'allégement de l'ISF, le projet qui vous est soumis prévoit aussi quelques mesures de financement.
Le financement de la réforme repose sur une taxation plus importante des donations et successions des hauts patrimoines, sur une contribution des non-résidents et sur l'instauration de dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale internationale.
Conformément au souhait du Président de la République, nous avons opté pour un financement simple, qui pèse sur les flux du patrimoine davantage que sur le stock, et sur la transmission plutôt que sur la détention.
Tout d'abord, la taxation des donations et successions sera réévaluée. Toutefois, et j'insiste sur ce point, ce volet de la réforme ne concerne que les hauts patrimoines. Les acquis essentiels de la loi TEPA – qui a permis d'exonérer 97 % des successions en ligne directe et de faciliter les transmissions anticipées de patrimoine – seront donc intégralement préservés, et même confortés.
Au contraire, nous proposons de financer la réforme de l'ISF en mettant à contribution les détenteurs de hauts patrimoines, et en revenant sur des dispositions antérieures à la loi TEPA qui – du fait notamment du triplement des abattements décidé dans le cadre de cette loi – ont perdu de leur pertinence.
Cette stratégie se décline en trois axes. Tout d'abord, les taux d'imposition correspondant aux deux dernières tranches du barème applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe, ainsi qu'aux donations entre époux et titulaires d'un PACS, sont augmentés de cinq points. En pratique, cette hausse ne frappera que 2 000 successions par an, preuve que seules les très grosses successions sont ainsi visées.
Ensuite, les réductions de droits de donation accordés en fonction de l'âge du donateur sont supprimées. Je rappelle que ces droits ne sont dus qu'à hauteur des donations dépassant l'abattement de 159 000 euros, soit bien plus que la totalité du patrimoine de la majorité des Français. La mesure frappe donc, là encore, un nombre très limité de personnes fortunées.
Enfin, le délai de rappel des donations sera porté de six à dix ans. Compte tenu de la réduction de ce délai intervenue en 2006, toutes les donations qui pourraient profiter aujourd'hui du délai de six ans sont intervenues alors que la loi prévoyait un délai de dix ans. Nous privons peut-être certains d'un effet d'aubaine mais, en réalité, personne ne sera pris au dépourvu.
Mais réformer la fiscalité du patrimoine, c'est aussi taxer de nouvelles capacités contributives, adapter le droit pour limiter les possibilités d'optimisation et renforcer les outils permettant de lutter contre l'évasion fiscale. Trois mesures permettront d'améliorer l'efficacité de notre fiscalité sur ce point.
Ainsi, une taxation des résidences secondaires permettra d'associer les non-résidents au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient. Ce dispositif ne concerne que les personnes dont les revenus de source française ne représentent qu'une faible part de leurs revenus totaux. Il institue une participation proportionnelle aux capacités contributives conférées par le patrimoine immobilier dont elles ont la jouissance sur le territoire français, et au titre duquel elles n'acquittent actuellement que des impositions à caractère local. Les personnes qui s'expatrient temporairement, notamment pour des raisons professionnelles, en seront exonérées.
Ensuite, le projet de loi de finances rectificative prévoit l'introduction d'une exit tax sur les plus-values latentes. Ce dispositif a été conçu pour être parfaitement conforme au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France. Il s'inspire de ceux adoptés par certains de nos partenaires européens tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas.
Cette taxe sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigible en cas de cession des titres dans les huit années qui suivent. C'est une mesure dissuasive qui permet de priver l'exilé du bénéfice fiscal de son expatriation, en le taxant de la même manière que s'il n'avait jamais quitté la France.
Enfin, plusieurs mesures sont destinées à mettre fin à des schémas d'optimisation et d'évasion fiscales, comme celui par lequel des non-résidents échappent à l'ISF en plaçant leurs biens immobiliers dans une SCI criblée de dettes. Nous proposons également de donner à l'administration la capacité d'appréhender fiscalement les biens et droits placés dans des trusts. Le trust est, je le rappelle, une institution de droit anglo-saxon qui n'a pas d'équivalent en droit français. Son régime fiscal est incertain, ce qui facilite l'utilisation de cet instrument à des fins d'évasion fiscale. Nous souhaitons naturellement mettre un terme à cette pratique.
Ces deux dernières mesures s'inscrivent dans le prolongement d'autres opérations fortes que nous menons pour lutter contre la localisation d'actifs ou de revenus sur des comptes bancaires offshore. La cellule de régularisation, l'exploitation de listings étrangers ont ainsi permis de rapatrier des recettes importantes au cours des années 2010 puis 2011. D'autres initiatives en cours généreront des ressources importantes et exceptionnelles en 2012 et 2013. Elles viendront compléter le financement de la réforme au titre de ces années. Au total, en régime de croisière et indépendamment de toute ressource exceptionnelle, la réforme dégagera un surcroît de recettes d'environ 200 millions d'euros par an.
Au-delà de la réforme de la fiscalité du patrimoine, le projet de loi de finances rectificative comprend un nombre limité de dispositions qui reflètent notamment la priorité donnée à l'emploi et au pouvoir d'achat. Je tiens tout de suite à préciser que ces mesures, en nombre réduit, ne modifient ni le plafond de dépenses autorisé, ni le solde budgétaire pour 2011.
Elles visent tout d'abord à soutenir l'emploi et le pouvoir d'achat des ménages.
En matière d'emploi, conformément à l'engagement du Président de la République, le Gouvernement souhaite orienter son action vers quatre priorités : l'emploi des jeunes, le soutien aux demandeurs d'emploi de longue durée, la formation des demandeurs d'emploi et la sécurisation des parcours professionnels.
Le projet de loi de finances rectificative procède à plusieurs ouvertures ciblées de crédits, dont les principales ont vocation à financer la formation en alternance, les contrats aidés du secteur marchand, diverses actions de formation pour les chômeurs de longue durée, ainsi que la mise en oeuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle.
En matière de pouvoir d'achat, au regard des fortes hausses du prix des carburants, le Gouvernement a revalorisé de 4,6 % les barèmes kilométriques utilisés par les salariés qui optent pour les frais réels et par certains non-salariés pour évaluer forfaitairement leurs frais de transport. Cette revalorisation entrera en vigueur dès cette année. Nous proposons de financer cette décision par une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier. Son rendement – 120 millions d'euros en 2011 – permettra de couvrir le coût de la revalorisation du barème.
Par ailleurs, afin de mieux maîtriser la hausse du coût de l'électricité et son impact sur les consommateurs, une disposition du projet de loi prévoit de lisser la revalorisation de la contribution au service public de l'électricité.
J'en viens rapidement aux autres mesures présentées dans le projet de loi de finances rectificative.
Tout d'abord, plusieurs dispositions concernent le financement de la réforme de la garde à vue, via la création d'une contribution pour l'aide juridique et l'ouverture de moyens supplémentaires sur les programmes du ministère de la justice et de l'intérieur concernés.
Ensuite, le projet instaure un dispositif d'indemnisation spécifique des victimes du Mediator et de ses génériques. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de se substituer aux responsables, qui devront indemniser les victimes, mais de mettre rapidement en place les structures qui permettront l'examen des dossiers, le règlement amiable des litiges et, dans certains cas, de faire l'avance des sommes.
Il est en outre procédé, comme chaque année, à des ajustements de crédits ciblés, visant à couvrir les insuffisances en gestion anticipées sur certains programmes.
L'ensemble de ces mesures, je le répète, ne modifie pas le solde budgétaire, qui reste inchangé à moins 91,6 milliards d'euros.
Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est déterminé à poursuivre l'adaptation de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus efficace. Nous engageons ces réformes en maintenant le cap que nous nous sommes fixé, celui de la réduction des déficits et d'une maîtrise accrue de nos finances publiques. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité modifier le montant global des dépenses autorisées par la loi de finance initiale. Je souhaite à présent que nos travaux s'inscrivent dans le même esprit de responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens.