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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 11 mai 2011 à 21h30
Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère — Article 13, amendement 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

Cet amendement vise à supprimer l'article 13 de la proposition de loi. En le lisant, j'arriverais au terme des deux minutes dont je dispose pour présenter mon amendement. Je vous invite donc à y jeter un oeil. Vous observerez très vite que, si l'ensemble du texte est écrit en français, cet article 13 est en fait de l'algèbre ! Je suis allée rechercher l'article L. 420-4 pour être sûre de comprendre, mais je ne suis certaine d'y être tout à fait parvenue, même après me l'être fait expliquer une dizaine de fois.

Une première observation, madame la ministre : vous conviendrez avec moi, j'en suis sûre, que la loi doit être juste, mais aussi claire, de façon à être compréhensible par les citoyens, qui sont potentiellement des justiciables.

Je souhaite, par ailleurs, vous poser une question très précise, à la suite d'une séance de travail avec le rapporteur et d'un échange avec l'un de vos conseillers. Comme vous allez certainement me répondre que cette disposition prévoit l'interdiction de la chasse dans le coeur du parc amazonien de Guyane, je vous interroge sur les droits qui ont été reconnus aux Amérindiens et aux Bushinengue. Je vous signale que ces droits sont reconnus par décret. Or nous discutons ici d'une future loi, ayant donc une force juridique supérieure au décret.

Je vous demande donc, d'une part, de me dire si ces droits sont préservés, et, d'autre part, en admettant que l'interdiction s'applique effectivement dans le coeur du parc, comment la police la fera respecter. Il s'agit, je vous le rappelle, du parc amazonien inaccessible. Si ce sont les agents de l'ONF – gestionnaire du domaine de l'État – qui s'y rendent, ils se déplaceront en hélicoptère. J'imagine qu'ils ne le feront pas tous les jours ! Si ce n'est pas eux, ce seront probablement des gendarmes ou des soldats, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, des gendarmes mobiles détachés en Guyane pour trois mois.

Dès lors, les droits des Amérindiens et des Bushinengue seront-ils reconnus ? Comment, en effet, des gendarmes mobiles détachés pour trois mois distingueront-ils les Amérindiens de Guyane, qui résident dans le parc et ont le droit d'y chasser, des éventuels braconniers et des orpailleurs clandestins, qui sont des Amérindiens du Brésil ? Comment sanctionneront-ils le braconnage tout en respectant les droits des Amérindiens de Guyane ?

La disposition en question arrive dans une proposition de loi, sans consultation préalable avec les collectivités, les usagers et les chasseurs. Et comme il s'agit d'une proposition de loi, le Conseil d'État n'a évidemment pas eu à se prononcer.

Pour l'instant, nous n'avons pas en Guyane de vraie législation sur la chasse. Elle se met en place en pointillés, notamment avec des arrêtés préfectoraux pris sous l'impulsion de l'ONCFS et qui déclenchent des protestations de toutes parts, aussi bien des Amérindiens que des Bushinengue et des autres chasseurs.

Je vous demande donc également de considérer la nécessité d'étudier de très près la possibilité de mettre en oeuvre un processus de consultation et de concertation qui permettra d'instaurer un certain nombre de mesures socialement acceptables. Considérez également ce texte, dont l'intention, affichée dans l'exposé des motifs et qui se traduit dans de nombreuses dispositions, est de procéder à une véritable réhabilitation des chasseurs. Or les chasseurs de Guyane, qui proposent la mise en place d'un permis de chasse, ne sont pas écoutés. La Guyane sera-t-elle le seul territoire de la République où l'on n'a pas à prendre en considération les chasseurs ? Dans le doute, je vous demande la suppression de cet article 13.

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