Surprise, enfin, d'apprendre qu'il n'existe pas de définition juridique des mines d'hydrocarbures non conventionnels.
Face à ces difficultés, il nous était impossible d'appuyer notre interdiction sur les deux critères retenus à l'article 1er de la proposition de loi. C'est pourquoi seule la technique de la fracturation hydraulique emporte maintenant cette interdiction.
Quant à l'article 2, qui, je vous le rappelle, abrogeait les permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels, il a été complètement récrit dans la mesure où ceux-ci sont « muets ».
Si l'article 1er nouveau ne semble pas aujourd'hui soulever de difficultés particulières, l'article 2, qui conduit les titulaires à remettre, dans un délai de deux mois, un rapport précisant les techniques employées à l'autorité administrative ayant délivré le permis, doit nous conduire dès maintenant, et dans le cadre de ce débat, à nous interroger sur les conditions de son application.
En effet, permettra-t-il, demain, à ceux qui ont pris publiquement et officiellement des engagements d'annulation de ces permis accordés dans la plus grande opacité par l'administration, sans débat et sans consultation des populations et des élus locaux, de tenir leurs engagements ?
Cette nouvelle rédaction de l'article 2 suscite des interrogations, des questions. Tant que n'auront pas été abrogés ces permis, le calme ne reviendra pas dans les territoires et la mobilisation ne faiblira pas.
Madame la ministre, si le contenu des arrêtés des permis exclusifs de recherche sont muets pour nous, parlementaires, nous pouvons quand même penser qu'ils ne le sont pas pour l'administration qui les a instruit, et qui devrait donc être en mesure d'établir une liste. Si cela n'était pas le cas, nous serions en droit de nous interroger sur le propre fonctionnement de notre administration et sur la réelle tutelle que le politique exerce sur elle.
D'ailleurs, on voit bien que des informations existent déjà puisque, dans le pré-rapport du conseil général de l'industrie et du conseil général de l'environnement, sont recensés et caractérisés trois permis gaz de schiste dans le sud-est et trois permis huile de schiste dans le bassin parisien. Imaginez un instant, madame la ministre, la réaction des élus locaux, des populations, apprenant que tel industriel dont le permis exclusif de recherches faisait partie de ceux à annuler, cités le plus souvent, réussisse, en contournant l'article 2, à le conserver dans l'attente de jours meilleurs.
Non, madame la ministre, nous ne pouvons pas accepter de nous retrouver dans une telle situation qui ne pourrait que décrédibiliser encore un peu plus les politiques aux yeux des citoyens, ce que nous ne pouvons pas nous permettre, compte tenu des sentiments de méfiance et de défiance dont ils sont déjà l'objet.
Élaborer et voter un texte qui soit, sur le plan juridique, des plus solide, nous en comprenons fort bien la nécessité, mais nous pensons aussi que nous commettrions une erreur si nous oubliions les engagements politiques que nous avons tous pris quant à l'abrogation de ces permis qui, comme l'indiquait le Premier ministre, « ont été donnés dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes ».
C'est bien à un exercice difficile que nous devons nous livrer, dans le cadre de ce débat, puisqu'il nous impose de trouver le meilleur chemin entre sécurité juridique et engagement politique.
Pour justifier les dispositions législatives sur lesquelles nous travaillons, il est des arguments qui sont plus rarement évoqués, et sur lesquels je veux revenir.
Pour nous, l'exploitation des huiles et gaz de schiste emportera une réorientation de notre stratégie énergétique en favorisant le développement de nouvelles énergies fossiles, politique dont nous croyons qu'elle remettra en cause les engagements pris par la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, aujourd'hui, certains affirment que le bilan gaz à effet de serre du gaz de schiste est proche de celui du charbon, voire supérieur.
C'est, tout d'abord, Normand Mousseau, qui, dans un livre publié ces jours-ci, précise que, pour faire une comparaison pertinente entre les différentes sources d'énergie, il convient, pour le gaz de schiste, d'inclure les gaz à effet de serre produits durant la phase d'exploration et d'exploitation, de même que le transport de ces combustibles jusqu'à leur point d'utilisation, et de prendre en compte les fuites de méthane durant les différentes étapes d'extraction, de transformation et de transport, ainsi que les émissions de CO2contenu dans le gaz extrait des schistes. Pour lui, l'impact gaz à effet de serre du gaz de schiste serait presque équivalent à celui du charbon.
Robert Howarth, de l'université de Cornell, considère quant à lui que l'empreinte de ce gaz est, par rapport au charbon, comparable sur cent ans et deux fois plus importante sur vingt ans.
Est-ce judicieux, est-ce conséquent d'introduire, demain, dans notre paquet énergétique, cette nouvelle source d'énergie, une des plus polluantes de toutes ?
Est-ce cohérent, alors que la Commission européenne propose une nouvelle fiscalité énergétique qui pourrait entrer en vigueur en 2013, laquelle ne serait plus fondée sur le volume d'énergie consommée et viserait à taxer plus lourdement les produits polluants et à encourager le recours à des énergies propres, en modifiant les modes de calcul, par la prise en compte de deux nouveaux facteurs : les émissions de CO2liées aux produits énergétiques et le contenu énergétique, c'est-à-dire l'énergie réelle qu'un produit permet d'obtenir.
Dans les années 70, la France a choisi, sans aucun débat, le tout nucléaire pour produire son électricité.