…ce qui n'a rien à voir : les médicaments existent à peu près partout, mais ils peuvent être disponibles en quantité insuffisante, dans un seul lieu ou à des tarifs prohibitifs. Cette disposition non seulement est inutile, mais elle est encore et surtout dangereuse car elle mettra en péril la santé et la vie des personnes concernées, et elle constituera une menace pour la santé publique et une atteinte au secret médical.
Deuxième régression : la rétention. Elle passera de 32 à 45 jours maximum. La mesure apparaît principalement punitive : même si les personnes sont relâchées in fine, elles auront passé plus de temps enfermées et dans la peur d'être expulsées.
Troisième régression : la limitation du rôle du juge des libertés et de la détention. En cas de recours contre une obligation de quitter le territoire français, le juge administratif se prononcera avant le juge des libertés et de la détention. Je constate que les sénateurs se sont malheureusement ralliés à la version des députés qui prévoit de retarder de 48 heures à cinq jours l'intervention du JLD, qui est pourtant le garant de la légalité des procédures engagées à l'encontre de l'étranger, au risque que des reconduites à la frontière aient lieu sans que ce juge ait été amené à se prononcer. L'objectif est donc de contourner ces juges judiciaires, que vous accusez de faire obstacle aux expulsions.
Quatrième régression : le bannissement du territoire européen. Le projet de loi crée une interdiction de retour sur le territoire français, qui se veut dissuasive, notamment au regard de sa dimension européenne. De fait, les personnes concernées – y compris celles qui résident en France depuis des années, qui y sont mariées ou qui y ont des attaches familiales – ne pourront plus revenir, une fois expulsées, ni en France ni ailleurs en Europe, pendant une durée de deux à cinq ans. La décision de l'autorité administrative devra, certes, être motivée. Mais cette mesure, qui découle de la directive « retour » de 2008, n'est pas accompagnée de toutes les garanties prévues par le texte européen.
Cinquième régression : la chasse aux Roms est institutionnalisée. Les ressortissants européens feront l'objet d'une mesure d'éloignement en cas d'« abus d'un court séjour » – c'est-à-dire de moins de trois mois – lorsqu'ils multiplient les allers-retours « dans le but de se maintenir sur le territoire » ou s'ils constituent « une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ». Cette disposition a une visée particulière sur une population très ciblée.
Sixième régression : des zones d'attente mobiles sont installées pour gérer le droit d'asile. Des zones d'attente spéciales, à l'image de celles qui existent dans les aéroports, pourront voir le jour. Aux termes de l'article 6 du projet de loi, « lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche. » Avec cette disposition, vous voulez tout simplement faire oublier l'échec que vous avez essuyé en 2010 quand une centaine de Kurdes de Syrie ont débarqué en Corse et que vous avez été condamnés par les tribunaux.
Cerise sur le gâteau, vous proposez une mesure aussi inutile que xénophobe : la création d'une variante au mariage de complaisance, ce que M. Besson, l'un de vos prédécesseurs, appelait le « mariage gris », qui pénalise les unions conclues entre un étranger et une personne de nationalité française, qui se sentirait « abusée ».
Enfin, vous abandonnez un domaine où vous auriez pu proposer une avancée : la répression des patrons fraudeurs et négriers. Vous ne voulez pas effrayer ce qui reste de votre base sociale. C'est ainsi que les employeurs d'étrangers sans titre de séjour seront finalement exonérés de responsabilité,…