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Intervention de Jean-Michel Boucheron

Réunion du 4 mai 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Boucheron, rapporteur :

Ce traité entre la France et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes traduit l'un des volets du partenariat de défense entre les deux pays, conclu à l'occasion du sommet bilatéral de Londres – important, voire historique – du 2 novembre 2010, date à laquelle le traité a été signé.

La coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni concernera des éléments essentiels pour la modernisation des forces. Outre la simulation nucléaire, objet du traité, les principaux projets concernent la mise au point d'un drone MALE (moyenne altitude-longue endurance), la construction d'un démonstrateur de drone de combat – alors que les Etats-Unis sont actuellement les seuls à produire des drones de grande taille –, la recherche en matière de cyberdéfense, qui est un enjeu stratégique pour le futur, comme en atteste la récente attaque contre le ministère français des finances, et la participation britannique au groupe aéronaval français, dans un contexte de rapprochement technologique qui laisse espérer des retombées industrielles considérables. Les deux pays vont aussi collaborer pour le maintien en condition opérationnelle des sous-marins nucléaires, ce qui constitue, sur le plan politique, une avancée d'importance pour le Royaume-Uni, qui a toujours été, depuis 1962, en la matière, extrêmement dépendant des Etats-Unis.

Le projet le plus fort politiquement reste la coopération en matière de simulation d'essai nucléaire, qui est l'objet du présent projet de loi. Concrètement, le traité vise à doter la France et la Grande-Bretagne de nouvelles installations permettant d'améliorer la connaissance de la phase dite « froide » du fonctionnement d'une arme nucléaire, à savoir l'utilisation d'explosifs conventionnels préalable au déclenchement de la réaction nucléaire au coeur de l'arme. Des systèmes radiographiques sont nécessaires pour mesurer la précision de l'explosion. Pour la phase « chaude » – thermonucléaire – de l'arme, la simulation repose sur l'utilisation de la technologie laser. La France développe actuellement le laser mégajoule du Cesta, qui devrait entrer en service en 2014.

Si ces capacités de simulation sont nécessaires à la France et au Royaume-Uni pour améliorer la robustesse de leurs armes nucléaires, c'est que les deux pays sont les seules puissances nucléaires, avec la Russie, à avoir ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires de 1996, alors que les Etats-Unis l'ont signé mais jamais ratifié. Ils ont d'ailleurs effectué un essai nucléaire sub-critique à 120 kilomètres de Las Vegas en juillet 2010 sans provoquer d'autres réactions que celle du maire de Hiroshima. La France a donc démantelé son centre d'essai de Mururoa et le Royaume-Uni a cessé d'utiliser les installations dont il disposait aux Etats-Unis. Le traité conclu entre la France et le Royaume-Uni vise donc la mise en commun de leurs capacités de simulation d'essais nucléaires.

Pour ce qui est de la phase « froide », les technologies actuellement disponibles sont l'installation Airix en France, qui dispose d'un pas de tir et d'une machine d'observation, et son équivalent britannique, encore plus ancien. Les deux pays avaient donc l'intention de moderniser ces outils. L'accord leur donne les moyens juridiques de le faire ensemble. Deux infrastructures sont prévues. La principale installation, baptisée Epure (expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair) sera située en Bourgogne, à Val-Duc. Ensuite est prévue, d'ici 2019, l'adjonction d'une deuxième machine d'observation britannique. D'ici 2022, un deuxième pas de tir devrait être construit, et une troisième machine d'observation de conception commune sera ajoutée. La conception de cette troisième machine et d'autres recherches relatives aux activités d'Epure seront conduites dans l'autre installation prévue par l'accord, baptisée TDC, qui sera implantée dans le Berkshire, à l'ouest de Londres.

Pour la phase « chaude », le Royaume-Uni ne disposant d'aucune capacité propre, il pourrait utiliser le laser mégajoule français lorsque ce dernier sera opérationnel.

En plus des bénéfices opérationnels tirés de la coopération franco-britannique, le présent accord permet de dégager des économies budgétaires. Le gouvernement les chiffre, pour la seule partie française, à 450 millions d'euros.

Le traité fixe les modalités de cette coopération, en posant le français et l'anglais comme langues officielles, à égalité. Chaque Etat sera responsable des essais qu'il effectuera, tant vis-à-vis des personnels que de la gestion des déchets – lesquels ne seront pas des déchets nucléaires. Le financement sera partagé à égalité entre les deux pays, en temps réel. Chaque pays mènera un programme d'essais séparé, mais cette coopération conduira à une convergence de leurs outils de dissuasion nucléaire.

Ce traité ne se réduit en effet pas à un arrangement technique visant des économies budgétaires, mais vise un rapprochement des technologies nucléaires de la France et du Royaume-Uni.

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