Nous avons été désignés rapporteurs en janvier, mais la période des cantonales a quelque peu retardé la mise en route du groupe de travail. Cela étant, nous sommes douze députés, douze ruraux qui ont tous, cela va sans dire, beaucoup d'idées sur la question, et l'entente entre les deux rapporteurs est excellente – notre attachement au milieu rural n'y est sans doute pas pour rien.
Nous avons décidé de faire porter notre évaluation sur les années 2005 à 2010, un travail similaire ayant été effectué en 2003 dans le cadre du Commissariat général au plan pour préparer la loi relative au développement des territoires ruraux de février 2005.
Nous avons commencé par essayer de recenser les dispositifs mis en place par l'État, en adressant un questionnaire au Premier ministre et à dix ministères. En l'occurrence, Bercy ne se distingue pas, puisque nous n'avons eu aucune réponse. Mais le retard n'est pas encore grand, puisque l'échéance était fixée au 29 avril dernier… Nous nous sommes également mis d'accord sur une typologie des domaines d'action de l'État qui nous semble assez exhaustive. Ils ne sont d'ailleurs pas bien différents, hormis quelques points très spécifiques, de ce qu'ils sont pour le reste du territoire : le milieu rural est aussi concerné que les villes, quoique sous des formes différentes, par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, par les problèmes immobiliers ou par l'organisation des services de santé et des services sociaux, par exemple.
La gouvernance de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural doit être étudiée, et ce à deux niveaux. Au niveau de la conception et du financement d'abord, il faut s'intéresser à la cohérence des actions menées respectivement par l'État, par l'Union européenne et par les collectivités locales, ainsi qu'à la coordination interministérielle. Dans la gestion des crédits européens, interviennent en effet, à la fois, le ministère de l'Agriculture – maintenant en charge de l'aménagement du territoire – qui est le gestionnaire du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et la Datar, Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, qui joue un rôle central pour l'attribution des crédits du Fonds social européen et du Fonds européen de développement régional. Quant aux collectivités locales, la synergie avec l'État passe en particulier par les contrats de projets État-régions (CPER).
Au niveau de la mise en oeuvre ensuite, l'aménagement du territoire étant fondé sur l'urbanisme, il faut mener une réflexion approfondie, allant du schéma de cohérence territoriale (SCOT) au plan local d'urbanisme (PLU). Dans ce domaine, les outils ont évolué, d'abord avec la loi Grenelle 1, qui a complété les objectifs des SCOT, puis avec la loi Grenelle 2 et avec l'Agenda 21 de Rio. Un seul exemple concret : doit-on construire des lotissements n'importe où, ou près des infrastructures de transports collectifs ? Cette deuxième option est certainement préférable, mais encore faut-il que ce soit prévu dans les SCOT… C'est ce que nous allons essayer de vérifier.
Toute évaluation doit conduire, nous semble-t-il, à hiérarchiser, des finalités aux dispositifs, en passant par les objectifs stratégiques puis opérationnels. Nous avons reconstitué a posteriori trois graphes d'objectifs, en nous fondant sur l'audition du ministre de l'Agriculture du 8 mars 2011 par la commission du Développement durable, sur le Plan d'action pour les territoires ruraux du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 et sur la loi de développement des territoires ruraux de février 2005. Nous avons constaté une grande similitude des finalités et des objectifs stratégiques, malgré quelques différences sémantiques qui peuvent avoir du sens. En revanche, il existe des variations substantielles dans leur mise en oeuvre, c'est-à-dire dans la définition des différents objectifs opérationnels et des dispositifs. Une remise en cohérence est donc indispensable. Tout cela soulève de nombreuses questions. J'en citerai trois classiques : faut-il mener une politique d'attraction de populations en pensant que les emplois suivront, ou commencer par essayer de réunir d'abord les conditions de l'attractivité économique là où elles n'existent pas encore ? Faut-il inclure le développement durable dans la finalité-même de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural, ou le considérer comme un élément exogène ? Une politique rurale indépendante des villes a-t-elle du sens, ou risque-t-elle d'isoler les zones les plus fragiles ? Une solution en la matière consisterait probablement à définir un minimum requis, un « standard » du territoire attractif, fondé sur des indicateurs en lien avec la typologie des différentes zones rurales.
Nous avons par ailleurs dressé une liste d'une quinzaine de questions, des questions certes « basiques » mais qui démontrent en effet l'ampleur du sujet. Nous aurons sans doute à faire un tri au fur et à mesure de nos travaux pour nous concentrer sur l'essentiel. Car ces questions sont larges : les leviers du développement, les problématiques foncières, les effets des grandes politiques de transfert, la péréquation entre les riches et les pauvres… Après y avoir répondu, nous pourrons formuler des propositions visant soit à ajuster, à la hausse ou à la baisse, les financements publics, voire à supprimer certains dispositifs, soit à améliorer leur mise en oeuvre.
Pour nous aider dans ce travail, nous souhaitons nous faire assister d'un comité d'experts constitué de membres des corps de contrôle compétents et d'autres spécialistes qui ont participé aux très nombreuses études menées sur ce sujet ces dernières années. Nous aurons besoin bien sûr des services de la Datar, qui se montrent d'ailleurs extrêmement coopératifs, du ministère de l'agriculture et de l'Insee, mais aussi du Cemagref ou d'universitaires. En faisant travailler ensemble tous ces experts qui explorent ces questions depuis des années, nous ne pouvons que gagner en temps et en efficacité.
Le groupe de travail devra aussi s'interroger sur la dichotomie entre les dispositifs de l'État, qui sont pour l'essentiel fondés sur un zonage avec une « politique de guichet », et les dispositifs européens, qui sont fondés, surtout depuis 2000, sur des appels à projets. Chacune de ces deux formules présente d'ailleurs des avantages. Supprimer les zones de revitalisation rurale (ZRR), par exemple, reviendrait à abandonner les plus fragiles à leur sort, cependant que l'appel à projets permet de sélectionner les candidats les plus aptes à mener les actions à bien. Il convient donc, probablement, de combiner les deux, mais en les articulant de manière plus pertinente. En effet, si l'appel à projets est un bon marqueur de la volonté locale, ce sont au final les collectivités qui ont le plus d'argent et d'ingénierie, bref de matière grise, qui y répondent. Pendant longtemps, l'ingénierie publique a joué un rôle primordial en milieu rural : ce sont les services du génie rural qui ont aidé les collectivités à constituer leurs réseaux d'assainissement, d'eau potable et d'électricité. Mais aujourd'hui, les maires sont livrés à eux-mêmes – surtout les trente mille maires de communes de moins de 500 habitants.
Enfin, nous élaborerons une revue critique des très nombreuses recherches qui ont déjà été effectuées sur notre sujet. La méthodologie et les principales conclusions des plus récentes, énumérées en annexe, ont fait l'objet de notes séparées.