Le sujet est vaste en effet, comme vous avez pu le constater à la lecture de la note d'étape que nous vous avons fait tenir. Je voudrais avant tout remercier tous ceux qui ont collaboré à nos travaux, en particulier les services du CEC, qui ont toujours fait preuve d'une grande disponibilité.
Nous nous sommes d'abord efforcés de cerner les contours de la RGPP : il s'agit d'un ensemble de mesures visant à rendre plus efficace l'action de l'État, mais, à ce premier objectif, le Gouvernement en a associé un second, consistant à réduire les dépenses de ce même État. D'autre part, la RGPP est aussi une méthode gouvernant l'élaboration et l'application de ces mesures.
Elle en englobe désormais 522 : 361 en cours d'exécution, 124 considérées comme exécutées et 37 mesures nouvelles. Étant donné l'ampleur de la réforme, il serait illusoire de prétendre balayer l'ensemble des thématiques, et c'est pourquoi nous avons fait le choix de concentrer notre étude sur certaines.
Le dispositif de la réforme est complexe, du fait non seulement de l'hétérogénéité de ces mesures, mais également de la difficulté d'évaluer la réalisation des objectifs. Les chiffres dont nous disposons à cet effet proviennent de sources diverses – Cour des comptes, ministère des Finances et autres ministères, dont la direction générale de la modernisation de l'État – et ne se recoupent pas toujours.
En principe, la RGPP est évaluée selon un système simple de feux tricolores : le feu vert signifie que « la réforme progresse au rythme prévu » ; le feu orange qu'elle « satisfait la plupart des exigences mais nécessite des actions correctrices » et le feu rouge qu'elle « connaît un retard important et doit faire l'objet d'actions correctrices à mettre en oeuvre rapidement. » On peut s'interroger sur la pertinence de ce système d'évaluation, d'autant que les objectifs ne sont pas toujours précisément définis.
Certaines mesures, telles que la réforme de la carte judiciaire, la fusion des réseaux des directions générales des impôts et de la comptabilité publique ou la création des agences régionales de santé, sont particulièrement emblématiques. D'autres, bien que substantielles, ont moins retenu l'attention : je pense notamment à la réorganisation de notre réseau diplomatique et consulaire, à la réforme du 1 % logement, ou encore à la réorganisation des modalités de délivrance des titres officiels. D'autres enfin, encore moins connues, relèvent de l'organisation ou de la gestion administratives de l'État.
Bien souvent, l'objectif de réduction des crédits ou des effectifs semble avoir pris le pas sur toute autre considération, ce qui a conduit à la réduction, voire à l'abandon plus ou moins assumé de certaines missions de l'État plutôt qu'à un réexamen des politiques publiques. Il eût été préférable de dire d'emblée quelles étaient les missions que l'État n'entendait plus remplir. On mesure seulement maintenant les conséquences sur le terrain de l'abandon, au demeurant assumé, par les directions départementales de l'équipement de la mission d'ingénierie territoriale qu'ils assumaient jusqu'alors.
Quant aux objectifs d'économies budgétaires escomptées de la RGPP, les chiffres que vous trouverez dans la note d'étape sont ceux du Gouvernement, mais en réalité il est extrêmement difficile d'y voir clair. On doit ainsi distinguer entre coûts bruts et coûts nets, notamment s'agissant de l'évaluation de la fameuse règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sur laquelle je voudrais m'arrêter un instant. Si cette règle d'« un sur deux » ne constitue pas à proprement parler une mesure de la RGPP, puisqu'il s'agit d'une décision politique arrêtée antérieurement, elle est un élément substantiel du contexte de mise en oeuvre de la réforme. Or son application systématique dans l'éducation nationale, par exemple, a été probablement au moins partiellement compensée par une augmentation du nombre des heures supplémentaires. Dans ces conditions, il est très difficile d'évaluer le montant des économies effectivement réalisées. La Cour des comptes l'a estimé en 2009 à cent millions d'euros, alors que le Gouvernement avance le chiffre de 500 millions d'euros !
L'évaluation doit également porter sur la méthode d'élaboration des mesures, qui a varié au fil du temps. Dans sa première phase, la réforme s'est souvent inspirée d'audits réalisés par des sociétés privées, au détriment peut-être de la prise en compte de considérations qualitatives. Cependant, dès l'origine, la RGPP s'est appuyée aussi sur toute une organisation politique et administrative : le Conseil de modernisation des politiques publiques, le CMPP, qui prend les décisions et s'est réuni cinq fois depuis 2007 ; un comité de suivi, qui s'est réuni, lui, à soixante-quinze reprises pour préparer les décisions du CMPP en amont, et une équipe d'appui entretenant des contacts fréquents et réguliers avec les secrétaires généraux des ministères – que nous avons nous-mêmes commencé d'entendre.
Il semble que, dans une deuxième phase, les administrations centrales de certains ministères se soient approprié la méthode, au point de formuler aujourd'hui des propositions que l'on peut donc qualifier d'« endogènes ». On ne peut que regretter en revanche que le Parlement soit insuffisamment associé à ce dispositif, eu égard aux conséquences de la réforme pour les missions de service public, ainsi qu'à ses incidences financières.
Nous envisageons de recueillir les avis des représentants syndicaux des agents publics concernés par cette deuxième phase de la réforme, dont vous n'ignorez pas qu'elle a suscité chez eux beaucoup d'interrogations, comme le montre le baromètre Acteurs publics du 29 avril 2011. Pour ma part, et à la différence de M. Cornut-Gentille, je doute que l'objectif initial de « faire mieux avec moins » ait été atteint. Je crains même qu'il ne soit remplacé par un mot d'ordre qui consiste à « faire moins », et que l'application de la RGGP n'ait ainsi nui à l'exécution des missions de service public, quand elle n'aura pas mis en péril l'existence même de certaines.