Certes, l'une des dispositions de ce projet est tout à fait positive, c'est celle qui prévoit à l'article 12 l'intervention du Parlement dans la procédure du « semestre européen ». C'est une avancée importante, car elle confirme l'idée que l'on ne fera pas progresser la construction européenne sans y associer l'ensemble des acteurs institutionnels, et particulièrement les parlements nationaux. On peut avoir la conception que l'on veut de la construction de l'Europe, l'association, le plus en amont possible, des parlements nationaux et leur implication permanente dans les enjeux communs de l'Union européenne sont parmi les éléments qui contribueront le mieux à surmonter les antagonismes virtuels entre l'Union et les nations qu'elle rassemble.
Mais, pour le reste, c'est-à-dire l'essentiel, c'est-à-dire les dispositions relatives à l'équilibre des finances publiques, cette réforme est inutile, dangereuse et elle contrevient à nos engagements européens.
Cette réforme est inutile. L'exigence de maîtrise – et c'est un concept un peu différent de celui d'équilibre – des finances publiques doit être, c'est évident, au coeur de l'action gouvernementale.
C'est un enjeu tellement important qu'il constituait même, à l'origine, l'un des piliers de la Ve République ; mais à l'époque, c'est vrai, il n'y avait pas besoin de l'écrire.
La maîtrise des dépenses publiques, ce n'est pas une affaire d'affichage, c'est une affaire de volonté politique – volonté politique qui doit être permanente, mais qui doit aussi être libre, et non pas encadrée ou entravée : elle doit en effet être à même de s'adapter aux contraintes de notre environnement économique et financier.
Vous soumettez en outre, dans ce projet, l'empilement des textes relatifs aux finances publiques au contrôle du Conseil constitutionnel. Cela sera insupportable pour le Conseil, qui devra devenir une super-Cour des comptes, comme pour la gestion des finances publiques elle-même, qui deviendra de plus en plus aléatoire.
Or il serait temps de rappeler qu'il ne revient pas au Conseil constitutionnel de sanctionner la volonté politique ; ce rôle revient au suffrage universel, et à lui seul.
Cette réforme est dangereuse, car elle conduit à paralyser l'un des instruments majeurs de notre politique économique. Est-ce un simple effet d'annonce ou bien, comme certains le disent un peu trop ouvertement, une manoeuvre politicienne à la veille d'échéances électorales ? Je ne veux pas le croire, monsieur le ministre. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce ne serait pas dans l'esprit de nos institutions.
Est-ce là l'exhumation d'un vieux fantasme national-libéral, d'une certaine façon la résurrection de Salazar ? À écouter certains, on pourrait presque le croire.