En effet, avant 2008, il n'y avait pas de crise et la Cour des comptes elle-même considère que l'on peut lui imputer un tiers seulement du déficit.
Pour prendre un exemple précis, depuis 2003, le déficit social est systématiquement de l'ordre de la dizaine de milliards d'euros. Comme l'a dit M. Méhaignerie, il y a eu une amorce de rétablissement et la crise est venue freiner dans son élan la politique prétendument structurelle du Gouvernement. Mais regardons les données ! La seule année où le déficit de la sécurité sociale est descendu en dessous des 10 milliards pour s'établir à 8,7 milliards – avouez que l'effort est colossal ! – c'est 2006. Dès l'année suivante, on a dépassé les 10 milliards de déficit. La crise n'a donc rien à voir avec cela. Nous étions en effet dans une période de relative croissance, avec une augmentation de la masse salariale et des cotisations. Votre discours qui consiste à faire de la crise le seul élément explicatif n'est donc absolument pas valable. Le problème de fond, c'est que vous n'avez pas mis en oeuvre les politiques structurelles qui auraient été nécessaires pour revoir les déficits à la baisse.
Dès lors que l'enjeu est la mise en place de politiques structurelles, on peut se demander ce que la Constitution vient faire dans l'histoire ! En admettant même qu'il faille engager des politiques permettant de mieux contrôler, de mieux réviser les dispositifs de dépenses au cours de l'année, en quoi la constitutionnalisation de ces garde-fous permettra-t-elle de garantir que la ligne jaune ne sera pas franchie ? Les règles constitutionnelles actuelles, au premier rang desquelles se trouvent les règles issues du traité de Maastricht, ne sont en effet pas respectées aujourd'hui, et le fait qu'elles soient inscrites dans la Constitution ne change strictement rien.
Je pourrais également revenir sur l'épisode qui, il y a quelques mois, a consisté à modifier la règle constitutionnelle concernant la durée de validité de la CADES, règle que vous aviez vous-mêmes fixée. Ce qu'un texte a fait, un autre texte l'a défait. C'est peut-être un affichage intéressant à court terme, mais qui n'est en rien garant d'une politique de sérieux, de responsabilité et d'efficacité. En revanche, l'inscription dans la Constitution aura pour effet de complexifier considérablement la manière d'organiser la politique tout au long de l'année, la mise en place des politiques structurelles. J'en veux pour exemple la récente réforme que vous avez annoncée sur la fameuse prime à 1 000 euros. Je ne reviendrai pas sur le fond même de la politique que vous proposez, mais cette prime à 1 000 euros, pour être incitative, s'accompagnera d'exonérations de cotisations sociales. Vous nous expliquez qu'il faut faire preuve de rigueur, qu'il faut faire la chasse aux niches sur lesquelles vous avez pourtant systématiquement refusé de revenir au cours des dernières années lorsque c'est nous qui le proposions, et la première mesure que nous allons être amenés à examiner dans les semaines qui viennent sera un dispositif d'inspiration gouvernementale visant à introduire des exonérations de cotisations d'une manière hyper-compliquée. Non seulement vous ne respectez pas la règle de la rigueur que vous prétendez imposer à vos successeurs, mais vous compliquez la procédure parlementaire. On voit bien que, pour vous, l'enjeu est avant tout un effet d'affichage. C'est un enjeu théâtral consistant à installer une certaine image dans la perspective de l'élection présidentielle.
Tout cela est assez préoccupant pour les politiques sociales. M. Bur dit, dans son rapport, qu'il y a en France une culture du déficit. Je vois qu'il fait preuve de lucidité à l'égard de gouvernements qui ont occupé des responsabilités pendant une dizaine d'années, mais l'enjeu pour les politiques sociales consiste à savoir si les principes, les engagements auxquels nous nous référons régulièrement sont, ou non, maintenus. Or, avec la procédure que vous proposez on se demande ce que deviennent les partenaires sociaux, notamment lorsque vous imposez de façon contraignante un objectif de dépenses pour l'UNEDIC alors que cela relève de la gestion des partenaires sociaux. On se demande comment l'on pourra maintenir l'identification des dépenses sociales qui est une condition nécessaire pour l'identification de ces politiques sociales. Pour ne me référer qu'à ces dernières, je veux simplement dire que le seul esprit de responsabilité qui vaille c'est la mise en oeuvre de politiques structurelles. Or, en matière de retraites, vous avez résolument tourné le dos aux politiques structurelles en supprimant le Fonds de réserve des retraites qui était un engagement d'avenir traduisant, dans la durée, une prise de responsabilité à moyen et long terme.
Pour réaliser des effets de manche dans l'immédiat vous avez tourné le dos à ce qui permettait de garantir dans la durée le rétablissement des comptes.
Autre exemple, s'agissant des politiques de santé, on sait très bien qu'il faut faire des efforts, mais vous avez fait le choix de multiplier les petits déremboursements de-ci de-là, de ne pas engager de politique de suppression des niches qui soit résolue – l'exemple de la prime à 1 000 euros le montre encore – et vous avez systématiquement reculé devant tout ce qui est aujourd'hui considéré comme nécessaire, c'est-à-dire la refonte du cadre de l'exercice de la médecine libérale, la mise en place du plafonnement des dépassements d'honoraires, l'encadrement des installations des professionnels de santé, l'accompagnement de nouvelles pratiques, la volonté de mieux faire travailler ensemble les différents professionnels, la réforme de la tarification et de la rémunération des professionnels de santé. Toutes ces réformes structurelles auraient pourtant permis d'inscrire la politique de sécurité sociale dans l'avenir à moyen terme, mais vous avez préféré vous satisfaire des expédients que vous avez jusqu'à maintenant privilégiés.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous ne pouvons croire à ce que vous nous proposez. Nous ne pouvons même pas croire que vous y croyez vous-même. En réalité, vous êtes animé d'une volonté d'affichage, de gesticulation pour leurrer les Français dans la perspective des élections de l'année prochaine. Mais, à l'évidence, les Français ne se laisseront pas tromper car, pour donner des leçons, il faut savoir être exemplaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)