Notre opposition à ce projet de loi constitutionnelle est donc d'abord motivée par cette idée simple : c'est la volonté politique, traduite en choix politiques décidés ici même, au Parlement, qui permettra d'atteindre l'équilibre des finances publiques. Ce n'est pas la Constitution qui remplira les caisses de l'État. Et, même si je suis désolé de devoir redire ces évidences, ce n'est pas non plus le Conseil constitutionnel qui le fera ! C'est au mieux une confusion des rôles, au pire une illusion qui confine au mensonge.
Cette tendance à vouloir tout judiciariser est insupportable pour les Français, qui voient bien qu'il s'agit là d'une déresponsabilisation du politique. C'est une tendance à se défausser qu'ils n'acceptent plus. Dans la Constitution, on inscrit des droits, pas des objectifs politiques. Ne confondons pas les règles de fonctionnement de la démocratie avec les choix politiques qui doivent être faits par le peuple français et les représentants qu'il se donne lors des élections législatives.
Quand je parle de déresponsabilisation, c'est très concret : le Gouvernement n'hésite pas à s'exempter de toute responsabilité dans ses choix budgétaires et fiscaux. Ainsi, il explique dans l'exposé des motifs de ce projet de loi que cette situation de déséquilibre budgétaire actuel « ne peut s'expliquer simplement par la faiblesse de la volonté politique de tel ou tel gouvernement. »
Si je comprends bien, d'une part, on ne peut rien à ces déséquilibres, puisque ce n'est pas une question de volonté politique, mais, d'autre part, on doit combattre cette situation, et c'est même un « impératif moral » – l'expression est employée dans l'exposé des motifs. En réalité, ce n'est pas d'une faiblesse de la volonté politique qu'il s'agit, mais plutôt de la faiblesse de votre politique !
Il y a une autre raison qui nous fait penser que ce n'est pas une réforme de la Constitution qui règlera nos problèmes d'équilibre des finances publiques. En effet, il y a en la matière un précédent historique : l'article 40 de la Constitution, qui existe depuis la première version de notre Constitution, adoptée en 1958, et dont je dis au passage que nous regrettons qu'on la triture sans cesse pour y ajouter je ne sais combien d'articles et d'alinéas, comme tend à le faire ce projet de loi constitutionnelle !