…et entamé les finances de l'État ?
Nous nous sommes engagés sur une bonne voie, ces dernières années, et nous l'avons suivie, malgré la crise. D'autres pays, comme l'Allemagne, n'ont pas hésité à créer des dispositifs très rigides. La loi fondamentale allemande prévoit ainsi, depuis 2009, que le déficit budgétaire structurel de l'administration fédérale doit revenir à 0,35 % du PIB d'ici à 2016. À la même date, nous, Français, espérons que notre déficit sera ramené à 2,5 % du PIB… La démarche de l'Allemagne a d'ores et déjà porté ses fruits : dès 2010, et malgré les effets persistants de la crise, elle a limité son déficit public à 3,3 % du PIB, un niveau proche du seuil de 3 % fixé dans le pacte de stabilité et de croissance européen.
Par ailleurs, très tôt, en 1996, la Suède, pour protéger son modèle social, est allée encore plus loin, en décidant que le Gouvernement devait désormais respecter deux règles pluriannuelles importantes lorsqu'il élabore son projet de budget : le plafond de dépenses triennal et « l'objectif de surplus » sur un cycle conjoncturel, qu'évoquait Gilles Carrez tout à l'heure, et qui impose que les finances publiques dégagent un excédent de 1 % du PIB sur l'ensemble d'un cycle économique.
Pourquoi la Suède s'est-elle intéressée si tôt au financement de son modèle social ? La réponse est simple : en 1991, ce pays a connu une crise financière d'une ampleur semblable à celle de 2008, qui l'a amené à réfléchir à ses finances publiques. L'expérience d'un pays est, hélas ! rarement source d'inspiration pour ses voisins. Elle doit pourtant leur permettre de tirer des leçons et d'adapter leur comportement, dès lors qu'ils reconnaissent les problèmes.
Si, précisément, nous tirons les leçons de la crise, il me semble utile de nous interroger sur les raisons pour lesquelles les socialistes refusent de voter unanimement ce projet ; on ne peut pas décemment prétendre être responsable et refuser d'encadrer les dépenses publiques par une norme. Si l'opposition veut montrer qu'elle a changé, qu'elle n'est plus « dépensolâtre », elle doit voter ce projet de loi. Sinon, elle prouvera que les 50 milliards d'euros de dépenses nouvelles que le PS annonce dans son projet s'ajouteront à tous les déficits hérités du passé.
En effet, qui peut être dupe du chiffrage à l'eau de rose du parti socialiste ? Le coût de leur projet s'élèverait à 25 milliards, financés par 50 milliards d'impôts, dont la moitié permettrait de réduire le déficit. Mais ils savent bien, parce qu'ils comptent quelques connaisseurs dans leurs rangs, que prélever 50 milliards en augmentant les impôts ou en supprimant les niches fiscales est fantasmatique. Ou alors ils veulent pénaliser durement les familles de France, et ils le cachent encore pour ne pas se les mettre à dos. Voilà la vérité ! Le plus responsable serait qu'ils annoncent clairement la donne et qu'ils expliquent comment ils ont chiffré leur projet et comment ils vont lever 50 milliards d'impôts.
Tous ceux qui suivent les finances publiques le savent : il faut être hypocrite pour écrire un scénario qui prévoit des dépenses fiscales additives et qui ne produit pas d'effets d'optimisation. Soyons honnêtes, la suppression des niches fiscales ne financera pas les 50 milliards du projet socialiste. Dès lors, soit l'opposition ment et ne veut pas réduire l'endettement, soit elle ment parce qu'elle veut augmenter plus massivement encore les impôts. Dans ce cas, je les mets au défi de trouver un économiste, à part Pierre-Alain Muet, qui estime encore crédible la prévision de 2,5 % de croissance sur laquelle ils s'appuient pour justifier leur programme économique. Non, la véritable raison de leur refus de voter ce projet de loi, c'est qu'ils veulent utiliser le déficit public pour financer leurs promesses électorales : 300 000 emplois par ci, un salaire étudiant par là, et une banque publique en plus, pour finir.
Alors que cette loi constitutionnelle peut être un formidable levier d'action pour tous les réformateurs, de droite comme de gauche, parce qu'elle répond à une logique de transparence et d'équité intergénérationnelle, qui n'est ni partisane, ni électoraliste, l'opposition veut nous entraîner dans de vaines polémiques.