Il est toujours préférable d'être responsable que d'être irresponsable ! J'y reviendrai.
Mais aujourd'hui, alors que nous proposons un ensemble constitutionnel cohérent, voilà subitement que ce qui était une nécessité hier – éviter le déficit – devient une mauvaise idée.
Que propose la majorité ? Elle veut rendre possible la résolution de la dette publique en se donnant les moyens institutionnels d'apporter à cette tâche la plus grande vigilance et la plus forte cohérence législative, ni plus ni moins. Il s'agit d'une nécessité pas seulement pour nos travaux, mais aussi parce que nos compatriotes sont marqués par l'ampleur des déficits publics et par leurs conséquences en Grèce, en Espagne, en Irlande, et peut-être bientôt ailleurs
Jusqu'à ces dernières années, le déficit n'était pas un sujet politique. Que les recettes soient moins importantes que les dépenses depuis 1975 ne constituait en aucun cas une préoccupation pour les Français. Du reste, le traité de Maastricht consacre cette forme de financement des politiques publiques tout en plafonnant son utilisation pour prévenir tout risque inflationniste. Par ailleurs, il peut être parfois judicieux de produire du déficit dans certains cycles de crise, comme on l'a vu récemment. En revanche, ne pas le réduire dans les périodes de forte croissance relève de l'irresponsabilité politique.
Hier, Pierre-Alain Muet rappelait que, sous le gouvernement Jospin, la France avait connu la plus forte croissance depuis vingt ans. C'est vrai. Mais qu'ont fait les socialistes des excédents ? Ils ont marginalement réduit le déficit budgétaire et, surtout, ils ont financé leur projet politique par des embauches – les emplois jeunes, déjà ! – et par les 35 heures. C'est la raison pour laquelle nous sommes parvenus à une telle accumulation de dette. Dans les phases hautes du cycle économique, les socialistes, qui étaient alors aux responsabilités, n'ont pas pensé aux générations futures : ils ont tout dépensé. Ils ont vidé la cagnotte et n'ont rien laissé. Du reste, quel combat l'opposition, Gilles Carrez en tête, a-t-elle dû livrer, à l'époque, pour leur faire reconnaître l'existence de cette cagnotte ! Au début, M. Jospin ne voulait rien entendre. Puis il a bien fallu qu'il accepte l'évidence et qu'il commence à s'engager dans la voie d'une réduction du déficit budgétaire annuel. Mais, à aucun moment, il n'a réduit l'emprunt : alors que nous connaissions une période de croissance historique, il a continué à creuser le trou du déficit.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous devons nous engager dans une démarche transparente, vertueuse et rigoureuse en matière de gestion publique et nous doter de nouveaux instruments.
En 2008, dans le cadre de la révision constitutionnelle – que, déjà, à l'époque, l'opposition n'avait pas voulu voter, sous des prétextes fallacieux –, nous avions introduit, dans l'article 34 de la Constitution, un nouvel alinéa qui marquait notre volonté de mieux encadrer la réflexion budgétaire. Aujourd'hui, après la crise financière la plus violente que la France ait connue, nous devons aller plus loin, sans pour autant obérer les droits du Parlement et les choix du Gouvernement.
En effet, je ne crois pas qu'en permettant que certaines dispositions des lois-cadres d'équilibre des finances publiques s'imposent aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, nous entravions les choix du Gouvernement. Certes, ce dernier sera contraint de respecter l'objectif affiché à la date de retour à l'équilibre des comptes publics si ceux-ci font apparaître un déficit ; mais, cette date, il la fixe lui-même. Ce dispositif interdit donc simplement de revenir à l'époque des promesses qui n'engagent que ceux qui les croient – une époque bien connue de l'opposition.
De même, je ne crois pas qu'en réservant aux seules lois de finances et de financement de la sécurité sociale les dispositions de nature fiscale, nous entravions les droits du Parlement. Tous les parlementaires jouent leur rôle, et tout leur rôle, lors des débats budgétaires, quelle que soit la commission à laquelle ils appartiennent. Du reste, nombreux sont, sur ces bancs, celles et ceux qui ne sont membres ni de la commission des finances ni de celle des affaires sociales, mais qui peuvent se flatter d'avoir su gagner la majorité de l'hémicycle à leur point de vue.
De surcroît, le rythme des lois de finances et des lois de finances rectificatives depuis 2008 permet d'envisager désormais, en moyenne, deux à trois rendez-vous budgétaires annuels, et c'est très bien ainsi. J'ajoute que, depuis le mois de juillet 2010, le Parlement a demandé l'application de la circulaire du Premier ministre qui vise à ce qu'aucune disposition fiscale n'apparaisse dans un projet de loi ne traitant pas des finances ou du financement de la sécurité sociale. Si le Congrès en décidait ainsi le moment venu, cette mesure, qui a été demandée à plusieurs reprises par le président de notre commission des finances, aurait une valeur constitutionnelle et refléterait la continuité de la volonté du Parlement dans son ensemble depuis ces derniers mois.
Par ailleurs, je crois – et je sais être rejoint sur ce point par de très nombreux collègues – que l'organisation d'un débat au Parlement, comme ce fut le cas hier après-midi, sur les programmes de stabilité avant que ceux-ci ne soient adressés à la Commission européenne constitue une avancée importante. Elle permet en effet de lancer une réflexion sur la coexistence des réflexions budgétaires nationales à l'échelle européenne, prélude, pourquoi pas, à une nouvelle étape de la construction européenne. On pourrait en effet imaginer une politique fiscale commune s'agissant d'outils qui continuent à se faire bêtement concurrence, comme l'impôt sur les sociétés ou la TVA.
Mes chers collègues, n'ayons pas peur de nous montrer vertueux face aux Français.