Non, ce n'est pas du tout la même chose que le contrôle exercé par la Cour des comptes. Il s'agira en effet de veiller au respect de lois-cadres qui fixent des objectifs. C'est bien le rôle du Conseil constitutionnel, comme c'est bien celui du Parlement.
Dernier point, que se passe-t-il si l'on veut modifier la loi-cadre ? Il y a deux cas de figure. Il peut arriver que l'on se soit trompé, que l'on ait mal évalué une dépense. Dans ce cas, ce sont les dispositions sur les écarts qui doivent s'appliquer : dans la suite de l'exécution de la loi-cadre, le Gouvernement doit prendre les mesures, soit en trouvant des économies soit en trouvant des recettes supplémentaires, pour revenir dans ce que l'on pourrait appeler le « tunnel » défini par les objectifs de dépenses et de recettes. Chers collègues, nous avons prévu, dans notre amendement – ce que le Gouvernement souhaitait –, la fongibilité : si jamais les recettes sont supérieures à ce qui était prévu, cela peut permettre de dépenser un peu plus. Inversement, si la recette est inférieure à ce qui était prévu, il faut évidemment cadrer les dépenses par rapport aux recettes. Il y a donc de la souplesse.
Mais, évidemment, il reste l'hypothèse de la survenue d'une crise. Une crise internationale, une crise immobilière, que sais-je. Dans ce cas, il est possible de modifier la loi-cadre, évidemment. Nous ne sommes absolument pas favorables à une logique qui conduirait à modifier chaque année la loi-cadre. Celle-ci doit avoir une visibilité d'au moins trois ans. Elle doit être respectée. Le Conseil constitutionnel doit avoir les outils juridiques pour veiller à ce qu'elle le soit. Par contre, la majorité qui l'a votée, si les circonstances ont changé, doit pouvoir la modifier. C'est l'équilibre qui a été choisi.
Pour être tout à fait sincère, je dois vous dire qu'à un certain moment, nous avions réfléchi à un autre système, prévoyant que les modifications de la loi-cadre devraient nécessiter une majorité renforcée. L'idée était que, dès lors que la majorité a adopté une loi-cadre, si le Gouvernement veut changer les règles du jeu, il doit aller à la recherche d'une majorité plus large. Mais je ne crois pas que le consensus pouvait se faire aujourd'hui sur cette idée. Par conséquent, nous maintenons la possibilité de modifier la loi-cadre dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles elle a été votée.
J'en viens à la question du rassemblement des dispositions fiscales dans le projet de loi de finances initiale ou rectificative, ainsi qu'à la question analogue concernant les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je disais tout à l'heure que l'on ne redresserait pas les finances publiques contre le Parlement. Je vais quand même me permettre de citer un ou deux chiffres. Depuis dix ans, un certain nombre de dispositions votées ont entraîné des pertes de recettes. C'est d'ailleurs bien aussi de ce problème que souffrent nos finances publiques. Sur 100 euros de recettes perdues depuis dix ans, 85 l'ont été par des dispositions incluses dans les lois de finances ou des lois de financement de la sécurité sociale, et 15 l'ont été par des dispositions figurant dans d'autres lois. Je précise que la plupart de ces dispositions n'étaient pas d'origine parlementaire.
Vouloir rassembler toutes les dispositions fiscales dans les projets de loi de finances présente incontestablement des avantages. Le premier avantage que je vois, c'est que si le Parlement veut voter, par exemple dans le cadre d'un collectif budgétaire, une disposition donnant tel avantage fiscal en espérant de nos concitoyens tel ou tel comportement, il devra la chiffrer : combien cela coûte, combien de recettes en moins ? Et il faudra recalculer le nouveau solde du budget. Aujourd'hui, on peut voter en cours d'année des dispositions fiscales sans calculer leur impact sur l'exercice en cours. Cet impact, on ne fera que le constater dans l'exécution du budget. Si les dispositions de nature fiscale sont rassemblées, on sera obligé, à l'avenir, chaque fois que l'on votera une nouvelle disposition – en matière de sécurité sociale, cher Yves Bur, comme en matière de finances –, d'afficher son coût, de dire si elle est compatible avec le minimum de recettes qui aura été fixé et qui fera l'objet d'un contrôle du Conseil constitutionnel, de vérifier si elle n'aura pas pour effet de crever le plafond de dépenses qui est lui aussi sous le contrôle du Conseil constitutionnel, et d'afficher sa conséquence sur le solde budgétaire qui aura été voté dans la loi de finances initiale ou dans la loi de financement de la sécurité sociale initiale.
C'est là le grand intérêt du rassemblement dans le même texte des dispositions fiscales. Cela entraînera incontestablement, mes chers collègues, un changement assez important dans notre manière de travailler. Aujourd'hui, nous pouvons déposer, dans tout texte de loi ordinaire, des amendements qui aboutissent à des pertes de recettes, que nous gageons, par exemple au moyen d'une phrase type concernant le tabac, qui se trouve dans l'ordinateur de tous les députés. (Sourires.)