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Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 3 mai 2011 à 15h00
Renforcement de la compétitivité de l'agriculture française — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Gaubert :

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui porte sur les problèmes de compétitivité que rencontre l'agriculture française. Ils sont réels ; nous en connaissons un certain nombre.

Mais cette question n'est ici posée que sous l'angle des coûts sociaux, des cotisations sociales, alors que beaucoup d'autres problèmes se posent.

Il faut d'abord rappeler qu'une précédente loi a, en 2006, réglé le problème des saisonniers, autant qu'il pouvait l'être. Le problème ne demeure donc que pour les salariés permanents. Cela a déjà été dit.

Quelle est la situation du salariat permanent en France ? Le coût des charges salariales – pas seulement des charges sociales – dans l'agriculture française oscille entre 5 et 8 %, selon les catégories, pour les salariés permanents. Est-ce le vrai problème ? Certes, si elles diminuaient encore, tout le monde applaudirait ; mais dans nombre de secteurs, ce coût est beaucoup plus élevé.

Ne parler que du coût des salaires, c'est mal poser le problème : il y a bien d'autres problèmes de compétitivité ! J'en prends quelques exemples.

Le coût des matières premières a ainsi beaucoup augmenté : voilà une charge qui handicape beaucoup plus notre agriculture que d'autres.

Je pense aussi à la valorisation des sous-produits. On fait souvent, ici, la comparaison avec d'autres pays ; on constate ainsi qu'en Allemagne, l'agriculture devient de plus en plus – malheureusement – un sous-produit de la production d'énergie : les Allemands, vous le savez, se sont engagés beaucoup plus tôt que nous dans la production d'énergies renouvelables. C'est vrai aussi au Danemark, où le lisier sert à chauffer les villes et où certains producteurs agricoles ont installé sur leurs exploitations des éoliennes.

Constatons que, là aussi, des écarts de compétitivité se sont installés depuis un certain temps.

Je pense aussi à la fiscalité. Il existe des écarts fiscaux entre les différents pays. Le système allemand de récupération de la TVA est plus avantageux pour l'agriculture que le système français ; certes, ils ont obtenu une dérogation à un moment ou à un autre, mais, monsieur le ministre, il faudra bien que ces sujets soient remis sur la table. D'autre part – nous en avons parlé lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole – on sait bien que le système d'incitation fiscale à l'investissement en France est pervers, et qu'il a tendance à charger au-delà du nécessaire la gestion des exploitations agricoles.

Je pourrais continuer longtemps : les problèmes qui mènent à des écarts de compétitivité sont nombreux. Mais je voudrais en venir au financement. Vous avez trouvé quelque chose d'extraordinaire : une taxe de 1 % sur les grandes et moyennes surfaces.

Outre qu'il y a déjà, vous le savez tous, un problème de compatibilité européenne posé par la « taxe poisson », il faut se demander qui paierait vraiment cette taxe nouvelle : croyez-vous que ce seraient les entreprises de la grande distribution ? J'en doute : plus sûrement, ce serait le consommateur, ou bien les caissières – on l'a vu récemment : les caissières de Carrefour se considèrent comme mal payées et mal considérées, et chacun sait qu'elles n'ont pas tort ; ou alors, ce serait peut-être, puisque c'est une habitude bien ancrée dans la grande distribution, les fournisseurs.

Or ceux-ci ont souvent des charges salariales bien plus élevées que les 5 à 8 % que j'ai évoqués.

Enfin, je voudrais dire que le problème posé est un vrai problème. Il faut se souvenir qu'en 1945, quand notre système social a été mis en place, il reposait sur des cotisations liées au salaire : les salaires étaient les seuls revenus de nos concitoyens. Aujourd'hui, les salaires représentent moins de 60 % du total des revenus de nos concitoyens, et on refuse systématiquement de s'intéresser aux autres revenus !

C'est cela qui fera l'objet du débat en 2012 : vous voulez appliquer ce que vous appelez une TVA sociale, ou TVA anti-délocalisations, qui pénalisera encore davantage les plus bas revenus ; nous voulons, nous, demander à l'ensemble des revenus de cotiser pour notre protection sociale.

En tout état de cause, vous l'aurez compris, nous ne pouvons pas adhérer à cette proposition de loi. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

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