En tant que chef de la Mission de modernisation du MCO des matériels aéronautiques de la défense (MMAé), petite équipe de dix personnes qui rend directement compte au cabinet du ministre – dont j'ai une lettre de mission –, j'ai une vision transversale du ministère pour toutes les questions de maintien en condition opérationnelle des aéronefs, avions comme hélicoptères.
Cette fonction m'a été confiée à compter du 1er avril 2010, mais la mission a été créée en juin 2005, à la suite d'un audit qui avait montré que des progrès étaient possibles – étant précisé qu'il s'agit d'une activité dispersée entre l'état-major des armées, les états-majors de force et la DGA. L'objectif était de créer une équipe suffisamment indépendante pour promouvoir des idées novatrices.
L'une des actions majeures a été de construire un modèle de coût du MCO aéronautique, en rassemblant des informations relatives tant aux rémunérations et charges sociales qu'aux dépenses de contrats.
Étant également responsable du projet MCO aéronautique dans le cadre de la RGPP, je vous présenterai successivement, s'agissant des externalisations, les critères retenus, l'impact sur les effectifs et les gains financiers.
Les critères pouvant conduire à une décision d'externalisation, tout d'abord, sont de plusieurs ordres.
Il s'agit en premier lieu de critères opérationnels. On externalise des fonctions ou des activités qui ne sont pas critiques ou sensibles pour le contrat opérationnel des forces. A priori, une activité dont les forces ont besoin lorsqu'elles sont déployées ou susceptibles d'être déployées n'est pas externalisable ; à l'inverse, la possibilité d'une externalisation pourra être examinée lorsqu'il s'agit d'une activité relativement standard, se déroulant sur le territoire national, pour laquelle il existe des applications civiles ou des possibilités industrielles. La formation fait partie de cette deuxième catégorie – je pense à l'école de Dax.
Il faut aussi veiller à ce que les forces aient suffisamment d'activité de maintenance pour être capables d'assurer la permanence opérationnelle de maintenance en déploiement : pour que les avions déployés en opérations extérieures soient opérationnels, l'armée doit disposer non seulement de personnes sur place, mais aussi d'un vivier en France suffisamment large pour assurer les rotations de personnel.
Vient ensuite le critère économique. Le principe est simple. Si l'évaluation initiale – par exemple le devis d'un industriel – fait apparaître, par rapport au coût en régie, un gain supérieur ou égal à 20 %, on approfondit les travaux – lancement des consultations, recueil des offres. Il arrive que celles-ci conduisent à abandonner le projet.
Les choses ont été beaucoup plus formalisées par le ministère depuis l'été 2010. À trois moments-clés, on s'assure auprès du ministre qu'il est d'accord pour que les travaux soient poursuivis ; ce sont des jalons décisionnels. La principale raison en est que toute externalisation est assortie d'un volet social, comportant des reclassements ou des reconversions de personnels : le ministre peut en accepter le principe et en informer les organisations syndicales, ou ne pas souhaiter aller plus loin.
Actuellement, nous travaillons sur le dossier de l'externalisation du soutien des avions Xingu ; les évaluations économiques étant favorables, le ministre nous a donné son feu vert en octobre dernier pour lancer les consultations ; les offres sont en train d'être remises. Elles seront assorties d'une évaluation actualisée du coût en régie afin de demander au ministre, au vu du gain potentiel, sa décision finale.
J'en viens – deuxième point – à l'impact sur les effectifs.
Dans le cadre de la RGPP, des objectifs annuels ont été fixés en termes de gains en effectifs sur le MCO aéronautique, aboutissant à un gain cumulé de 4 495 personnes sur la période 2008-2014 – sur un total d'un peu moins de 25 000 personnes – par rationalisation. S'y ajoute, toujours selon le mandat fixé en 2008, un gain potentiel de 750 postes par externalisation.
Au 1er janvier 2011, nous en sommes, pour les rationalisations-restructurations, à un gain de 3 199 personnes, et pour les externalisations, à un gain de 1 432 personnes. Ce chiffre inclut le transfert des ateliers de la Marine sur les bases de Bretagne au SIAé, dans la mesure où il s'agit d'un transfert entre titre 2 et titre 3 ; les externalisations « pures » hors du ministère représentent environ 500 personnes.
Troisième point : l'impact financier des restructurations et externalisations.
Les données financières du ministère nous permettent d'évaluer le coût global d'une personne appartenant au personnel de la défense : en moyenne, il est de 60 000 euros par an si l'on considère l'ensemble « rémunérations et charges sociales » (RCS) et « pensions », ces dernières représentant le tiers du total ; s'ajoutent environ 6 000 euros par an de dépenses annexes – habillement, informatique, nourriture, frais de déplacement. Sur cette base, une personne en moins représente donc une économie de 66 000 euros par an. L'économie globale apportée par les restructurations du MCO aéronautique peut ainsi être évaluée, à la fin de la période, à 300 millions d'euros par an.
Pour évaluer l'économie apportée par une externalisation, on procède différemment : on mesure l'écart entre le coût en régie et le coût du contrat. Un calcul approximatif conduit à évaluer à 15 % le gain sur les opérations réalisées ; les économies attendues à l'horizon 2015 sont d'environ 30 millions d'euros par an. Il apparaît donc que les restructurations procurent des économies plus importantes que les externalisations ; mais ces dernières ont aussi pour objectif d'apporter un service optimisé.
Quelques observations maintenant sur l'évolution du MCO aéronautique depuis 2008.
Elle a été marquée, tout d'abord, par de fortes rationalisations internes, largement aidées par la création du Service industriel de l'aéronautique (SIAé), ayant vocation à accueillir des entités qui ont des activités industrielles, quel que soit l'état-major d'origine. C'est ainsi que depuis le 1er janvier, les ateliers de maintenance de la Marine situés à Lann Bihoué, à Lanvéoc et à Landivisiau sont sous la responsabilité du SIAé ; les personnels n'ont pas bougé et font toujours le même travail, mais à moyen terme, il sera possible d'avoir une meilleure efficacité économique en optimisant la répartition de l'activité entre les différents sites du SIAé. D'autres activités sont transférées au SIAé, notamment, depuis le 1er janvier, des visites de l'armée de l'air sur les Alpha Jet, ou encore la maintenance industrielle des sièges éjectables – qui désormais ne se fait plus sur chacune des bases, mais sur le site SIAé d'Ambérieu.
Deuxième évolution importante : la clarification des responsabilités entre les états-majors, le SIAé et la SIMMAD (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la Défense).
En troisième lieu, « l'interarmisation » s'est développée : Groupe interarmées d'hélicoptères (GIH) à Villacoublay ; accueil d'hélicoptères de l'armée de l'air sur la base de l'armée de terre à Pau ; Rafale Marine détaché à la base aérienne de Saint-Dizier – situation difficilement imaginable il y a quelques années, mais aujourd'hui possible du fait du rapprochement des équipements et des formations.
Enfin, le SIAé développe des partenariats avec l'industrie, l'idée étant d'optimiser l'usage des gros moyens, qu'ils relèvent de l'un ou de l'autre.
J'en arrive au coût global du MCO aéronautique.
Nous l'avons évalué à 3,75 milliards d'euros en 2009. Les dépenses de personnel – RCS (rémunérations et charges sociales) et pensions, ainsi que les frais de fonctionnement associés – représentent 36 %, soit un peu plus de 1,3 milliard. La part de soutien initial des opérations d'armement, relevant du programme 146 Équipement des forces piloté par la DGA, représentent 0,4 milliard. Les contrats de maintenance représentent 53 %, soit près de 2 milliards, dont 20 % environ vont au SIAé et 80 % à l'industrie.
Ce travail d'évaluation lancé par la MMAé permet de suivre les évolutions du coût global du MCO aéronautique et de faire des prévisions. Entre 2005 et 2009, le coût global est resté assez stable, mais cela résulte d'un effet de ciseaux : la baisse des dépenses de personnel a compensé l'augmentation du coût des contrats. Celle-ci résulte, pour une petite part, des contrats d'externalisation, et surtout, du fait que les appareils modernes qui remplacent petit à petit les flottes anciennes sont plus chers à entretenir – phénomène qui n'est pas particulier à la France ; mais les armées parviennent néanmoins à contenir les coûts en réduisant le nombre d'appareils ainsi que le nombre d'heures de vol. Les analyses fines auxquelles nous procédons, armée par armée et puis flotte par flotte, nous permettent d'évaluer le coût du soutien dans les années à venir, compte tenu des prévisions d'activité des forces.
Dernier point : les externalisations depuis le SIAé.
Le SIAé ne réalise pas lui-même des externalisations globales dans son domaine d'activité. En revanche, il pratique la sous-traitance de capacité ou de spécialité, pour faire face à un pic de charge ou pour réaliser une tâche particulière – par exemple la peinture. Mais la sous-traitance ne représente qu'une très petite partie de sa « charge pilotée » : en 2010, sur une charge pilotée de 3,2 millions d'heures, la sous-traitance a représenté moins de 200 000 heures – l'heure n'étant ici qu'une unité de comptabilisation correspondant au travail qu'il aurait fallu faire en interne, car c'est la prestation elle-même qui est contractualisée.
Enfin, le compte de résultats du SIAé fait apparaître que les rémunérations des personnels représentent 40 % du chiffre d'affaires ; 40 % encore correspondent à des acquisitions auprès des industriels. Les industriels qui réclament une privatisation de son activité doivent être conscients de l'importance des prestations qu'il achète de toute façon à l'industrie.