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Intervention de Michel Miné

Réunion du 1er février 2011 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Michel Miné :

Au sein de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), nous avons monté un groupe de travail qui se penche de façon pluridisciplinaire sur l'évaluation des emplois. Ma contribution a porté sur la jurisprudence communautaire.

Le juge européen, notamment depuis l'arrêt Gisela Rummler du 1er juillet 1986, prévoit qu'une grille de classification doit être fondée sur des critères communs aux travailleurs masculins et féminins, et non sur des critères qui auraient tendance à survaloriser le travail des hommes. Autrement dit, il faut adopter un regard « genré » sur les emplois et examiner, à chaque fois, les compétences mises en oeuvre et les contraintes imposées. Il faut le faire de manière non sexiste. L'enjeu est important car nos grilles de classification sont largement marquées par des stéréotypes culturels.

Pendant de nombreuses années, quand une très grande entreprise de la métallurgie embauchait un jeune homme sortant de l'appareil scolaire avec un BTS d'électromécanicien, elle le classait comme technicien ; et quand une jeune fille sortait avec un BTS d'assistante de direction, elle la classait comme employée. Ce problème, aujourd'hui réglé, était le résultat de représentations culturelles.

Les grilles de classification véhiculent des discriminations indirectes : leurs règles ont l'apparence de la neutralité mais, une fois appliquées, elles pénalisent les femmes. Ainsi, dans les filières occupées majoritairement par des femmes, les carrières sont plus courtes et les niveaux de rémunération plus bas.

Les branches négocient rarement sur cette question. Même lorsqu'elles le font, elles adoptent une démarche parallèle : d'un côté, une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes aboutissant à un accord ; de l'autre, une négociation sur les grilles de classification ne prenant pas en compte l'objectif d'égalité professionnelle. Voilà pourquoi la disposition de la loi de 2001, qui oblige à aborder la question de l'égalité professionnelle dans toute négociation obligatoire, constitue une avancée. En fait, nous avons besoin à la fois d'engager des négociations spécifiques sur l'égalité entre les femmes et les hommes et d'aborder le sujet dans toutes les négociations obligatoires, voire dans toutes les négociations.

Le Parlement a donné aux partenaires sociaux des outils pour résoudre les problèmes liés à l'inégalité professionnelle. Encore faut-il qu'ils en aient la volonté mais aussi les moyens, en particulier qu'ils soient suffisamment formés. De fait, repérer les discriminations salariales entre les femmes et les hommes ne va pas de soi. Ainsi, il a fallu aller jusqu'à la Cour de cassation pour faire reconnaître qu'une salariée directrice des ressources humaines faisait un travail de même valeur que son collègue masculin, directeur commercial.

Sans formation suffisante, il n'est pas possible de repérer les discriminations et on travaille complètement à la marge. J'ai le souvenir de consultants qui, pour calculer l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, n'avaient pris en compte qu'un seul critère : un travail égale et des fonctions identiques. Ils en avaient trouvé peu, car il est très rare, dans une entreprise, que des femmes et des hommes fassent exactement le même travail. Après comparaison, l'écart n'était que de 4 %. Ainsi dans l'entreprise, la négociation ne pouvait-elle que se fonder sur cet écart, à rapporter aux 27 % admis au niveau national. Les entreprises doivent mettre en place une politique d'incitation à la formation et des mesures d'accompagnement à cette négociation.

Une telle observation vaut pour l'appareil d'État et ses agents de l'inspection du travail. Examiner les écarts de rémunération au sein d'une entreprise suppose une formation, une coordination et la définition d'une politique en la matière.

Au Conservatoire national des Arts et Métiers, nous avons organisé une formation sur l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, un cycle de formation sur les discriminations et une formation de formateurs des avocats sur les questions de discrimination – une session a eu lieu le 27 janvier au Conseil national des barreaux. Notre pays, qui n'en est qu'au début de la mise en oeuvre du droit de la discrimination, a besoin de se former en la matière.

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