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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 19 avril 2011 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Certaines des hypothèses économiques que vous retenez me paraissent franchement fragiles. Vous prévoyez une croissance de 2 % en 2011, puis de 2,25 % et 2,5 %. Des chiffres aussi élevés ne sont pas prudents. L'OCDE prévoit 1,6 % en 2011 et 2 % en 2012. Il serait bien préférable de retenir une croissance de 1,5 ou 1,6 %, tout le surplus éventuel étant consacré à la réduction des déficits publics. Hors effet de reconstitution des stocks, soit 0,4 point, la prévision de croissance ne doit pas excéder 1,6 %.

Si l'on analyse la composante finale, on voit que le commerce extérieur nous a coûté en moyenne 0,4 point de croissance depuis dix ans. Contrairement à ce que dit M. Muet, la détérioration de notre compétitivité – nous avons perdu presque 30 % de parts de marché en dix ans – a commencé vers 1999 ou 2000. Mais vous prévoyez une baisse de nos pertes de parts de marché : on passerait à – 0,1 au lieu de – 0,4 depuis douze ans. Je ne vois pas sur quoi vous vous basez, d'autant que les premiers mois de l'année ne sont pas bons.

Autre composante : la formation brute de capital fixe, ou investissement privé, que vous voyez en très forte hausse. Il est vrai qu'après deux ans de chute, le niveau antérieur va se reconstituer, mais il n'est pas raisonnable de prévoir une croissance forte et continue des investissements des entreprises en période de remontée des taux d'intérêt. Car c'est une certitude et la seule interrogation porte sur la vitesse à laquelle elle se fera.

En revanche, une grande incertitude entoure deux autres éléments.

Le premier est l'évolution de l'euro. Vous faites une hypothèse stable sur trois ans. Pour ma part, je crains une hausse car les finances publiques américaines sont tellement mal gérées qu'il va y avoir une fuite du dollar et que beaucoup d'investisseurs vont se réfugier sur l'euro, globalement moins mal géré.

Le second élément est le prix du baril de pétrole. Vous choisissez là encore une hypothèse de stabilité, parce que bien malin qui pourrait prédire une évolution.

Bref, il y a une vraie fragilité dans vos hypothèses.

Votre prévision de dépenses des administrations publiques, à 0 %, est raisonnable. Reste la consommation, pour laquelle vous faites des hypothèses d'assez forte augmentation en volume. Ce sera fonction de notre capacité à refaire croître l'emploi. Si la productivité reste stable, comme vous le prévoyez, ce qui me paraît raisonnable, c'est donc la quantité d'emplois qui doit augmenter. Mais votre hypothèse d'une baisse du taux d'épargne est très fragile : dans les circonstances que nous connaissons, une partie des ménages commencent par consommer un peu de leur épargne, mais ils prennent peur et la reconstituent par la suite.

Vous feriez bien mieux de prendre une hypothèse de croissance de 1,5 ou 1,6 %. Tout le reste serait du bonus.

Pour ce qui est des hypothèses sur le taux moyen de la dette, vous prévoyez 3,3 % en 2010, soit le taux le plus bas depuis vingt ou vingt-cinq ans, un maintien en 2011 et une très légère hausse en 2012 et 2013. Par parenthèse, cela coûte 5 milliards d'euros de plus par an, compte tenu de l'effet volume. Mais il faut considérer la remontée des taux d'intérêt comme une certitude. Même compte tenu du fait qu'elle ne jouera que sur la partie à taux variable de la dette, je trouve cette hypothèse imprudente.

Enfin, les centristes ont toujours dit qu'on ne pouvait pas redresser les finances publiques sans faire un effort à la fois sur les recettes et sur les dépenses. Même si le principal doit porter sur les dépenses, il faut faire un effort significatif sur les prélèvements obligatoires. Certes, c'est ce que vous faites, mais en essayant de le cacher ! Comment faites-vous pour réduire le déficit de 4 points entre 2010 et 2014 ? Vous augmentez les prélèvements obligatoires de 1,7 point et baissez les dépenses de 2,4, soit un effort d'un gros tiers sur les recettes. Mais alors, dites-le ! La réduction des niches ne représente qu'une partie de cette augmentation des recettes.

Pour notre part, nous avions préconisé une économie de 10 milliards d'euros par an sur les 73 milliards de niches fiscales et les 42 milliards de niches sociales, soit un effort de 8 à 10 %, maintenu sur trois ans. Ç'aurait été dur, mais c'aurait été possible.

Le Gouvernement aurait tout intérêt à dire la vérité : il faut un effort des deux côtés, un effort équilibré.

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