Le GIFAS est un groupement professionnel très vivant grâce notamment, et c'est une de nos spécificités, à la réunion des présidents des sociétés adhérentes presque tous les mois. Pour autant, sa vocation ne me permet pas de commenter les résultats de ses adhérents. Je ne peux pas plus vous apporter d'éléments sur la situation de chaque entreprise à l'export.
Globalement, la situation est plutôt porteuse, même si les activités de défense suscitent plus d'interrogations que les activités civiles, et si, parmi celles-ci, le redémarrage de la construction d'avions d'affaires et d'hélicoptères est un peu décalé par rapport à celui des avions de transport.
Monsieur Rousset, le développement des matériaux composites nés dans les années 1970 à Toulouse a suivi un chemin finalement assez classique dans l'industrie. Alors qu'ils ont été conçus dans l'aéronautique, leur développement industriel s'est fait d'abord en dehors d'elle. Les volumes de production qui permettaient de justifier l'investissement industriel se trouvaient en effet dans le sport avec les raquettes de tennis et les cannes de golf. Cet exemple montre bien que le jour où un pays renonce à des industries de haute technologie de défense et de souveraineté, il renonce à bien d'autres éléments sans s'en rendre compte. Malheureusement, l'Europe a raté l'échéance des matériaux composites et c'est au Japon et aux États-Unis que cette technologie a pris son essor. Pour moi, il faut tenter d'y revenir, mais c'est un duopole très solide qui la structure désormais. Peut-être l'action devrait-elle être conduite à l'échelle européenne. En tant que clients, nous sommes prêts à appuyer ce type d'initiative. C'est une question de politique industrielle qui concerne également l'aval : comment, tout en respectant le libre marché, rattraper une erreur stratégique qui remonte maintenant à 40 ans ?
Un statoréacteur est une sorte de tuyau dans lequel on injecte du carburant. Une fois le missile accéléré, la simple combustion au sein de celui-ci suffit à produire une poussée très forte. Même si elle est en pointe dans ce secteur, la France n'est pas le seul pays à maîtriser cette technique : j'ai pu par exemple voir des réalisations impressionnantes dans les pays de l'ex-Union soviétique. La technologie du statoréacteur n'aurait pu voir le jour en France sans une intégration totale entre le missilier et le motoriste. L'un ne peut pas travailler sans l'autre, une totale imbrication étant nécessaire.
Nous avons signé hier l'acquisition de SME par Safran créant une filière intégrée pour le propergol solide. Cette réforme de notre base industrielle de défense, certes modeste mais recherchée depuis 18 ans, est réalisée. À cette occasion, la moitié du capital de la société ROXEL détenue par SNPE entre dans le giron de Safran, avec l'accord de l'actionnaire de l'autre moitié qu'est MBDA. Avec nos collègues de MBDA, nous allons trouver des façons de travailler qui respectent non seulement la technique mais aussi les exigences d'indépendance et de souveraineté.
Lors de la préparation de la réforme des statuts de Safran, qui fera l'objet d'un vote lors de notre assemblée générale du 21 avril, nous avons convenu avec les pouvoirs publics de dispositions renforçant les intérêts souverains de l'État dans les technologies que nous maîtrisons. Cette évolution restera compatible avec les lois du marché car je rappelle que près de 50 % du capital de Safran est sur le marché boursier, la part détenue par le personnel représentant 16 % du capital total et l'État 30 %.
Le LEAP-X est une nouvelle génération du moteur CFM, le plus produit dans l'histoire de l'aviation civile. Le CFM est issu d'une coopération entre l'américain General Electric et Safran lancée à la suite d'un accord politique conclu entre les présidents Nixon et Pompidou à Reykjavik en 1973. J'ai eu le plaisir en 2008 de proroger jusqu'en 2040 cet accord de partenariat exclusif, très positif pour chacune des parties prenantes.
Le premier moteur CFM apportait, par rapport aux moteurs existants, une réduction de 20 % de la consommation de carburant et des émissions de CO2 et de 50 % du bruit. En trente ou quarante ans ces performances ont encore été améliorées de presque 20 % par étapes successives. Après le grand succès de cet excellent moteur, dont la production aura commencé en 1979 et continuera sans doute encore après 2020, il était temps de rebâtir une nouvelle architecture pour apporter un nouveau gain de 15 % de consommation de carburant et d'émission de CO2 et de 50 % d'émission de bruit.
Le LEAP-X a été sélectionné d'abord par le Chinois COMAC, puis par Airbus pour l'A320 NEO ; nous négocions aujourd'hui avec Boeing. Notre métier de motoriste nous impose de travailler avec tous les avionneurs, ce qui n'empêche pas d'entretenir une plus grande proximité avec certains d'entre eux. J'espère qu'une normalisation géopolitique mondiale permettra une stabilisation rapide puis un reflux du prix du pétrole ; autrement l'économie du transport aérien pourrait être mise à mal. Un niveau temporairement un peu élevé du prix du pétrole a la vertu d'inciter au remplacement des avions les plus anciens et les moins économes. À ce titre, l'A320 NEO est très bien accueilli par le marché. Malgré les efforts de notre compétiteur, la solidité de nos atouts est forte ; il ne faut donc pas être inquiet.
Le LEAP-X doit permettre au succès de CFM de perdurer dans un monde nouveau. CFM a dû attendre 10 ans avant de vendre un moteur ; il était en avance sur le marché ! Le premier client a été une société satellite de l'avionneur Douglas qui a disparu faute d'avoir innové. Le premier client de la nouvelle génération est un avionneur chinois qui n'existait pas il y a deux ans.