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Intervention de Xavier Darcos

Réunion du 13 avril 2011 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Xavier Darcos, président de l'Institut français :

Ces nombreuses questions montrent en tout cas l'intérêt que Mmes et MM. les parlementaires portent à l'Institut français, et je tiens à les en remercier. Si vous le permettez, je reprendrai de façon synthétique les principaux points abordés plutôt que de répondre à chacun séparément.

Concernant les moyens, les élus socialistes ont en particulier insisté sur le fait que la création de l'Institut français ne devait pas cacher un désengagement de l'État. Dois-je rappeler que CulturesFrance disposait d'un budget de 23 millions d'euros contre 45 pour l'Institut, sachant que Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères, avait prévu pour crédibiliser cette création une réserve de 2 millions d'euros supplémentaires ? Certes, il s'agit d'un EPIC qui devra, comme l'ont remarqué certains, dégager des recettes. Mais cela est normal et même très sain.

Nos représentants dans les divers pays – conseillers et attachés culturels – sont d'ailleurs coutumiers, en matière de projets et moyens, du fait de solliciter des entreprises, des associations et des organismes divers pour venir concourir à l'action envisagée, car l'intérêt à agir est commun. Souvent d'ailleurs des opérateurs locaux interviennent financièrement de manière modeste, sans volonté de retour économique immédiat, tout simplement parce qu'ils aiment notre pays et qu'ils veulent soutenir la communauté française et valoriser l'image de la France.

Je n'ai donc aucun état d'âme concernant le fait que l'établissement public puisse gérer des actions à caractère commercial. Même si ce n'est pas son objectif, c'est un des moyens par lesquels il devra agir.

Pour ce qui est des agents, aucun ne nous a quittés. Tous ceux qui étaient déjà dans le réseau – à CulturesFrance ou dans divers services – ont été sans exception récupérés. Et très peu d'établissements publics ont, dans ces derniers mois, recruté comme nous 41 personnes, donnant ainsi une assise plus large à notre réseau.

Certes, la culture a pu parfois ressentir les conséquences du resserrement global des moyens alloués aux divers postes. Pour autant, ceux qui, dans ce contexte, ont choisi de continuer à être des acteurs très actifs et à construire des projets, ont pu obtenir un complément d'enveloppe en milieu d'année de la part de l'administration centrale, certains projets n'ayant pas été finalisés dans d'autres postes. Autrement dit, les agents les plus efficaces sur le terrain, y compris dans le domaine de la culture, finissent par trouver les moyens de leur action.

Pour autant, je ne sous-estime pas la critique qui a été faite en la matière. On ne peut aller plus loin dans le resserrement qui a été opéré ces dernières années sur les moyens de services même si souvent, avec très peu de moyens – des enveloppes de 50 000 voire 20 000 euros – ils accomplissent des miracles.

J'en arrive à la question de nos relations avec les tutelles diverses, d'une part, et avec les autres acteurs, d'autre part.

Qu'il s'agisse de la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes ou de nos relations avec le ministère de la culture et de la communication, avec l'Alliance française et avec l'audiovisuel extérieur, mon souci est de faire en sorte que nous soyons tous efficaces. Il n'y aurait rien de plus stupide que de vouloir rivaliser entre nous. Nous avons donc rencontré les représentants de ces divers organismes, ce qui a permis, soit de signer des accords – comme avec UniFrance pour le cinéma ou avec les Alliances françaises –, soit d'effectuer des rapprochements afin d'éviter que des difficultés surviennent. L'Institut français n'a pas vocation à dévorer les autres.

Les lycées français à l'étranger sont aussi, au fond, des centres culturels. Et avec la directrice de l'AEFE, Mme Anne-Marie Descôtes, nous allons trouver les moyens de notre action. De même, la fondation Alliance française est essentielle pour nous avec ses plus de 1 000 implantations dans le monde : il est difficile d'imaginer, avec nos 144 instituts français, que nous puissions travailler sans elle. Il y a même des pays où la structure repose uniquement sur l'Alliance française – l'Inde est un exemple typique –, sans compter que certaines Alliances françaises demandent à être fondues au sein de l'Institut français : tel est le cas à Dubaï, car une association, comme dans tous les Émirats, ne peut y être employeur. Nous n'avons en tout cas aucune volonté hégémonique. Simplement, nous voulons que tous travaillent ensemble.

Pour ce qui est de nos relations avec le ministère de la culture et de la communication, les choses avaient été décidées avant que je ne fusse nommé. Il me semble cependant judicieux que l'Institut français soit considéré comme un moyen d'influence culturelle au service de la stratégie diplomatique française et qu'en conséquence l'on retrouve le ministère au sein du conseil d'orientation stratégique et du conseil d'administration ou dans les signataires de la lettre qui constituera mon contrat d'objectifs et de moyens. La répartition s'est faite de manière à peu près convenable.

Concernant l'audiovisuel extérieur, je serai entendu demain par votre mission d'information sur ce point. Ne voulant cependant pas esquiver la question, j'avoue trouver étrange le fait que dans la conception même de l'Institut français on n'ait pas évoqué ses relations nécessaires avec l'audiovisuel extérieur s'agissant de la diffusion de la culture. Il y a peut-être là une petite faiblesse congénitale, mais qui se réglera là aussi par des accords et par un travail en commun. Nous avons évidemment déjà rencontré nos partenaires de l'audiovisuel – France 24, TV5 Monde, RFI et l'ensemble des médias concernés. Notre direction Communication et nouveaux médias est d'ailleurs également chargée des relations avec le monde des médias, et j'ai toute confiance quant à la possibilité de travailler ensemble.

La francophonie est un sujet à la fois passionnant et compliqué. Ainsi, l'exemple cité par M. Michel Herbillon relève d'une autre compétence que la mienne s'agissant de savoir s'il faut ou pas un accord entre tous les pays européens pour l'instauration d'une deuxième langue vivante systématique. Lorsque l'Allemagne a décidé qu'il n'y aurait plus qu'une langue vivante, l'anglais, les effets ont été calamiteux pour la francophonie. Il existe à l'échelon européen des organismes culturels, dont un nommé « Ethique », qui réunissent des opérateurs européens pour étudier ce type de question, mais vous comprendrez que c'est quelque chose qui me dépasse un peu, même si je souhaite profondément que la deuxième langue soit maintenue partout, car c'est alors souvent le français qui est choisi. La question de la francophonie dépasse donc le seul Institut français, même si c'est un sujet qui me passionne en qualité d'ancien ministre en charge de la francophonie.

L'Organisation internationale de la francophonie n'est pas – comme son titre l'indique – quelque chose qui appartient à la France : son secrétaire général est un Sénégalais et son directeur général un Québécois. C'est une organisation qui fonctionne de manière efficace, mais nous n'en sommes que l'un des membres – certes l'un des plus influents. La manière dont nous travaillons avec les réseaux francophones est d'ailleurs excellente.

En revanche, il est incompréhensible pour certains de nos interlocuteurs, tel le ministre chinois de la culture que j'ai rencontré voilà deux jours, qu'un pays de 65 millions d'habitants ait un système si complexe – avec des structures différentes pour s'occuper l'une de la francophonie, d'autres de la culture et de l'audiovisuel, le tout aux côtés des Alliances françaises –, alors que lui gère tout seul la culture d'un pays de plus d'un milliard d'habitants. Pour être crédible vis-à-vis de nos partenaires, nous avons donc tout intérêt à aller vers une structure la plus unifiée et, en tout cas, la plus concertée possible.

Voilà pourquoi je considère que tout ce que nous faisons pour aller vers un réseau unique, d'abord par l'expérimentation du rattachement de 13 postes puis par des dispositifs de toutes natures qui nous permettront de mieux travailler en commun, va dans le bon sens. C'est l'intérêt de la France, de nos agents et de nos finances puisque nous faisons évidemment des économies d'échelle lorsque nous nous coordonnons.

Il m'a été reproché de ne pas avoir suffisamment parlé du fond. J'ai considéré, d'une part, que ce serait répéter des choses déjà entendues lors d'auditions précédentes et, d'autre part, que les objectifs de l'Institut français figuraient dans la loi et le décret de façon détaillée après avoir fait l'objet de longues discussions lors de leur élaboration : nous avons toute la compétence pour l'animation artistique – faire connaître nos écrivains, nos peintres, nos musiciens ; pour l'aide à la langue française et au livre – faciliter les traductions et les rencontres d'écrivains ; pour les échanges avec les pays dans le cadre des Saisons croisées ou de grandes manifestations ; pour la formation ou encore pour le cinéma professionnel. Bref ces compétences se retrouvent dans les textes et voilà pourquoi je n'ai pas cru devoir les présenter à nouveau. Mais j'ai eu tort de ne pas le faire, sachant que les parlementaires ont une vue beaucoup plus plurielle des choses que moi.

S'agissant des visas, il y a en effet quelque chose de paradoxal – qui m'est d'ailleurs opposé presque partout où je me déplace – à voir la France organiser des manifestations et souhaiter qu'à cette occasion des intellectuels viennent jusqu'à elle pour finalement leur claquer la porte au nez. C'est un sujet qui préoccupe nos ambassadeurs et nos consuls généraux, qui d'ailleurs trouvent généralement des solutions. Pour autant, il nous faut être très vigilants sur cette question, car nous décrédibilisons ainsi une grande partie de nos actions. M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, en est conscient et j'ai toute confiance dans sa capacité à faire évoluer rapidement les choses, en y mettant un peu de souplesse.

Concernant nos relations avec le monde de la culture scientifique ou de la culture au sens très large – la gastronomie, l'art de vivre –, la culture selon nous englobe tout : on ne peut défendre la culture française sans défendre les valeurs qui vont avec. C'est d'ailleurs notre mission, et c'est tout l'intérêt d'avoir une tête de réseau, car sur de tels sujets il est impératif que nous ayons une doctrine. Nos partenaires jugent d'ailleurs que la France sait très bien se servir de projets culturels pour mieux faire valoir ses idées, ses convictions intellectuelles ou politiques, ses valeurs. J'ai ainsi récemment cité dans un article un télégramme diplomatique publié par WikiLeaks dans lequel un ambassadeur américain appelait à se méfier de l'action culturelle française qui servirait à cacher la défense des intérêts de ses entreprises – j'espère que ce télégramme a vraiment existé, car il rendait là un hommage à notre action !

S'agissant de l'Année du Mexique en France, le comité des mécènes, qui était présidé par M. Jean-Paul Herteman, président du directoire de Safran, s'était beaucoup investi dans l'opération dont l'interruption présente pour eux de très grands inconvénients s'agissant de leurs projets économiques et commerciaux. Cependant, nous n'y pouvons rien si la partie mexicaine a pris si mal le fait que l'on ne pouvait traiter l'Année du Mexique en France sans parler de nos compatriotes en difficulté. De nombreux opérateurs qui avaient programmé cette manifestation, essaient aujourd'hui de se débrouiller par eux-mêmes pour voir si l'année prochaine, lorsque le contexte sera différent, il ne serait pas possible de faire revivre certaines opérations, sachant que de toute façon la manifestation n'aura pas lieu. La Pinacothèque de Paris envisage de reporter ainsi à l'an prochain l'exposition sur les masques de jade, tandis que les musées de l'Orangerie et d'Orsay tentent également de trouver des solutions.

Concernant l'expérimentation, nous sommes de bonne foi dans cette démarche : nous verrons bien comment les choses fonctionnent. Personne ne considère comme anormal que nous disposions dans chaque pays d'une structure unique avec si possible une certaine autonomie financière et que l'ensemble constitue un réseau commun. Le problème est plutôt de savoir comment y parvenir. J'observe d'ailleurs que nous avions plus de volontaires que nous ne pouvions prendre d'expérimentateurs. La tendance du réseau et des postes est plutôt à considérer que l'expérimentation doit réussir et qu'il faut que nous nous dotions d'un système unique comme le font nos partenaires.

Pour ce qui est de la promotion de la langue française – question notamment abordée par Mme Karamanli et M. Herbillon – le nombre des apprenants en français n'est pas en recul. Il est au contraire en augmentation de 4 % par an, ce qui n'est pas si mal dans un contexte où le chinois, le portugais et l'espagnol sont des langues en grand développement. Lorsque j'étais ministre de l'éducation nationale, j'ai d'ailleurs initié le projet Jules Verne d'échange d'enseignants : tout de qui va dans le sens d'une plus grande présence de ces derniers dans le monde et de l'apprentissage de la langue française est donc plutôt en bon état, même si ce n'est pas glorieux.

Quant à la question des étudiants – qui rejoint celle des visas –, il s'agit d'une compétence de CampusFrance qui l'assume d'ailleurs fort bien. Je ne sais pas où en est la mise en place de ce groupement d'intérêt public, mais là aussi nous travaillerons en parfaite confiance avec lui. En tout cas, les chiffres en la matière ne sont pas ridicules puisque nous recevons chaque année en France 30 000 étudiants chinois et 2 000 étudiants indiens, chiffres tout à fait convenables.

J'espère, madame la présidente, avoir ainsi couvert tous les grands sujets évoqués.

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