Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi sur la garde à vue, que nous avons dû examiner dans la précipitation, a toutes les apparences d'une réforme ratée. Alors qu'il s'agissait de créer des droits, de mieux protéger les libertés des citoyens, de garantir un meilleur exercice de la justice, votre texte est rempli de défauts de fabrication qui annulent ses avancées minimes.
Aux termes de l'article 1er A, les personnes mises en cause pourront toujours contribuer à leur propre incrimination sans l'assistance d'un avocat. Selon l'article 1er, le contrôle de la légalité de la mesure de garde à vue est confié à celui-là même qui la décide, la dirige, à savoir le procureur de la République, en violation manifeste de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Il en va de même pour la faculté de prolonger la garde à vue. D'après l'article 7, la présence de l'avocat pourra être différée de douze heures ou de vingt-quatre heures selon les desiderata du procureur de la République. L'avocat ne pourra poser de questions qu'à l'issue des interrogatoires ; il n'aura pas accès au dossier, aux dépositions des témoins, aux constatations des policiers.
L'article 11 bis, dans le cas de certains délits, rend possible une procédure d'audition libre sans avocat.
Sur tous ces points, des condamnations émanant de la Cour européenne des droits de l'homme sont probables, ce que personne, ici, n'ignore. Le Gouvernement et la majorité savent qu'ils votent un texte fragile, dont la durée de vie sera très brève.