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Intervention de Yossi Gal

Réunion du 6 avril 2011 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Yossi Gal, ambassadeur d'Israël en France :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré de m'exprimer pour la première fois devant la prestigieuse commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale en qualité d'ambassadeur d'Israël, et je vous remercie de votre invitation.

Dès mon arrivée en France en novembre dernier, j'ai assisté à la mobilisation rapide et efficace du gouvernement français pour nous aider à lutter contre le terrible incendie du mont Carmel, et j'y ai vu la première manifestation de la relation d'amitié et de solidarité entre nos deux pays, qui se caractérise par des liens anciens, sincères et chaleureux. En témoignent notamment des rencontres bilatérales de plus en plus nombreuses et d'une qualité exceptionnelle. J'ai constaté un fort désir, côté français et côté israélien, de développer nos relations bilatérales et de travailler ensemble pour approfondir nos relations politiques. Ainsi, le ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, M. Éric Besson, a déclaré à son retour d'Israël que le volume des échanges entre nos deux pays n'était pas suffisant. Plus tard, il a annoncé que la France ambitionnait de doubler le volume des échanges d'ici à cinq ans. Israël considère cet objectif comme tout à fait légitime et le fait sien. Cette volonté se traduira par la tenue des premières journées franco-israéliennes de l'innovation à Bercy à la fin de l'année 2011. La relation franco-israélienne n'est pas seulement politique et diplomatique, elle aussi économique, judiciaire, universitaire, scientifique, culturelle et affective.

Mesdames et messieurs les députés, vendredi dernier, le Washington Post a publié une tribune intitulée « Reconsidérer le rapport Goldstone sur Israël et les crimes de guerre », qui mérite d'être lue avec la plus grande attention par chacun d'entre vous. Elle est signée du juge Goldstone – auteur éponyme du rapport sur l'opération « Plomb durci » menée par Israël à Gaza – qui fait part de ses réflexions, dix-huit mois après l'adoption de son rapport par le conseil des droits de l'homme des Nations unies. Au moment de sa publication, en 2009, j'étais directeur général du ministère israélien des affaires étrangères. Durant de longues semaines, je me suis battu jour et nuit contre cette odieuse campagne diffamatoire contre Israël. En effet, l'accusation de crime de guerre à l'encontre de mon pays a apporté un soutien de poids aux tentatives de « délégitimation » menées depuis le conseil des droits de l'homme à Genève. Dans cet article, Goldstone déclare que s'il avait su, à l'époque, ce qu'il sait maintenant, le rapport aurait été différent. Il ajoute qu'Israël a le droit et l'obligation de défendre son État et ses citoyens, et que des moyens importants ont été consacrés à enquêter sur les allégations de mauvaise conduite lors de l'opération à Gaza. Il mentionne qu'Israël avait mis en oeuvre de nombreuses mesures pour protéger les populations civiles lors des combats en milieu urbain. Le juge Goldstone reconnaît également qu'avoir demandé au Hamas d'enquêter sur ses propres comportements ait pu constituer une erreur. Il précise que la partialité du conseil des droits de l'homme à l'encontre Israël ne fait aucun doute et que cette instance devrait condamner les actes odieux du Hamas contre Israël dans les termes les plus forts. Je me permets, mesdames et messieurs, de vous rappeler que la Libye de Khadafi a été membre du conseil des droits de l'homme, aux côtés de quelques autres champions des droits de l'homme que je ne citerai pas. J'espère seulement que ceux, en Europe, qui se sont hâtés d'accuser Israël auront le courage intellectuel de reconnaître leur erreur car mon pays a énormément souffert de ces accusations qui ont eu pour conséquences de diaboliser Israël. Je connais personnellement le juge Goldstone et j'ai dirigé les travaux de notre gouvernement pour répondre à ses investigations. Jusqu'à la parution de cette tribune, ces accusations ont été très difficiles à supporter et, aujourd'hui, je peux dire ce que je disais alors : « Je suis extrêmement fier des normes morales de notre armée ».

Les événements dans le monde arabe ont suscité des centaines de commentaires, d'analyses et de prédictions. Permettez-moi d'y ajouter la mienne, non sans avoir fait quelques observations préalables. Tout d'abord, il n'y a aucun lien, direct ou indirect, entre Israël et ces événements. La Tunisie, l'Égypte, la Libye, le Yémen, Bahreïn et la Syrie n'ont strictement rien à voir avec les Palestiniens ou les Israéliens. Même si les médias se focalisent sur Israël de manière excessive, il existe d'autres sources d'instabilité plus profondes. Les partis politiques organisés ne sont pas à l'origine de ces révolutions au cours desquelles des milliers d'hommes et de femmes ont manifesté contre la tyrannie, la corruption – pas contre l'Amérique, l'Occident, ou Israël.

Cela étant dit, nous devons rester très prudents même si, comme dans le reste du monde démocratique, nous nous réjouissons de l'introduction de valeurs démocratiques de liberté, de fraternité, dans notre voisinage. Soixante-trois ans après son indépendance, Israël demeure une oasis de démocratie et de pluralisme. Nous qui respectons tous les jours la suprématie de la justice, la liberté d'expression, la valeur de l'éducation, la liberté des hommes et des femmes, le droit des minorités, nous accueillons favorablement et nous respectons assurément le droit des autres à disposer d'eux-mêmes. Toutefois, satisfaire toutes les attentes est un défi immense. Dans cinq ou six mois, les manifestants se demanderont ce qui a changé dans leur vie et, si les nouveaux mouvements n'atteignent pas leurs buts, la frustration risque de prévaloir. L'on sait comment de tels événements commencent mais pas où ils mènent. La démocratie, si chère à nos coeurs, mesdames et messieurs, est le seul système que nous désirons, mais l'histoire enseigne qu'elle ne s'établit pas en une journée. Israël espère que le monde arabe trouvera le moyen de promouvoir la paix et la démocratisation, et accueille très favorablement la détermination du monde libre à agir contre les tyrans qui massacrent leur peuple. Malheureusement, il en reste un certain nombre dans notre partie du monde.

En ce qui concerne la question israélo-palestinienne, Israël est convaincu qu'il n'y a pas d'alternative aux négociations directes, qui, seules, peuvent conduire à la paix. Durant les deux dernières années, Israël a déployé de nombreux efforts pour inciter les Palestiniens à revenir à la table des négociations. Le Premier ministre d'Israël, M. Netanyahou, a adopté le principe de deux États pour deux peuples. C'était pour Israël un choix courageux et stratégique. Le gouvernement d'Israël a profondément modifié sa politique envers les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne. En 2010, soixante-trois points de passage ont été supprimés et il n'en reste plus que quelques-uns. Israël mène également une politique d'encouragement de l'économie palestinienne et soutient les efforts de la communauté internationale. Tous ces efforts conjoints ont contribué aux excellents chiffres de la croissance de l'économie palestinienne ces deux dernières années – plus de 8 % en 2009 et 9 % en 2010. Par ailleurs, Israël a consenti à alléger le blocus de Gaza. Enfin, le gel des constructions en Cisjordanie pour une durée de dix mois en novembre 2009 a été un geste fort, qu'aucun gouvernement israélien n'avait accompli par le passé.

Malgré ces améliorations significatives, les Palestiniens refusent toujours de revenir à la table des négociations. Certains d'entre eux pensent qu'une solution sera imposée de l'extérieur ou encore que les discussions ne pourraient pas débuter avant que ne soient obtenus certains points d'accord, au sujet des implantations par exemple. Cet espoir est vain et inutile. Malheureusement, nous assistons aujourd'hui à la reprise par le Hamas de ses activités terroristes – et il n'est pas seul en cause. Le terrorisme a frappé à nouveau en Israël et en Cisjordanie. Il y a trois semaines, un horrible massacre a eu lieu à Itamar : attaqués dans leur sommeil, les parents Fogel et trois de leurs enfants ont été tués, dont une petite fille de trois mois poignardée à mort. Quelques jours plus tard, Jérusalem a de nouveau été frappée par un acte terroriste qui a brisé des vies. Et, avant-hier, un grand artiste arabe israélien a été assassiné par des terroristes à Jenine. Ces attaques sont inspirées par l'incitation officielle à la haine contre Israël.

Dans le passé, Israël a prouvé sa capacité à faire des compromis et à conclure la paix, avec l'Égypte et avec la Jordanie. Les négociations ont été directes, sans conditions, et ont conduit Israël à la paix avec ses deux voisins. J'ai eu la chance de participer à ces négociations bilatérales et je suis certain que la paix ne serait jamais advenue si l'une des deux parties avait, avant de parler avec l'autre, imposé des conditions préalables. C'est pourquoi nous disons aujourd'hui à nos partenaires palestiniens qu'il est temps de revenir à des négociations directes pour construire, de nos mains réunies, notre avenir commun.

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