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Intervention de Régis Juanico

Réunion du 7 avril 2011 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico, rapporteur :

Lors de sa réunion du 21 octobre 2010, le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques a décidé d'inscrire à son programme de travail l'évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, à l'initiative du groupe UMP et du président de la commission des Affaires sociales, M. Pierre Méhaignerie. Notre binôme de rapporteurs a été désigné le 12 janvier 2011, tandis qu'était formé un groupe de travail comportant trois autres membres : Mme Anne Grommerch, M. Jean Mallot et M. Pierre Méhaignerie.

Compte tenu du large intitulé du sujet qui nous a été confié, nous avons souhaité profiter d'une réunion du Comité pour présenter notre démarche et l'avancement des travaux engagés depuis le mois de janvier. Une note qui constitue notre étude préalable a été diffusée aux membres du Comité mardi dernier. Pour la présenter, nous ferons le point sur les enseignements des premiers travaux de notre groupe avant d'exposer notre approche générale et les deux thèmes d'étude ciblés sur lesquels nous proposons de développer nos analyses selon des modalités que nous détaillerons.

Notre premier cycle d'auditions et de travaux avait deux objectifs. Le premier était de définir ce qu'il convenait d'entendre par le terme de « performance » dans l'intitulé de notre sujet, en soulignant les questionnements concernant les moyens de la mesurer et de cerner le périmètre des politiques sociales. Le second visait à définir les enjeux des politiques sociales en Europe dans la période récente ainsi que les principales forces et faiblesses du système social français, pour choisir les thèmes d'étude et les pays susceptibles de faire l'objet d'une évaluation approfondie.

Ces auditions ont permis de clarifier le concept de performance des politiques sociales, dans toutes ses dimensions : du point de vue du citoyen – on parle alors d'efficacité socio-économique ; du point de vue de l'usager – il s'agit là de qualité de service ; enfin, du point de vue du contribuable – c'est ce qu'on appelle l'efficience, les résultats sont rapportés aux moyens mis en oeuvre.

Le champ des politiques sociales s'est révélé d'autant plus vaste et évolutif que les interactions avec les politiques économiques sont nombreuses. Nous avons choisi de retenir de ce champ une acception large, en ne nous limitant pas aux seules questions relatives à la protection sociale – le social « réparateur » –, pour aborder également les politiques de l'emploi. Nous avons ainsi choisi une approche pragmatique, compte tenu des périmètres couverts par la notion de « politiques sociales » en France, dans l'Union européenne et à l'OCDE.

Enfin, l'analyse et l'appréciation comparée, dites benchmarking en anglais, peuvent s'appuyer sur des objectifs et des indicateurs définis aux niveaux national et européen, que nous avons recensés et dont un résumé figure en annexe de la note qui vous a été distribuée.

Les auditions l'ont montré, la mesure de la performance est un enjeu en soi. En dépit de la robustesse statistique croissante des outils d'information, nous avons constaté les limites que présente le recours aux indicateurs et, plus largement, aux techniques quantitatives pour mesurer et comparer la performance de l'action publique dans le champ social. Il n'est pas toujours aisé de mesurer l'efficience de politiques qui sont par définition multidimensionnelles, puisque cela suppose de rapporter des résultats à une politique particulière ou encore des résultats précis à des moyens de nature et d'origine disparates. Par ailleurs, les indicateurs doivent être en quantité suffisante pour permettre d'appréhender un problème dans sa complexité mais deviennent rapidement trop nombreux et peuvent alors être délaissés par le décideur public. Ainsi, au projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont annexés plus de 170 indicateurs pour les programmes de qualité et d'efficience, mais sont-ils suffisamment exploités ?

La mesure de la performance n'est évidemment pas une fin en soi, mais, en tant qu'outil d'aide à la décision, elle doit permettre, dans un contexte de finances publiques contraintes, d'envisager comment améliorer la qualité des services publics et renforcer l'efficacité de la gestion publique.

Ces limites incitent à mobiliser des outils plus qualitatifs d'évaluation des politiques publiques. Selon les champs d'investigation et en fonction des données disponibles, il sera sans doute intéressant d'exploiter, par exemple, des enquêtes de satisfaction auprès des usagers d'un service public, des données concernant la perception des assurés ou le suivi d'une cohorte de bénéficiaires. En tout état de cause, il faudra prendre en compte des éléments de contexte ainsi que les caractéristiques institutionnelles et socioculturelles des différents pays considérés.

Ce premier cycle d'auditions a également été riche d'enseignements sur les forces et les faiblesses du modèle français. Le groupe de travail a entendu des experts du champ social, des comparaisons européennes ou internationales et de l'évaluation de la performance : plusieurs experts de l'OCDE, de la Société française de l'évaluation, de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) dans le domaine sanitaire et social, du Centre d'analyse stratégique (Cas) ou encore de la Direction de la sécurité sociale.

Représentant près de 30 % du produit intérieur brut, les dépenses publiques sociales en France sont les plus élevées des pays de l'OCDE. Dans le domaine de la santé, par exemple, La France obtient de bons résultats en matière d'espérance de vie, de mortalité évitable et de taux de natalité. En sens contraire, Mme Isabelle Joumard, économiste principale à l'OCDE, estime que des gains d'efficience seraient possibles et que des progrès permettraient de réduire les coûts administratifs et les inégalités entre patients et d'améliorer la coordination des soins.

Les politiques familiales ont également été abordées, dans le cadre d'une réflexion plus large sur la qualité de l'emploi en Europe. Selon plusieurs personnes auditionnées, il serait intéressant d'étudier la contribution des politiques familiales à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et au retour à l'emploi.

Plusieurs intervenants ont souligné le caractère central de la question de l'emploi, à l'instar de M. Jérôme Vignon, président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale et ancien directeur de la protection et de l'intégration sociales à la DG-Emploi de la Commission européenne. Les performances françaises en matière d'emploi, notamment pour le retour à l'emploi et l'accompagnement des travailleurs vers des emplois durables, sont significativement moindres que celles des pays qui ont des dépenses comparables. Pourtant, l'augmentation du taux d'emploi participe de la soutenabilité de notre système de protection sociale et d'une lutte efficace et durable contre la pauvreté.

Enfin, plusieurs personnes auditionnées ont suggéré de choisir des angles d'études relatifs à des objectifs européens, définis par exemple dans la stratégie de Lisbonne, et maintenant dans la stratégie « Europe 2020 ». D'un point de vue pratique, l'intérêt porté au niveau de l'Union européenne à l'emploi et à la lutte contre la pauvreté a suscité la collecte de statistiques et des travaux de comparaison sur ces sujets. Sur le fond, le fait que les États membres de l'Union européenne soient parvenus à un consensus sur ces objectifs témoigne de leur pertinence.

Le rapport pourra présenter l'ensemble de ces éléments d'analyse transversale sur la performance des politiques sociales en Europe et évoquer également certaines questions relatives à la gouvernance des politiques sociales comme levier possible d'amélioration des performances. Certains États européens tels les pays scandinaves, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, se caractérisent par l'importance qu'ils accordent à l'évaluation et à l'expérimentation.

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