Je voudrais m'exprimer aussi en tant que membre du groupe d'études sur le sida, qui comporte des membres de tous les groupes. Comme tous mes collègues, je suis très préoccupée par la portée de cet article.
La circulaire du 29 juillet 2010 de la direction générale de la santé rend déjà très difficile, dans les faits, l'obtention d'un titre de séjour provisoire par les étrangers gravement malades et résidant habituellement en France.
Premier temps de la procédure : la personne sollicite à la préfecture la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Sa demande doit comporter un rapport médical confidentiel et toute une série de pièces.
Dans un deuxième temps, la situation est appréciée par le médecin de l'agence régionale de santé compétente qui doit répondre aux questions suivantes : l'état de santé de l'étranger nécessite-t-il une prise en charge médicale ? Le défaut de celle-ci peut-il entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ? Si oui, l'étranger peut-il – question éminemment délicate – accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine ? Quelle est la durée prévisible du suivi médical nécessaire ?
Le médecin de l'ARS adresse au préfet un avis signé, sans jamais évoquer la pathologie. Le préfet se trouve donc dans une situation difficile, puisqu'il doit rendre sa décision sur la base d'un avis où n'est pas mentionnée, secret médical oblige, la pathologie du patient.
Seules les pathologies particulièrement graves, engageant le pronostic vital, sont susceptibles d'être éventuellement retenues pour la délivrance d'un titre de séjour.
Un être humain a pourtant besoin, quelle que soit sa nationalité ou son origine géographique, de soutien lorsqu'il est atteint d'une maladie grave. Quelle personne atteinte d'une maladie très grave peut physiquement – dans un contexte où le mental et le physique se rejoignent – engager un tel saut d'obstacles pour elle-même ?
Vous allez encore aggraver cette situation puisque vous substituez à la notion d'accessibilité effective des soins celle de disponibilité d'un traitement dans le pays d'origine. Vous allez ainsi condamner le patient, soit à la mort si le traitement n'est pas effectivement accessible dans son pays d'origine, soit à la clandestinité s'il veut se faire soigner en France.
Cette relégation dans la clandestinité aura pour conséquence l'exclusion des lieux de prévention et de soins. Vous savez très bien – et les sénateurs de la majorité en ont largement parlé – à quel point en seront accrus les risques de rechute, d'aggravation de l'état de santé du patient et de transmission de la maladie.
En dehors des considérations humaines, vous pourriez au moins être réceptifs à cet argument que nous avions exprimé en première lecture, comme certains membres de la majorité et les sénateurs : les malades qui ne pourront se rendre dans les centres de prévention ou de soins appropriés vont se présenter aux urgences, ce qui coûtera finalement beaucoup plus cher.
Les personnes concernées sont peu nombreuses, et il n'y a eu aucune étude concernant l'impact de cette mesure sur les comptes de la sécurité sociale et les budgets des hôpitaux en France. En revanche, nous savons tous que la clandestinité accroît le risque sanitaire, à la fois pour les clandestins eux-mêmes et pour nos concitoyens.
J'espère que l'argument, largement développé au Sénat et qui avait emporté la majorité là-bas, sera de nouveau entendu ici, à l'Assemblée nationale. Pour avoir rencontré des personnes dans ce type de situation, nous avons tous en tête un exemple – je pense à ce légionnaire ne retrouvant pas de carte de séjour et souffrant de graves séquelles de maladie. Ces cas-là sont insupportables humainement, mais aussi pour la santé de nos concitoyens, compte tenu des risques de contagion.