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Intervention de Michel Terrot

Réunion du 7 avril 2011 à 9h30
Accords instituant des partenariats de défense — Discussion de quatre projets de loi adoptés par le sénat autorisant l'approbation d'accords instituant des partenariats de défense avec la république du cameroun la république gabonaise la république togolaise et la république centrafricaine

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Terrot, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour les accords avec le Cameroun, le Togo et la République centrafricaine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Nicolas Sarkozy avait annoncé en février 2008, dans son discours du Cap, la révision des accords de défense qui lient la France à un certain nombre de pays africains. En ce qui concerne le Cameroun, la République centrafricaine, le Gabon, la République du Togo et l'Union des Comores, les négociations ont d'ores et déjà été conclues, et le Gouvernement peut aujourd'hui soumettre à la représentation nationale les accords correspondants signés avec les quatre premiers. Le Président de la République avait insisté sur le fait que ces accords de défense étaient obsolètes, qu'ils dataient d'une période révolue – la fin de la colonisation –, et qu'ils ne répondaient plus aux exigences du temps présent. Ainsi, les mécanismes d'automaticité, selon lesquels notre pays pouvait être amené à intervenir dans un pays africain, étaient devenus inacceptables. Il fallait fonder notre relation sur un véritable partenariat, d'égal à égal. De fait, la lecture des textes en vigueur montre le caractère fortement daté de certaines de leurs dispositions.

Ce qui nous est proposé pour l'avenir, et le cadre dans lequel les nouvelles dispositions s'inscrivent, est radicalement différent. Je vais retracer la logique qui a conduit à la révision de nos accords bilatéraux.

Il faut rappeler, tout d'abord, que nous entretenons avec ces pays, depuis leur indépendance, une coopération militaire aujourd'hui encore conséquente. Le Cameroun est celui avec lequel nous avons la coopération la plus importante, suivie du Togo, assez loin devant la République centrafricaine. Ces coopérations bilatérales se concentrent désormais essentiellement sur des actions de formation, sur place ou dans les écoles nationales à vocation régionale, ou bien encore en France, où nous recevons chaque année de nombreux stagiaires africains dans différents cycles. Notre coopération de défense porte également sur le conseil de haut niveau, sur l'aide à la réorganisation des forces armées ou encore sur l'appui logistique.

Si cette coopération nous a permis de conserver une forte influence dans ces pays, elle a aussi considérablement évolué depuis la signature des premiers accords au sortir des indépendances, et surtout depuis quelques années, au moins sur deux aspects. En effet, d'une part, nous avons de moins en moins de personnels civils sur place – quelques coopérants tout au plus – et les forces en présence sont passées de 30 000 à 6 000 hommes entre le début des années 60 et aujourd'hui, effectifs appelés à se réduire encore selon ce qu'a prévu le Livre blanc ; d'autre part, l'objet même de notre coopération militaire a changé, prenant en compte la dimension régionale des problématiques de défense africaine et la nécessité de s'inscrire dans une approche de plus en plus multilatérale.

Il faut souligner l'importance du programme RECAMP – renforcement des capacités africaines au maintien de la paix –, lancé par la France au cours des années 1990 pour former, équiper et entraîner les forces armées des pays africains – pas seulement ceux du champ, il faut le souligner – pour qu'elles soient en mesure d'assurer la sécurité du continent, dans un cadre global, en coordination avec les organisations internationales, Nations unies et Union européenne notamment. L'importance de la collaboration, du dialogue et de l'échange entre des pays qui sont confrontés à des situations et des difficultés comparables, la nécessité d'une diplomatie africaine préventive afin d'anticiper les crises et de réduire les tensions, sont inscrites dans le programme RECAMP, qui ambitionne d'aider les États africains à assumer eux-mêmes le rôle principal dans les opérations de maintien de la paix sur leur continent, notamment dans le cadre onusien.

Dans cette architecture, l'Union africaine est un acteur essentiel. Dès sa constitution en 2002, elle a fait des questions de défense et de sécurité un axe majeur de son action. Le Conseil de paix et de sécurité a été institué, sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que la force africaine en attente – la FAA –, qui traduit la volonté des pays membres de l'Union africaine de se doter de capacités opérationnelles de prévention et de gestion des crises sur le continent, susceptibles d'être déployées selon divers scénarios, avec ou sans le soutien des Nations unies. Nous en sommes évidemment encore au tout début de la mise en place de ce schéma, et les moyens des pays africains leur permettent difficilement d'atteindre les objectifs au rythme qu'ils auraient souhaité. La date à laquelle la force africaine devait être opérationnelle a d'ailleurs récemment été repoussée à 2015. Mais un chemin est tracé, qui répond à une volonté des pays africains eux-mêmes, et cet aspect est essentiel à relever.

Il est tout aussi important de souligner que, par ses actions de coopération structurelle ou opérationnelle, notamment au profit des brigades régionales de la force africaine en attente, notre coopération bilatérale de défense s'est orientée de plus en plus vers le soutien à la montée en puissance de dispositifs proprement africains. La logique de l'évolution que la France n'a cessé d'imprimer à sa politique africaine en matière de défense, au long de ces dernières années, devait conduire naturellement à la révision de nos accords de défense bilatéraux. M. le ministre l'a rappelé : il fallait mettre en cohérence notre politique et les bases juridiques sur lesquelles elle s'articule avec chacun de nos partenaires.

C'est précisément pourquoi les nouveaux accords de défense qui sont soumis à notre examen s'inscrivent explicitement en soutien des mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale. Ces accords bilatéraux engagent désormais la France et ces pays dans un partenariat de défense exclusivement tourné vers la paix et la sécurité durables de la région, et vers la constitution de la force africaine en attente, à laquelle les parties pourront associer des pays voisins, des membres de l'Union européenne, voire, dans le cas de l'accord avec le Cameroun, des contingents placés sous mandat de l'ONU ou de diverses organisations régionales. À cet égard, les préambules sont tout à fait précis, fixant comme cadre général, le partenariat stratégique Afrique-Union européenne, adopté lors du sommet de Lisbonne en décembre 2007, qui ambitionne de construire une paix et une sécurité durables en Afrique et en Europe, et indiquant que l'objectif est de rendre opérationnelle l'architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l'Union Africaine, avec un soutien aux mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale.

Il s'agit par conséquent, aux termes de ces accords, de conduire des activités de coopération, relevant essentiellement de la formation, de l'entraînement, du conseil et du soutien logistique en faveur de la réalisation d'un objectif qui est précisément défini. Ces activités de coopération sont détaillées aux articles 4 des accords. Comme M. le Président de la République s'y était engagé, on ne retrouve plus dans ces textes aucune des dispositions contestables d'autrefois, relatives à l'intervention des forces françaises dans tel ou tel pays pour rétablir l'ordre : il ne s'agit plus désormais que de défense et à aucun moment de maintien de l'ordre public. Nous ne retrouvons pas plus l'obligation pour l'un de ces pays de se tourner vers la France de manière plus ou moins exclusive en matière de formation de ses cadres militaires ou pour garantir ses approvisionnements en matériels ou sa logistique. On mesure donc l'ampleur du changement qui trouve ici une traduction juridique difficilement contestable. Cela mérite d'être salué.

Voilà ce que je souhaitais relever s'agissant du contenu de ces accords, qui sont, je le crois, porteurs d'une dimension politique. Ils marquent un tournant important dans la relation de la France avec ses partenaires africains car ils contribuent clairement à solder un passé encore empreint des traces d'un certain colonialisme. Le Président de la République avait appelé de ses voeux un réel partenariat entre la France et les pays d'Afrique, basé sur des relations plus équilibrées, respectueuses de la souveraineté de chacun. Ces accords répondent tout à fait à cet impératif ; ils prennent aussi en compte la dimension désormais profondément régionale et multilatérale des problématiques dont ils traitent.

Vous aurez compris, mes chers collègues, que je vous invite sans réserve à en autoriser l'approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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