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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 7 avril 2011 à 9h30
Accord france-brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer la qualité du rapport présenté par notre collègue Christiane Taubira. Il nous a permis, lors de la réunion de la commission des affaires étrangères, d'avoir un débat très riche sur le sens des accords internationaux et de la politique en général. Ce fut un grand moment que Mme Taubira a, avec raison, rappelé à la tribune de notre assemblée.

Depuis le début des années 90, la Guyane connaît une recrudescence de l'activité minière aurifère. La hausse du cours de l'or sur le marché international, conjuguée au développement de nouvelles techniques mécanisées importées du Brésil, a conduit à une augmentation rapide et importante de la production et du nombre d'exploitants en Guyane. Si la ressource aurifère constitue une importante ressource économique pour ce gigantesque département français, la réglementation de ce secteur et le contrôle des activités de recherche et d'exploitation aurifères sont encore sources de bien des difficultés.

Des efforts ont certes été faits pour réguler ce secteur avec un meilleur encadrement juridique et administratif. Mais l'exploitation aurifère en Guyane demeure encore marquée de nombreuses zones d'ombre avec, notamment, un secteur clandestin croissant aux conséquences sociales, environnementales et sanitaires dévastatrices et une frontière qui reste floue entre la filière illégale et la filière légale.

Selon le rapport Mansillon Proposition de Schéma d'orientation minière de la Guyane – SDOM – remis au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le 17 avril 2009, la Guyane compterait plus de 500 chantiers illégaux et entre 5 000 et 8 000 travailleurs clandestins auraient été recensés, soit plus de dix fois le nombre de salariés « légaux ». Les orpailleurs clandestins se dispersent à l'intérieur du pays dans des endroits inaccessibles ou protégés.

L'extraction aurifère demeure une activité dangereuse qui engendre des conséquences désastreuses sur l'environnement ainsi que des risques pour la santé humaine. Ces conséquences se trouvent aggravées par l'orpaillage illégal qui s'effectue en dehors des règlements et qui emploie des méthodes dévastatrices pour l'environnement. L'ONG WWF France dénonce les ravages de l'orpaillage sur l'environnement.

Les activités d'extraction aurifère sont doublement responsables de la pollution mercurielle de l'environnement guyanais. D'une part, elles remettent en mouvement le mercure naturellement présent dans les sols – Mme la rapporteure a expliqué l'exploitation alluvionnaire et ses conséquences, s'agissant du mercure présent dans le sol des criques. D'autre part, le mercure, interdit en Guyane française depuis 2006 est encore utilisé par les orpailleurs illégaux pour amalgamer les particules d'or. Chauffé à haute température pour séparer les deux métaux, le mercure s'évapore, puis retombe mélangé à la pluie – qui est fréquente – parfois à des kilomètres des sites d'orpaillage. Une partie de ce mercure part directement dans les cours d'eau et se dépose au fond des rivières, dans les sédiments. Par l'action des bactéries, le mercure se change alors en méthylmercure, forme chimique toxique du mercure absorbable par les organismes vivants.

La rapporteure l'a rappelé en commission, toute la chaîne alimentaire subit les effets néfastes du mercure. Celui-ci se fixe sur les plantes aquatiques, qui sont mangées par les poissons herbivores, qui sont dévorés par les poissons carnivores, lesquels sont finalement pêchés et consommés par les populations locales. Or une absorption importante de mercure par l'homme peut entraîner des troubles du système nerveux et des malformations, particulièrement chez la femme enceinte et l'enfant.

Pour récupérer un kilo d'or, 1,3 kilo de mercure est employé par les orpailleurs illégaux, avec près de 30 % de pertes, rejetées dans le milieu naturel, essentiellement sous forme de vapeur atmosphérique, avec les conséquences que je viens de dénoncer. Des études réalisées sur les cheveux des enfants amérindiens ont fait apparaître des taux de mercure deux fois supérieurs à la norme fixée par l'Organisation mondiale de la santé. Je ne reviens pas sur le périmètre de l'intervention, notre rapporteure l'a explicité avec talent à la tribune.

Au-delà des effets négatifs sur l'environnement et la santé, l'exploitation aurifère illégale a des répercussions sociales dramatiques : filières d'immigration, développement de réseaux de prostitution, trafics d'armes et drogues, avec toute la délinquance qui les accompagne. Le poids du marché parallèle en Guyane est très important : plus de vingt-deux tonnes d'or à l'origine douteuses ont été exportées entre 2000 et 2008. L'un des principaux facteurs explicatifs de cette prégnance de la filière illégale en Guyane française tient à la porosité de la filière légale qui, par manque de mesure appropriée, blanchit l'or extrait illégalement. Ainsi, à l'heure actuelle, l'or illégalement produit peut facilement intégrer la filière légale ; avant l'expédition vers la métropole, il est blanchi. Il est donc primordial d'améliorer la traçabilité de la filière or.

À cet égard, je voudrais me réjouir de l'adoption, dans la loi de finance de 2011, de l'amendement de Mme Taubira visant à étendre à la Guyane l'application de la loi de 1971 sur la garantie des métaux précieux permettant la traçabilité de l'or produit en Guyane et l'assèchement des circuits par lesquels l'or issu de l'orpaillage clandestin pénétrait les circuits légaux. Dorénavant, les circuits de l'or illégal et de l'or légal seront identifiables. On peut d'ailleurs se demander pourquoi cette disposition sur la traçabilité n'a pas été appliquée plus tôt en Guyane, territoire où l'on extrait le plus d'or.

Je me réjouis aussi de la ratification imminente de cet accord signé en décembre 2008. Les dispositions qu'il contient sont ambitieuses : la moindre activité d'orpaillage sera soumise à une autorisation, aussi bien en Guyane qu'au Brésil. Il y aura davantage de contrôles drastiques au sein des entreprises d'orpaillage. Les contrôles des transporteurs sur le fleuve seront plus soutenus et, enfin, de plus amples mesures pénales seront prises à l'encontre des contrevenants. Pour autant, la coopération doit se donner les moyens d'être efficace. Aussi, plusieurs problèmes devront être réglés du côté français. Les procédures doivent, par exemple, obligatoirement passer par la métropole, ce qui complique et ralentit l'action sur place. Les traducteurs dont dispose le système judiciaire en Guyane ne sont pas juristes et les traductions littérales aboutissent souvent à des non-sens, des contresens et, au final, les procédures se trouvent entachées de nullité. Sur place, la gendarmerie, confrontée à des difficultés de recrutement local, ne dispose pas toujours du matériel adapté et conforme à la réalité et à la particularité du terrain guyanais.

L'une des réponses incontournables contre l'orpaillage illégal se trouve dans les politiques de codéveloppement avec le Brésil et avec le Surinam. Il faut également renégocier le schéma directeur minier qui, dans sa version actuelle, met sous cloche une partie de la Guyane en interdisant toute exploitation, ce qui a pour effet d'attirer l'orpaillage clandestin, aucune autre protection n'étant assurée.

Les élus guyanais ont unanimement la même position, tout en reconnaissant le caractère indispensable du SDOM pour maîtriser l'activité aurifère.

Ces questions de zonage de l'activité aurifère poussent à se poser la question de la définition d'une stratégie aurifère en Guyane afin de pouvoir concilier le plus harmonieusement possible l'objectif de préservation de l'environnement, indispensable, avec l'ambition d'un développement économique fondé sur la manne aurifère.

Pour combattre l'orpaillage clandestin, il faut des interventions soutenues des deux côtés de la frontière. Le Brésil dispose aujourd'hui des moyens pour mettre en oeuvre une politique offensive de lutte contre ce fléau.

Il existe toujours les bases-vie indispensables aux garimpeiros, qui peuvent ainsi en très peu de temps reconstituer leur équipement et réinvestir la forêt pour reconstruire et rouvrir les chantiers neutralisés par la force publique. Il convient d'ailleurs de saluer le travail des gendarmes et de l'armée, mené dans des conditions très difficiles, vous l'imaginez, et avec un grand professionnalisme.

La ratification de ce traité est un moment important, mais, pour être mis en oeuvre – Christiane Taubira a insisté sur ce point et le Gouvernement doit l'entendre –, il devra être politiquement soutenu par la France pour interpeller avec détermination notre voisin brésilien afin que l'on développe des actions concertées des deux côtés de la frontière.

Les députés communistes et du Parti de Gauche voteront dont la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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