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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 7 avril 2011 à 9h30
Accord france-brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Quelles sont les réalités ? Les vingt-sept titres miniers ayant donné lieu à une production en 2009 donnent une idée de l'exploitation aurifère légale, avec un effectif de personnel déclaré de 360 personnes et une production déclarée de 1,22 tonne, ce qui correspond, selon le cours international de l'or, à un chiffre d'affaires de 36 millions d'euros, tandis que la redevance minière départementale et communale atteignait le montant – dérisoire – de 86 000 euros.

Quel est le profil de l'activité illégale ? Par nature, l'ampleur de celle-ci est difficile à saisir. Nous n'en disposons pas moins de quelques repères. L'étude d'impact annexée à l'accord évoque ainsi 500 chantiers illégaux, 105 d'entre eux étant établis sur le territoire du parc amazonien. Or le champ de l'accord se réduit pratiquement à ce territoire. La question est donc de savoir si l'on se contente de ne combattre que 20 % des chantiers illégaux ou si la mesure de l'activité illégale donne lieu à de telles distorsions.

L'administration considère qu'il y a entre 3 000 et 15 000 chercheurs d'or illégaux, ou garimpeiros. Sur le terrain, nous considérons que l'hypothèse haute de 15 000 est très inférieure à la réalité.

Le volume de la production illégale est estimé à dix tonnes d'or, soit un chiffre d'affaires de 320 millions d'euros, et, selon l'administration, cinq tonnes de mercure sont rejetées chaque année dans la forêt guyanaise, particulièrement dans les cours d'eau.

Les résultats des opérations de police et de gendarmerie nous donnent quelques autres éléments de mesure : 2 057 carbets détruits et 67 nouveaux puits et galeries découverts.

Les puits et galeries signifient que l'on est en train de changer de ressources, de technologies et de métiers. À la recherche de l'or alluvionnaire s'ajoute celle de l'or primaire. Cette activité est donc de plus en plus prédatrice. Seuls neuf kilos d'or ont été saisis par rapport à ces dix tonnes d'or.

Pouvons-nous espérer une amélioration ? Non, pour deux raisons.

La première, c'est que le potentiel, estimé à 120 tonnes d'or primaire, est considérable. Quant à l'or alluvionnaire, avec les technologies actuelles, on considère qu'il y a encore douze à quinze ans d'exploitation possible. Mais quand les technologies s'amélioreront, la productivité s'améliorera aussi.

La deuxième raison est que le cours international de l'or n'a pas cessé d'augmenter ces cinq dernières années. De 400 dollars l'once en 2003, il est passé à 800 dollars en 2008, pour atteindre 1 270 dollars en février dernier. Et l'on estime qu'il atteindra 1 300 dollars l'once à la fin 2011. C'est un moteur puissant et attractif s'agissant d'une activité extrêmement prédatrice.

L'accord dont nous débattons ne sera pas suffisant. D'ailleurs, il y a déjà des actions de répression ; c'est même le seul domaine dans lequel l'État s'est beaucoup engagé. Les opérations Harpie coûtent à peu près 4 millions d'euros pour six mois et mobilisent 345 gendarmes et 320 militaires par jour. C'est considérable. Il y a également les procédures judiciaires. Mais les moyens de l'institution judiciaire sont si dérisoires que celle-ci a tendance à se borner à faciliter les reconduites à la frontière de personnes qui reviennent très vite. Le nombre de défèrements est minime.

Monsieur le ministre, il y a des urgences, notamment en ce qui concerne la santé des populations et l'impact environnemental. En effet, 1 333 kilomètres de cours d'eau sont pollués, selon l'ONF, et plus de 12 000 hectares de forêts sont affectés – sans doute même davantage. Mais surtout, 70 % des enfants amérindiens de moins de trois ans présentent un taux d'imprégnation au mercure cinq fois supérieur aux normes de l'EFSA – european food safety authority – et dix fois supérieur aux normes de l'OMS. L'imprégnation au mercure est extrêmement dangereuse puisqu'elle provoque des pathologies très lourdes, des retards de développement, des troubles du comportement, des affections ophtalmiques, des pathologies rénales. Des mesures de suivi sanitaire et de protection de ces populations – entre autres – sont donc nécessaires.

Mais avant tout, monsieur le ministre, nous devons considérer que le Brésil est un grand pays, par sa superficie qui couvre 40 % du continent sud-américain, par sa population qui compte plus de 192 millions d'habitants, et surtout par sa littérature, sa culture, ses arts, ses travaux de recherche, son industrie, son dynamisme économique. Sous la double mandature du Président Inacio Lula da Silva, le Brésil a considérablement amélioré ses indicateurs économiques et sociaux, y compris son indice de Gini qui mesure les inégalités.

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