Cet article fixe la liste limitative des motifs pour lesquels la garde à vue peut être décidée et mise en oeuvre. À cet égard, je voudrais vous faire part de deux observations.
La garde à vue devrait rester exceptionnelle. Or le mot lui-même ne figure même pas dans le texte, lequel assigne à la garde à vue des objectifs qui ne garantissent pas qu'elle sera exceptionnelle. Le premier objectif – « permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne » – est, par définition, très large. Si l'audition de la personne soupçonnée fait partie des investigations, il est certain que toute infraction permettra un placement en garde à vue. Il semblerait donc opportun de préciser les investigations en question : une perquisition, ou une confrontation, par exemple.
Par ailleurs, le texte définit la personne pouvant être mise en garde à vue comme celle « à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis » une infraction. La notion de « raison plausible » s'est substituée à la référence à « un ou plusieurs indices laissant présumer la commission d'une infraction ». Cette formule avait au moins le mérite de renvoyer à la notion d'indice, qui est une objective, alors que celle de « raison plausible » est bien plus subjective et bien moins précise.
Ma seconde remarque porte sur le principe de la dignité des personnes retenues sous contrainte de la police et de la justice. Ce principe n'est pas, lui non plus, mentionné dans le texte.
Comme l'a rappelé la commission parlementaire d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau, commission dont nos collègues Vallini et Houillon étaient respectivement président et rapporteur, la pression psychologique exercée à l'égard des personnes en garde à vue ne doit pas se transformer en violence psychologique et amener à faire « céder » une personne innocente en la conduisant à reconnaître des faits.
D'autres affaires pénales ont montré comment des gardes à vue menées de façon « virile », selon les dires mêmes de ceux qui en étaient chargés, sur des personnes en état de choc ou de faiblesse – comme nous pourrions l'être, les uns ou les autres, dans des situations comparables –, ont pu participer à de véritables désastres d'instruction.
Il est donc clair que la garde à vue doit se faire dans le respect de la dignité des personnes retenues. Le droit au repos, le droit de boire et de manger, celui de satisfaire ses besoins naturels peuvent apparaître comme de simples déclinaisons du respect de la personne. Ils n'en restent pas moins fondamentaux et devraient, à ce titre, être mentionnés dans la loi.