Pour évaluer la sûreté d'une installation, il faut à la fois tenir compte du matériel et de la manière dont cette installation est gérée. La manière dont EDF renouvelle peu à peu son personnel, donc ses compétences, pour tenir compte des départs en retraite est un phénomène massif, dont l'on parle peu, mais qui est fondamental, et qui est jusqu'à présent bien conduit. C'est l'un de nos soucis.
S'agissant du matériel, nous sommes amenés à distinguer la cuve et l'enceinte, qui ne sont pas remplaçables. Beaucoup d'autres choses peuvent être remplacées, notamment les générateurs de vapeur ou des tuyauteries primaires. A l'occasion des examens, nous vérifions également le vieillissement des éprouvettes placées dans les cuves, mais toujours en conservant un certain équilibre entre le matériel et les facteurs humains et organisationnels.
« ATMEA » est un projet de réacteur. Sa conception nous a été soumise. Nous comptons rendre notre avis d'ici la fin de l'année. Nous ne pouvons pas être plus précis.
Vous avez évoqué la tension entre l'ANDRA et les industriels producteurs de déchets. In fine, c'est nous qui prendrons parti sur l'acceptabilité du projet qui nous sera soumis par l'ANDRA. La difficulté tient à notre positionnement amont, avec le risque de devenir porteur d'un projet que nous aurons déjugé. C'est une difficulté. Le médiateur est en cours de nomination. Nous envisageons, aussi bien l'ASN que l'IRSN, de jouer un rôle d'observateur dans les débats qui vont avoir lieu.
Plusieurs questions ont été posées sur l'harmonisation européenne et les liens entre les autorités de sûreté. A l'origine, l'ensemble des règles nationales ont été construites dans une vision nationaliste. Lorsque la France a choisi d'abandonner sa filière nationale et d'opter pour une filière américaine, elle a fait le choix, après des débats furieux, de la filière Westinghouse. Les industriels ont acheté la licence Westinghouse, puis ils n'ont eu de cesse de s'en démarquer, pour cesser de payer des droits et bâtir une filière française. Tout a été francisé. Un code de calcul français démarqué du modèle américain a été bâti. C'est exactement ce que font les Sud-coréens. Ils ont acheté une licence, et font tout pour s'en démarquer et créer une filière sud-coréenne. Historiquement, l'idée était vraiment de créer des filières nationales. Aujourd'hui, il existe un nouveau courant, dont je suis tout à fait porteur, qui plaide pour l'harmonisation, mais pendant des décennies, la politique a été radicalement différente. Les industriels n'ont eu de cesse de se démarquer, chacun sur un plan national.
Il existe deux manières d'harmoniser : par le haut et par le bas. Il y a un début d'harmonisation par le haut en Europe, avec une directive sur la sûreté nucléaire et un projet de directive sur les déchets qui se bornent à rendre obligatoire l'application d'un certain nombre de principes généraux sur lesquels tout le monde est d'accord. Il existe également un effort de bas en haut, via un groupe d'autorités de sûreté. Nous sommes dix-sept. Nous avons publié des niveaux de sûreté et de référence. A Bratislava, en novembre, nous avons adopté des objectifs de sûreté pour les nouveaux réacteurs. Mon collègue russe était présent en tant qu'observateur. C'est le début d'un processus d'harmonisation. Il sera très difficile. Gardez en mémoire d'où nous partons. Les Etats-Unis n'utilisent pas la même unité de mesure que nous. Ils n'utilisent pas le sievert. Pour eux, appliquer les standards de l'AIEA reviendrait à obéir à une agence de l'ONU. Voilà la réalité. Je crois aux efforts patients, longs et difficiles. En particulier, je crois tout à fait à un effort d'harmonisation européenne, sans oublier ce que j'ai dit sur l'Allemagne. Soyons prêts à investir sur le long terme, mais n'attendons pas de résultats miraculeux. Cas par cas, nous nous efforçons d'être cohérents.
Un effort positif remarquable de cohérence a été accompli entre les autorités françaises, britanniques et finlandaises, pour prendre une position sur un sujet technique compliqué, en l'occurrence le contrôle commande de l'EPR. In fine, les solutions mises en oeuvre ne seront sans doute pas les mêmes. En France, nous avons la pratique du contrôle commande numérique sur les réacteurs du palier N4. Il est clair qu'en Finlande et au Royaume-Uni, il n'y a pas assez d'expérience, d'où leur besoin de solutions digitales en secours de la solution numérique. C'est leur responsabilité. Nous avons été aussi loin que possible dans le partage et la compréhension des difficultés.
Nous nous efforçons, périodiquement, de réévaluer les aléas et d'en tirer les conséquences. A Cadarache, cela nous a décidés à fermer un atelier de traitement de plutonium. Nous avons considéré que cet atelier ne résistait pas correctement aux aléas sismiques. Pendant des années, Areva a tenté de trouver des solutions techniques, mais aucune n'a fonctionné.
Une réflexion est en cours, au niveau international, sur différentes manières de prendre en compte l'aléa sismique. Nous sommes conscients de cela. Nous nous efforçons d'agir de manière transparente. Une journée de réflexion s'est tenue à Marseille. Une autre a été organisée dans les mêmes conditions avec nos collègues belges, à Fessenheim, afin de partager aussi sereinement que possible les questions que nous nous posons. Nous sommes ouverts à toute évolution méthodologique. Nous sommes prêts à en tirer les conséquences. Clairement, l'aléa sismique est, avec le tsunami ou l'inondation, l'un des aléas que nous devons revisiter à la lumière de ce qui s'est passé au Japon. Nous sommes tout à fait prêts à le faire, de manière aussi ouverte que possible et sans masquer les difficultés méthodologiques. Comment définir l'aléa sismique à prendre en compte ?