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Intervention de François de Rugy

Réunion du 5 avril 2011 à 15h00
Protocole au traité sur l'union européenne. Élection des représentants au parlement européen. — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Je ne sais pas de quoi vous voulez parler. Je n'étais pas candidat aux élections cantonales. J'ai fait campagne, comme beaucoup, dans mon département. Allez voir les résultats : ils ont été très positifs pour le mouvement que je représente et, croyez-moi, dans cette campagne, nous n'avons pas confondu les enjeux, européens, nationaux ou cantonaux, bien au contraire. Nous avons présenté un programme départemental. Je crois donc que votre remarque n'est pas fondée.

Comment expliquer que l'on ne peut se référer à un scrutin dont les enjeux étaient clairs, pour lequel nos concitoyens ont fait un choix tout aussi clair, en adéquation avec leurs convictions dans le domaine concerné par cette élection, mais que l'on peut, a contrario, s'appuyer sur les résultats d'une élection dont l'enjeu n'était en rien similaire et qui était antérieure de deux ans ? Vous invoquez le principe de sincérité. C'est la sincérité du Gouvernement qui est en cause dans cette affaire ! Vous vous complaisez dans vos paradoxes, vous appuyant sur des arguments dont vous connaissez en réalité la teneur fallacieuse. À quoi bon prétendre jouer la carte de la transparence et de la logique ? En la matière, vous y avez définitivement renoncé. Pourtant, s'il fallait faire preuve de pédagogie, c'est bien pour expliquer à nos concitoyens le mode d'élection des deux « députés Lisbonne » par référence au scrutin de 2009, tout simplement.

Vous vous appuyez également sur l'article 4 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, qui dispose que « le nombre de sièges et le nombre de candidats par circonscription sont constatés par décret au plus tard à la date de la convocation des électeurs ». De prime abord, j'aurais tendance à dire qu'il nous suffisait d'anticiper, que cela aurait été logique, clair, transparent. Mais je rappellerai surtout que la loi peut se modifier, c'est même le but de cette assemblée et précisément de cette séance. Pour citer le rapporteur, « il n'est pas possible de se référer à ces résultats sans recourir à une loi ». Mais n'est-ce pas ce que nous faisons en ce moment même ? N'est-ce pas pour cela que le Gouvernement a déposé un projet de loi ? Il n'y avait donc aucune difficulté pour modifier l'article 4 de la loi de juillet 1977 afin de l'adapter à la situation d'aujourd'hui, que cette loi n'avait pas prévue.

Ensuite, selon le rapporteur, l'option que nous défendons serait trop complexe en raison de l'incertitude des calculs qu'elle suppose. Je tiens à le rassurer : en cas de besoin, nous aurions pu lui apporter notre aide. Notre collègue socialiste, Jérôme Lambert, soulignait en commission que nous savons très bien à quelles régions et à quels candidats ces sièges reviendraient. L'étude d'impact le dit très clairement. Mais le Gouvernement a cherché comment rendre complexe une situation qui paraîtrait trop simple. Le premier argument utilisé a été que la France est découpée en circonscriptions régionales pour les élections européennes. Manque de chance, la Pologne est également dans ce cas, et cela ne change absolument rien.

On a ensuite avancé le problème de la démographie des circonscriptions. S'agissait-il de la population municipale ou de la population totale ? Le texte d'application de la loi ne le précisait pas. Or cela entraînait un classement différent des circonscriptions de l'Ouest, qui comptent la plus forte population totale, et de l'Est, qui comptent la plus forte population municipale. À soixante-douze députés européens, cela n'avait aucune incidence sur les résultats. Avec les deux députés supplémentaires, il a fallu que le décret 2009-430 du 20 avril 2009 dispose que « le chiffre de population auquel il convient de se référer en matière électorale est le dernier chiffre de population municipale authentifié avant l'élection ».

De ce fait, attribuer les deux sièges supplémentaires à des circonscriptions électorales en fonction des résultats du scrutin du 7 juin 2009 impose de retenir comme base juridique la population municipale déterminée par le décret du 30 décembre 2008 qui a servi de fondement aux élections de 2009, et ainsi de doter la région Est d'un député supplémentaire, ainsi que la région Nord-ouest.

Mais peu importent les résultats, c'est une question de principe. Si un siège avait été attribué à la région Ouest, j'aurais été très content qu'elle soit dotée d'un représentant supplémentaire, quelle qu'en soit la couleur politique. Néanmoins, on peut se demander si le Gouvernement aurait choisi cette solution si les résultats de l'élection de 2009 avaient été différents.

Enfin, un dernier argument va à l'encontre de l'option qui a fait l'unanimité des onze États membres de l'Union européenne concernés : cette solution « conduirait de facto le législateur à désigner lui-même, fut-ce implicitement, les deux représentants supplémentaires au Parlement européen, au mépris du caractère général et impersonnel de la norme législative ». Cet argument vaut son pesant d'or. Si, par malheur, le projet de loi est adopté, nous aurons la responsabilité de choisir en notre sein les deux nouveaux députés européens. Ceux qui le désireront pourront ainsi se présenter sur une liste. En outre, l'étude d'impact indique que, « sans préjuger du vote des députés, le mode de scrutin retenu devrait, selon toute vraisemblance et compte tenu de la taille des groupes parlementaires à l'Assemblée nationale, permettre de désigner un candidat issu de la majorité et un candidat issu de l'opposition », ce qui a été confirmé par le Premier ministre, François Fillon, pour lequel il s'agit « d'éviter toute polémique inutile ». Ainsi, on décide en amont d'une partie du résultat. Il est dès lors totalement incongru et incohérent de la part du Gouvernement et du rapporteur d'affirmer que, avec ce projet de loi, ce n'est pas le législateur qui choisira lui-même les deux représentants au Parlement européen. Le vote s'effectuant dans notre assemblée, c'est, encore une fois, le législateur qui décidera des deux « députés Lisbonne », d'une manière directe.

Tout au long de cette motion, je n'ai fait que mettre en exergue toutes les incohérences contenues dans ce projet, ou plus exactement démontrer qu'il est intrinsèquement antidémocratique. Je le répète, nous, députés écologistes, ainsi que nos collègues du groupe GDR, sommes totalement opposés à ce texte et nous ne présenterons pas de liste s'il est adopté. Nous ne serons pas complices de ce déni de démocratie. Nous refusons de nous engager dans ce processus qui n'a rien de démocratique.

Je souhaite, pour conclure, m'adresser aux collègues de la majorité : faites preuve de courage, prouvez-nous votre volonté d'aller dans le sens de la démocratie. Monsieur Deflesselles, vous vouliez en parler à propos de votre département. Faites-le au niveau national pour ces élections européennes. Ne laissez pas la France devenir, une nouvelle fois, la risée de l'Europe. Respectez le choix de nos concitoyens qui ont participé à ces élections européennes et opposez-vous à la décision prise unilatéralement par le Gouvernement français. Faites le choix de la transparence électorale : nous en sortirons tous vainqueurs.

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