…à moins que cette majorité ne vote contre, ce qui serait une excellente nouvelle. Il est plus que jamais temps de redonner des couleurs à notre démocratie en berne : tel est l'objectif de cette motion de rejet préalable.
Comment peut-on soutenir sciemment un tel projet de loi ? J'avoue que je ne comprends pas, mais M. Deflesselles nous l'expliquera peut-être tout à l'heure, calmement, posément, avec force arguments.
Dans un contexte qui engage l'Union européenne, alors qu'il s'agit là de la seule représentation démocratique des peuples européens qui existe en son sein, la voie du résultat des élections européennes s'imposait. Douze États membres – l'Espagne, la Suède, l'Autriche, le Royaume-Uni, l'Italie, la Pologne, les Pays-Bas, la Bulgarie, la Lettonie, la Slovaquie, Malte et la France – sont concernés par ces « députés Lisbonne ». J'ai pris la peine de citer ces douze États pour faire ressortir leurs différences : certains sont des pays de grande taille, d'autres non, certains sont de nouveaux entrants, d'autres ont participé à la fondation de l'Union. Onze de ces douze États ont décidé de se référer aux résultats des élections européennes de 2009, certains ayant même anticipé, comme l'Espagne qui avait prévu des listes de cinquante-quatre candidats, les cinquante d'origine auxquels s'ajoutaient les quatre attribués par le traité de Lisbonne, qui fut signé, je le rappelle, un an et demi avant les élections européennes. Sur douze États, onze ont choisi le chemin le plus clair, le plus transparent, le plus direct vers la démocratie. Un seul – le nôtre, malheureusement – a opté pour son propre chemin, allant ainsi à l'encontre du vote de sa population.
Une nouvelle fois, la France se marginalise au sein de l'Union européenne, d'une manière fort peu glorieuse. À défaut d'une anticipation intelligente de la France, le groupe GDR plaide pour que les deux députés supplémentaires soient désignés dans les mêmes conditions que les soixante-douze autres, ce qui serait la moindre des choses. M. le ministre nous dit que l'égalité ne doit pas être rompue : tous les députés européens qui représenteront la France doivent donc être élus de la même façon. Faisons comme si nous avions dû procéder à l'élection du nombre d'eurodéputés prévu par le traité de Lisbonne. Ce scénario éviterait à la France de s'isoler au sein de l'Union et lui permettrait de faire preuve, comme les autres États, de transparence électorale.
Monsieur le ministre, par votre décision de choisir les élus de l'Assemblée nationale plutôt que les candidats qui auraient pu ou dû être élus au soir des élections européennes du 7 juin 2009, la France se singularise malheureusement une nouvelle fois. Du reste, nombre de parlementaires européens n'apprécient pas que des États – en l'occurrence un seul – désignent au sein de leur Parlement national des députés européens. Quel formidable retour en arrière ! C'est ainsi que l'on pratiquait avant l'adoption du suffrage universel direct – c'était en 1979, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, ce qui prouve bien qu'il ne s'agit pas là d'une question de droite ou de gauche.
Rappelons par ailleurs que l'acte de 1976 sur l'élection des députés européens dispose en son article 1er qu'ils sont élus au suffrage universel direct à la proportionnelle. Alors que nombre de pays avaient prévu d'adopter et de faire entrer immédiatement en vigueur le traité de Lisbonne, la France a fait preuve d'imprévoyance et a ensuite exigé que les règles se fassent sur mesure pour lui permettre de désigner les deux parlementaires européens supplémentaires.
De surcroît, les arguments avancés par le Gouvernement et M. Tiberi ne nous convainquent nullement. Il est totalement fallacieux de considérer, pour se donner bonne conscience, qu'il n'était « pas souhaitable » d'anticiper en modifiant la législation avant les élections, le peuple irlandais ayant rejeté le traité de Lisbonne lors du référendum de 2008 ! Les exemples de L'Espagne, de l'Autriche ou de la Suède prouvent que c'était parfaitement envisageable et réalisable. Le Parlement européen lui-même, dans son rapport adopté le 18 mars 2009, c'est-à-dire avant les élections européennes, appelait les États membres à « adopter toutes les dispositions légales nationales nécessaires pour permettre l'élection anticipée, en juin 2009, des dix-huit députés supplémentaires au Parlement européen afin qu'ils puissent siéger au Parlement en tant qu'observateurs à partir de la date d'entrée en vigueur du traité de Lisbonne ».
Pour vanter les mérites du scénario retenu, vous mettez en avant quatre avantages : sa simplicité et sa lisibilité, la rapidité avec laquelle il permettrait à la France de disposer de deux voix supplémentaires au Parlement européen, la faiblesse de son coût par rapport à celui de l'organisation d'une élection partielle dans les circonscriptions gagnant un siège, et enfin – c'est un comble – la légitimité des nouveaux représentants, déjà élus au suffrage universel.
M. le ministre pourrait-il nous expliquer en quoi la référence au scrutin de juin 2009 est complexe et illisible ? Manifestement, il n'y a pas de réponse. Les élections ont déjà eu lieu, il suffit simplement de lire les résultats. On a fait plus alambiqué, me semble-t-il. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Tel semble être votre état d'esprit.
Pour ce qui est de la rapidité, il paraît plus long d'organiser un vote au sein de cette assemblée que de se référer au résultat d'une élection antérieure. Selon M. le ministre, on ne pourrait pas déclarer élus des députés qui n'auraient pas été proclamés élus le soir des élections européennes. Je constate que cet argument ne l'a pas beaucoup ému lorsque son ancien collègue du Gouvernement, M. Hortefeux, a demandé à siéger au Parlement européen, alors qu'il n'y avait jamais été proclamé élu.