En ce qui concerne les délocalisations de tournages, nous constatons en effet que la Belgique et le Luxembourg offrent des dispositifs attractifs sur le plan fiscal – autrefois, on pensait plus volontiers à la République tchèque, à la Hongrie ou au Royaume-Uni. C'est pourquoi une amélioration du crédit d'impôt nous paraît souhaitable. L'activité resterait ainsi en France au lieu d'être délocalisée, si bien que le coût de la mesure pour les finances publiques serait nul.
Le niveau de nos charges sociales est certes élevé, mais ce handicap peut être compensé par la présence d'infrastructures de qualité. Je pense à la Cité du cinéma, pôle de compétences que nous sommes en train de développer en Seine Saint-Denis avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, qui nous permettra notamment de disposer d'un vivier de techniciens très qualifiés. Nous avons donc le souci d'encourager le renouvellement du tissu technique. De même, l'aide à la numérisation des films permettra de nourrir une industrie capable d'attirer de l'activité à l'échelle européenne.
J'en viens à la vidéo à la demande. Le nombre de films mis à disposition a considérablement augmenté : plus d'un million de fichiers sont aujourd'hui disponibles, et pour le long métrage, nous approchons des 10 000. Cette offre est appelée à se renforcer encore avec le plan de numérisation. À terme, c'est toute l'histoire du cinéma qui devrait être couverte, depuis les premiers films des frères Lumière et de Méliès.
Il est aussi capital de développer les outils de recommandation, de prescription et de navigation. Les grands acteurs – américains – sont connus : Google pour la navigation et Facebook pour la recommandation. Mais il n'y a pas de fatalité : nous pouvons développer à notre tour des outils et des plateformes efficaces pour naviguer dans le « web profond » et nous attacher à prendre en compte les différents profils de publics pour mieux répondre à leurs demandes, dans le respect de la vie privée, bien entendu. Il ne s'agit pas nécessairement d'encourager la multiplication des plateformes, mais d'en avoir quelques-unes qui soient performantes. Ainsi, AlloCiné et UniversCiné pourraient se regrouper pour améliorer encore leurs performances, d'autant qu'elles se développent désormais à l'international.
Vous avez également évoqué le mécénat. Lorsque je suis arrivé au CNC en 2004, je venais de travailler sur la loi mécénat de Jean-Jacques Aillagon. C'est donc tout naturellement que j'ai voulu voir si on pouvait développer le mécénat dans le cinéma. S'il existe, c'est surtout en matière de patrimoine, avec, par exemple, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma ou la Fondation Technicolor pour le patrimoine du cinéma, qui investit notablement – avec l'appui du CNC – dans la restauration des films de Jacques Tati ou de Pierre Etaix. Sans être désigné comme tel, le mécénat existe aussi avec les conditions préférentielles que les industries techniques réservent aux jeunes auteurs et producteurs. Néanmoins, il n'emprunte pas le mécanisme fiscal du mécénat, pour deux raisons principales : d'une part, il y a malheureusement peu de bénéfices ; d'autre part, les auteurs sont constitués en sociétés et non en associations. Il reste que le mécénat pourrait être plus développé en matière de patrimoine ou d'éducation artistique. On ne peut donc que l'encourager.
J'en viens aux nouveaux défis de la territorialité, monsieur Rogemont. Les fonds régionaux se sont révélés un grand succès pour assurer le croisement des compétences et des financements entre les collectivités locales – les régions au premier chef, mais aussi les conseils généraux et quelques villes – et le CNC, avec le fameux dispositif du « un euro du CNC pour deux de la collectivité ». Nous renouvelons actuellement l'ensemble des conventions – j'ai reçu la semaine dernière les représentants de plusieurs régions pour évoquer cette troisième génération de contrats, sachant qu'ils devront cette fois-ci être notifiés à la Commission européenne. Nous sommes en train de réfléchir à un accord-cadre qui pourrait convenir à toutes les régions, qu'elles privilégient le cinéma, l'animation ou l'audiovisuel, le court ou le long métrage… J'ajoute que ces instruments ont aussi vocation à inciter les collectivités à intervenir dans l'aide à la numérisation des petites salles. Il est trop tôt pour disposer de montants, puisque ces conventions sont encore en négociation, mais nous ne manquerons pas de dresser un bilan des aides qui auront été apportées.
Vous avez évoqué la débudgétisation. Le CNC a en effet pris à sa charge sur le compte de soutien des dépenses qui correspondaient jusque-là à des crédits budgétaires du ministère de la culture dévolus au CNC. Cela concerne notamment le financement de la Cinémathèque française, les dépenses éducatives, le Fonds Sud et les accords internationaux, dont le « mini traité » franco-allemand, dont nous fêterons les dix ans cette année.