Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur la situation particulière des hôpitaux publics des villes moyennes qui se trouvent au centre de vastes zones rurales, éloignés des grands centres hospitaliers régionaux et dans des départements où la désertification médicale est une réalité.
Je suis l'élu d'un des sept départements qui continuent, année après année, à perdre des habitants. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas assurer la permanence des soins, alors que les postes fondent comme neige au soleil. Je vais donc illustrer les analyses développées par mes collègues du groupe SRC en vous décrivant le cas concret du centre hospitalier de Montluçon.
Dans un tel établissement, l'application de la loi HPST met en évidence un déficit structurel auquel deux facteurs ne sont pas étrangers. D'une part, la systématisation de la tarification à l'activité est inadaptée à ce type d'établissement ; d'autre part, sous couvert de complémentarité entre les établissements, la concurrence déloyale avec les cliniques privées « plombe » l'hôpital public du fait des missions spécifiques qui lui incombent.
Par ailleurs, quand l'État décide de reconstruire un hôpital in situ, cela engendre des surcoûts…quand ce ne sont pas des erreurs d'évaluation qui nécessitent une recapitalisation de l'établissement. Dans le cas de Montluçon, ce besoin de recapitalisation est évalué à quelque vingt millions d'euros.
En recevant le maire de Montluçon il y a deux semaines, M. Xavier Bertrand lui a indiqué que le Gouvernement avait l'intention de lier l'éventuelle aide de l'État à la définition par le centre hospitalier d'un plan de retour à l'équilibre budgétaire solide. Mais cette aide de l'État, elle est d'abord et avant tout de la responsabilité de l'État : le Gouvernement ne peut invoquer, dans le cas d'espèce, une quelconque responsabilité de la collectivité locale. Si l'État s'est trompé dans ses calculs, c'est à lui et à lui seul de réparer ses erreurs. D'ailleurs, ce plan de retour à l'équilibre qui est brandi comme une menace, il existe. Il est en cours d'exécution, même s'il oblige les personnels hospitaliers à travailler dans des conditions difficiles de sous-effectif et de stress permanent et même souvent à ne pas prendre les congés auxquels ils ont droit.
Vouloir faire payer les besoins en capital d'un établissement par des économies sur son fonctionnement, c'est, dans un contexte concurrentiel, écorner son attractivité, donc son niveau d'activité, donc ses ressources.
Encore faudrait-il de surcroît que les politiques publiques de l'État soient cohérentes entre elles, ainsi que je le rappelais au ministre en charge de l'aménagement du territoire, la semaine dernière, dans le débat sur le bouclier rural et sur la permanence des soins.
J'en prends de nouveau un exemple précis dans l'Allier. Le préfet, en accord avec le directeur général de l'ARS, a pris la décision de notifier à l'une des trois cardiologues du service de cardiologie de l'hôpital de Montluçon une obligation de quitter le territoire français au seul motif qu'elle est camerounaise et qu'elle a obtenu son diplôme de cardiologie à la faculté de médecine de Saint-Pétersbourg. N'est-ce pas prendre le risque de tuer un service indispensable, qui avait failli disparaître il y a trois ans après le départ de ses praticiens hospitaliers titulaires ?
Je vous ai demandé par courrier du 28 janvier, madame la secrétaire d'Etat, d'examiner cette situation et je vous ai suggéré de diligenter une enquête de l'IGAS sur les besoins en soins de cardiologie du bassin de Montluçon. Malgré une lettre de relance du 18 mars, j'attends toujours la réponse.
Quant à la jeune cardiologue en question, je crois savoir qu'elle a pu retrouver un titre de séjour parfaitement légal ainsi que son statut de praticien hospitalier associé… mais dans un grand hôpital de la région parisienne.
Voilà qui illustre bien l'inégalité des territoires devant l'accès aux soins. Or cette loi ne règle manifestement pas le problème, surtout si l'on tient compte de l'absence scandaleuse de coordination des politiques publiques de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle le parti socialiste appelle à une politique hospitalière renouvelée et volontariste qui s'articule autour de trois exigences : réaffirmer les missions de service public de l'hôpital ; recentrer l'hôpital sur ses missions essentielles ; améliorer le dialogue social avec l'ensemble des personnels hospitaliers.
C'est autour de ces axes qu'il faut reconstruire une politique hospitalière, après les dégâts que la loi HSPT aura faits, notamment dans les établissements de taille moyenne. Il est illusoire de vouloir enrayer la désertification de certains de nos territoires si l'on n'assure pas la survie des centres hospitaliers qu'y s'y trouvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)