Toutefois, notre système de santé connaît des fragilités croissantes : fragilités sanitaires, fragilités sociales et territoriales, fragilités financières. C'est pour cela, qu'une profonde réforme était nécessaire. Elle était attendue par bon nombre de nos concitoyens et par les acteurs de terrain, qu'ils soient professionnels de santé ou simples usagers.
La loi HPST a apporté des réponses fortes à ces inquiétudes et, conformément à l'article 145-7 de notre règlement, j'ai présenté mardi dernier avec notre collègue Christian Paul un rapport devant la commission des affaires sociales dressant le bilan de son application.
Ce document est le fruit de nombreuses auditions d'acteurs de la santé, qui ont pu nous rendre compte des effets, sur le terrain, des dispositions votées. Le rapport n'est pas uniquement un bilan qualitatif de la loi – ce serait en effet largement prématuré, les ARS ayant été mises en place il y a seulement quelques mois et les structures de la nouvelle gouvernance de l'hôpital public venant de se constituer.
Il s'agissait en premier lieu de vérifier que les mesures réglementaires nécessaires pour l'application de la loi votée par le Parlement avaient bel et bien été prises. Je vous rappelle que ce projet de loi comportait 33 articles lorsqu'il a été déposé sur le bureau de notre Assemblée, et que la loi promulguée en compte 135 ; que pas moins de 2 140 d'amendements ont été déposés sur ce texte en commission et que notre assemblée en a adopté 523, soit plus du quart, provenant de tous les bancs de notre hémicycle.
Il n'est donc pas surprenant que la mise en application de cette loi ait constitué une entreprise considérable pour les administrations concernées, et ce pour deux raisons : d'une part, du fait du nombre de textes réglementaires auxquels la loi renvoie ou que le Gouvernement a jugé nécessaires à son application ; d'autre part, du fait de l'ampleur des restructurations administratives prévues par la loi, notamment avec la création des agences régionales de santé.
En ce qui concerne le bilan statistique, 161 décrets en Conseil d'État étaient attendus, dont 112 ont été publiés ; 79 décrets simples étaient nécessaires, dont 42 ont été publiés.
Au final, le jugement, technique sur le travail d'application de la loi est donc partagé : plutôt positif sur les titres I et IV, d'autant que le travail était particulièrement important ; beaucoup plus réservé s'agissant du titre III mais surtout du titre II.
Au-delà de ce bilan statistique, je souhaiterais apporter quelques appréciations personnelles sur trois enjeux particuliers de la loi : la mise en place des ARS, la démographie médicale et le statut des établissements de santé.
Mon premier point concerne la contribution de la loi HPST à la réforme de la gouvernance territoriale de notre système de santé, notamment par l'institution des agences régionales de santé. Ces agences ont pu être comparées à un « mécano technocratique », pourtant elles simplifient réellement la gouvernance du système de santé, qui était à bout de souffle à force de cloisonnements et d'enchevêtrement des responsabilités. Les ARS se substituent à une dizaine d'organismes et réunissent les forces de l'État et de l'assurance maladie. En unifiant le pilotage du système de santé, elles le rendent à la fois plus simple et plus efficace.
Tout ce qui a trait à la santé relève de la compétence des ARS : les soins de ville, l'hôpital, le secteur médico-social, la prévention. Pour un pilotage efficace, les ARS sont dotées d'outils nouveaux : elle élaborent un plan d'ensemble de la politique régionale de santé – le projet régional de santé – et peuvent contractualiser avec tous les offreurs de services en santé.
Aucun des acteurs que nous avons auditionnés n'a remis en cause le bien-fondé de ce choix, tant l'enchevêtrement des compétences et des structures dans l'organisation antérieure était critiqué.
L'article 118 a prévu, à l'article L. 1432-1 du code de la santé publique, que les ARS mettent en place des délégations dans les départements. Ni la loi ni ses textes d'application ne réglant la répartition des tâches entre le siège de l'ARS et ces délégations, les agences ont disposé d'une grande autonomie en la matière, et l'organisation retenue varie d'une région à l'autre. S'il est trop tôt pour procéder à une évaluation de ces différents choix d'organisation, il faut souligner qu'en tout état de cause le schéma retenu doit permettre un équilibre dans la répartition des attributions entre les directeurs généraux des ARS et leurs délégués territoriaux.
Mon deuxième point concerne la lancinante question de la démographie médicale. Ce sujet est devenu crucial : c'est en effet aujourd'hui que nous payons le prix d'une gestion mal avisée du numerus clausus dans les années 1980 et 1990. Mais il ne s'agit pas seulement d'un problème d'effectifs : les attentes des médecins ont changé et, quand bien même ils seraient pléthore, ils ne s'installeraient pas seuls, en libéral, au pied de chaque clocher de France et ne travailleraient pas soixante-quinze heures par semaine, plus les gardes.
Faut-il le regretter ? Non. Il faut tenir compte de leurs attentes et leur offrir des conditions d'exercice attractives et répondant aux besoins de la population. C'est ce que fait le texte, qui refonde notre politique d'aménagement de l'offre de soins. Il instaure à cette fin un schéma régional d'organisation des soins ambulatoires – le SROS –, qui ne sera pas opposable mais concentrera les aides et les subventions sur les projets prioritaires. De même, il propose d'aménager l'offre de soins, distinguant entre soins de premier recours et soins spécialisés de second recours, ce qui correspond mieux au parcours des patients que les cloisonnements actuels entre ville et hôpital, généralistes et spécialistes. Il reconnaît aussi la spécificité des généralistes de premier recours, ce qui paraît nécessaire si l'on juge que 40 % des diplômés de médecine générale exercent un autre métier.
Par ailleurs, on sait que les médecins sont d'autant plus enclins à exercer dans une région qu'ils y ont été formés. Déjà, la hausse du numerus clausus bénéficie en priorité à celles où la démographie médicale est la plus faible. Pour aller au bout de cette logique, le texte propose de réorganiser la répartition des postes d'internat suivant la même orientation.
Je voudrais souligner l'apport des maisons de santé dans la lutte contre les déserts médicaux. La loi HPST a élaboré un cadre juridique favorable au développement de nouveaux cadres d'exercice attractifs pour les professionnels de santé, comme les maisons et les pôles de santé.
Depuis plusieurs années, le développement de maisons de santé pluriprofessionnelles est reconnu comme un des principaux éléments de réponse au manque d'attractivité de certains territoires ruraux ou périurbains pour les professionnels de santé, comme au manque d'attractivité de la médecine générale pour les jeunes praticiens.