Le débat aujourd'hui, jour d'élection des présidents des conseils généraux, peut paraître superfétatoire, d'autant qu'il ne conduit ni à un vote ni à une modification. Mais pourquoi pas ?
La loi HPST a été votée en juin 2009. Dix-huit mois après, sur les 240 décrets qui étaient prévus, 154 ont été publiés. C'est déjà beaucoup mais il reste encore de la marge.
Cette loi était très attendue. Elle avait pour but, partagé par tous, d'assurer un excellent système de santé, l'égal accès de tous sur l'ensemble du territoire à des soins de qualité. Elle était donc très ambitieuse et comportait de nombreux articles, 135 au final.
Elle doit être revisitée puisque la proposition de loi Fourcade, votée en première lecture au Sénat, revient sur certaines dispositions pourtant votées, notamment le contrat solidarité.
D'emblée, je voudrais rappeler que la loi HPST ne résolvait pas un problème majeur de notre système de santé, celui de l'équilibre financier. Pourtant, en prolongeant sa durée de vie de quatre années, nous venons de confier à la CADES les déficits, dont celui de 2011. Si nous ne voulons pas recréer des déficits et faire payer à nos enfants et petit-enfants nos propres dépenses, il nous faudra donc, pour 2012, voter une loi en équilibre, gagner sans doute en efficience et, si nous ne voulons pas opérer de transfert vers le reste à charge ou les complémentaires et maintenir le principe de solidarité, prévoir très certainement des recettes supplémentaires.
Il n'est pas possible de revoir en quelques minutes tous les articles, je retiendrai trois points essentiels : la création des ARS ; la définition de la médecine de premier recours avec la répartition des professionnels sur le territoire ; le principe annoncé d'un patron à l'hôpital. Je n'oublie pas cependant le problème important des dépassements d'honoraires. En effet, une chose est d'évoquer l'égal accès de tous à des soins de qualité, encore faut-il qu'ils le soient à tarif opposable, c'est-à-dire remboursables.
La création des ARS tout d'abord. C'est la réforme de la gouvernance de notre système de santé. Les ARS sont effectivement mises en place, les décrets sont sortis. Pour défendre cette idée depuis longtemps, je ne peux que m'en réjouir. Il convenait en effet de revenir sur l'un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médico-social. De plus, le niveau régional est certainement le niveau pertinent pour organiser la santé.
Nous avons donc aujourd'hui, et c'est heureux, un responsable unique de la santé au niveau régional, même si la mise en place n'est pas simple, réunissant des structures et des personnels d'origines diverses et donc de statuts différents.
Mais pourquoi continuons-nous à voter un ONDAM avec des sous-objectifs et donc des enveloppes fléchées, perpétuant ainsi la séparation absurde que nous avons voulu corriger avec la création des ARS ? Quand allons-nous voter des objectifs régionaux, des ORDAM, calculés sur des critères objectifs, car il ne s'agit pas d'aggraver des inégalités, prenant en compte par exemple la mortalité, la morbidité, la richesse des régions, donnant ainsi une réelle liberté aux ARS pour arbitrer et financer, par exemple, les réseaux, les filières, et réaliser la fongibilité que nous souhaitons tous, y compris, semble-t-il, les ARS ?
Un deuxième point mériterait d'être clarifié, celui du rôle de la CNAM qui, aujourd'hui, peut être considérée comme une agence atypique. Quelles sont les relations entre la CNAM et les ARS ? La CNAM, responsable depuis toujours de l'ambulatoire, souhaite intervenir dans la gestion hospitalière, et nous le constatons avec notamment les sanctions financières qu'elle décide. Les ARS ne devraient-elles pas être elles-mêmes responsables de la gestion du risque, du contrôle médical et donc disposer des données de santé et de l'informatique ? Il convient de régler ce problème.
La réforme est, de mon point de vue, je l'ai dénoncé à l'époque, très centralisatrice, jacobine et donc déresponsabilisante. Le comité de pilotage a un rôle important. Une agence nationale n'aurait-elle pas été préférable ? Les conférences régionales de santé ne devraient-elles pas voir leur pouvoir renforcé ? Ne devraient-elles pas se prononcer sur l'offre de soins, l'adéquation entre l'offre et les besoins, et sur les schémas ? Ne devraient-elles pas contrôler l'ARS, l'exécutif régional, et voter les décisions majeures ? Les impliquer dans la gestion ne serait-il pas une façon de responsabiliser les acteurs de santé, de les faire sortir de leur position revendicatrice ? Je souhaite, au nom du groupe Nouveau Centre, renforcer le rôle des conférences régionales et faire en sorte qu'elles s'appuient sur les observatoires régionaux de santé.
Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de la médecine de ville. Certes, la loi HPST a défini la médecine de premier recours. Des mesures ont été votées concernant le contrat solidarité et la déclaration de vacances. La proposition de loi Fourcade doit certes toiletter la loi et revenir sur ces dispositions votées mais non appliqués. Toutefois, les problèmes demeurent et sont loin d'être réglés s'agissant notamment de la démographie des professionnels de santé, de leur répartition sur le territoire, de la permanence des soins et des dépassements d'honoraires.
Concernant la démographie, il convient de redonner du temps médical, de diminuer les tâches administratives, de s'engager vers le transfert de tâches avec la création d'infirmières cliniciennes notamment. Que de timidité ! Que de temps perdu ! Il convient d'aller, comme le prévoit la loi, vers un numerus clausus régional par spécialité, prenant en compte les besoins dans dix ans. Où en est-on ?
Pour la répartition sur le territoire, il faut développer les mesures incitatives, les faire connaître, mettre en place le guichet unique. Suffiront-elles ? Espérons-le ! Il en est ainsi des maisons de santé, à la condition qu'elles reposent sur un vrai projet médical, bâti par les professionnels. Il faut avoir conscience qu'il n'y en aura pas dans chaque commune.
Je voudrais insister sur le problème difficile des dépassements d'honoraires. Que signifie en effet l'accès de tous aux soins, s'ils ne sont pas à tarif remboursable ? Un accord sur le secteur optionnel est intervenu il y a plus de dix-huit mois. Ce n'est pas la panacée ni l'idéal, mais il prévoit d'encadrer les dépassements, les limitant à 50 % pour 30 % de l'activité, pris en charge par les complémentaires. L'accord a été validé par l'UNCAM, l'UNOCAM et les syndicats médicaux mais il n'a été ni appliqué ni validé par le ministre.
Il conviendrait que ce secteur optionnel soit étendu à l'ensemble des spécialistes, notamment aux spécialités cliniques qui sont de loin les plus pénalisées aujourd'hui.
Pensez-vous donc mettre en place le secteur optionnel ? Sinon, comment comptez-vous réguler les dépassements d'honoraires ? Sont-ils d'ailleurs justifiés ? N'est-ce pas à la CCAM clinique de définir leur montant ? Et pourquoi la CCAM technique n'est-elle pas revue régulièrement pour prendre en compte l'évolution des coûts et des charges ? En attendant, dans les établissements, les soins à tarif remboursable ne pourraient-ils faire partie des missions de service public ?
Beaucoup d'autres problèmes mériteraient d'être soulevés, notamment le devis concernant les prothèses dentaires, mais nous y reviendrons dans la proposition de loi Fourcade.
Le troisième volet important de la loi consistait en la mise en place d'un patron à l'hôpital, en supprimant les conseils d'administration et en retirant une part importante du pouvoir aux élus et aux CME. En réalité, le vrai patron de l'hôpital aujourd'hui est l'ARS, qui nomme le directeur, l'évalue, détermine la part variable de sa rémunération et le limoge, le cas échéant.
Il existe un réel malaise chez les professionnels, pas seulement lié à l'intervention de la CNAM et à ses sanctions financières disproportionnées. Il convient de remotiver les professionnels, de redonner un peu de pouvoir aux CME pour qu'elles puissent, par exemple, définir et voter le projet médical, se prononcer sur le budget de l'établissement.
Comptez-vous revoir le statut des praticiens, notamment celui des PU-PH avec leur triple fonction ? Allez-vous développer les contrats et faciliter la mise en place de passerelles avec la médecine libérale ?
Comment intégrer la sectorisation des hôpitaux psychiatriques dans les territoires de santé ? Tandis que la sectorisation a permis d'établir des relations de confiance et des réseaux entre les professionnels, la réforme de l'hospitalisation à la demande d'un tiers exige que l'on conforte cette sectorisation.
La loi HPST est récente, elle se met en place progressivement et tous les décrets ne sont pas encore sortis. Elle n'est pas parfaite et ne résout pas tous les problèmes de santé de notre pays. Elle doit, de notre point de vue, être améliorée. Mais une proposition de loi, dite Fourcade, vient d'être votée au Sénat. Nous l'avons examinée hier en commission, et elle doit, en principe, toiletter la loi HPST.