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Intervention de Christian Paul

Réunion du 29 mars 2011 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul, corapporteur :

Pendant plusieurs mois, Jean-Marie Rolland et moi-même nous sommes livrés à un travail d'un nouveau type qui nous a conduits à surveiller scrupuleusement la mise en oeuvre d'une loi – en l'occurrence la loi HPST.

S'il avait suffi de faire un inventaire notarial des travaux réglementaires, notamment des décrets d'application, nous serions sans doute parvenus à des conclusions identiques. Mais, conformément à l'objectif de la mission de contrôle qui est désormais confiée au Parlement, nous ne nous sommes pas contentés de dresser un bilan quantitatif.

Le problème doit être envisagé plus globalement – et avec une certaine gravité. Le groupe socialiste s'était en son temps exprimé contre le projet de loi HPST, et ce n'est pas parce que nous minimisions les problèmes : nous sommes très conscients de leur gravité, qu'il s'agisse de l'égalité d'accès aux soins, des déserts médicaux, de la gouvernance de l'hôpital ou de la mise en place des agences régionales de santé. Mais il ne s'agit pas de réécrire la loi. Nous aurions pu trouver un accord sur les objectifs, mais nous désapprouvons totalement la très faible concertation qui a entouré la préparation de ce texte et, surtout, son manque d'ambition. En effectuant notre travail d'évaluation sur le terrain, il est apparu que nos inquiétudes étaient parfaitement justifiées.

Faire le bilan de la loi HPST en avril 2011, c'est en quelque sorte faire le bilan de cette législature en matière de politique de santé et d'organisation de l'offre de soins. C'est à ce travail que nous nous sommes livrés.

Si la loi HPST contient quelques outils qui produiront des effets à long terme et auxquels nous pourrions souscrire, ils ne sont pas en mesure d'enrayer la très profonde dégradation, dans nos territoires, de l'offre de soins et du système hospitalier.

En matière de lutte contre les inégalités d'accès aux soins, la loi HPST n'apporte pas de réponse satisfaisante, en dépit de son titre II : « Accès de tous à des soins de qualité ». Cet objectif n'est pas atteint et nous observons une dégradation profonde de la situation.

Je ne reviendrai pas sur les reculades des dernières années en matière d'encadrement des dépassements d'honoraires ou de lutte contre les refus de soins, ni sur la volonté de « délégiférer ». Avant même que la loi HPST soit appliquée, la majorité propose – elle l'a fait au Sénat et le fera peut-être ici même ce soir – de revenir en arrière en supprimant des outils efficaces pour répondre à diverses pressions.

L'échec le plus grave de la loi HPST est qu'elle n'a pas réussi à freiner la progression des déserts médicaux.

En 2008, notre commission avait adopté à l'unanimité le rapport d'information de notre collègue Marc Bernier, député de la majorité. Ce rapport contenait un certain nombre de propositions, qui ne sont que très peu reprises dans la loi HPST. Si l'article 36 de la loi définit les soins de premier recours et les missions du médecin généraliste, la portée de ses dispositions est quasiment inexistante. Nous avons appris au cours de nos auditions que 50 % seulement des contrats d'engagement de service public – il s'agit de bourses d'études assorties d'une obligation d'exercice en zone déficitaire – sont pourvus. Quant au contrat santé solidarité issu d'un amendement de notre collègue M. Rolland et que vous allez nous proposer dans quelques heures d'abroger, il n'a jamais été mis en oeuvre. Je le regrette, tout en sachant que ce n'est pas une mesure miracle. Il aurait été courageux d'aller au bout de la démarche consistant à ce que les médecins installés en zone dense puissent exercer quelques années dans les zones « sous-dotées ». Cette mesure non plus, qui n'est pourtant pas révolutionnaire, n'a pas été appliquée.

Je donne toutefois acte au Gouvernement – dans un débat de ce type, il est important de faire preuve de la plus grande objectivité – que les dispositions relatives à la filière universitaire de médecine générale représentent un réel progrès et auront sans aucun doute des effets positifs dans une dizaine d'années.

En auditionnant les professionnels, nous avons eu le sentiment que cette législature n'a rien apporté – je le regrette car je suis confronté quotidiennement à des problèmes liés à la mauvaise répartition des médecins sur le territoire. Notre pays a perdu cinq années, dans un domaine dont tout le monde – la majorité comme l'opposition – reconnaît qu'il nécessite des mesures d'urgence.

Le groupe SRC a fait des propositions très claires sur le sujet. Pour nous, la liberté d'installation n'est plus un tabou. Nous ne défendons pas des mesures coercitives, mais des mesures de régulation. La loi HPST ne prévoyait pas le plafonnement des installations dans les zones denses – ce qui pourrait être confié aux ARS, par le biais des schémas régionaux d'organisation des soins ambulatoires – et n'allait pas assez loin dans la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires et des centres de santé. Nous sommes en désaccord avec la majorité sur le fond, et le bilan de l'application de la loi nous conforte dans l'idée qu'aujourd'hui, et plus encore qu'en 2007, il est indispensable d'agir.

En ce qui concerne l'hôpital public, la loi HPST avait été annoncée comme un véritable big bang en matière d'organisation et d'efficience médico-économique. Manifestement, le big bang n'a pas eu lieu : le système hospitalier se trouve toujours dans une situation de crise aiguë. Et, si les nouveaux outils de gouvernance sont mis en place sur le papier sans difficultés apparentes, leur mise en oeuvre sur le terrain déstabilise toujours les professionnels médicaux et paramédicaux et nourrit le malaise profond du système hospitalier. On peut difficilement demander aux professionnels de réfléchir à une évolution qualitative de leur profession et leur proposer essentiellement des mesures de gestion de pénurie budgétaire ! Les directeurs d'hôpital ont été promus managers et, depuis plusieurs semaines, ils sont soumis à des indicateurs de performance fondés essentiellement sur leur capacité à réaliser des économies budgétaires. Après l'application brutale de la tarification à l'activité (T2A), qui avait profondément transformé l'hôpital public, ils ressentent cela comme une double peine.

En ce qui concerne l'hôpital public et sa gouvernance, de plus en plus calquée sur celle du secteur privé, des évolutions essentielles comme la coopération hospitalière, présentée comme une solution miracle, semblent marquer le pas ; quant à la démocratie sanitaire, très attendue par les associations, locales et nationales, nous avons le sentiment que la loi HPST ne l'a pas fait progresser.

Enfin, nous ne contestons pas le bien-fondé des agences régionales de santé, mais leur première année de fonctionnement a donné lieu à un interminable meccano administratif, ce qui a nui à la mise en place des politiques publiques. Les équipes qui forment les agences régionales de santé ont établi leurs feuilles de route en matière de prévention, de politique d'éducation thérapeutique ou de SROS ambulatoire, mais les résultats ne sont pas mesurables.

Les directeurs des agences sont désormais soumis à des indicateurs de résultats, et nous souhaitons vous entendre sur ce point, monsieur le ministre. Les performances quantitatives que vous voulez appliquer aux directeurs généraux des agences et aux directeurs des hôpitaux sont-elles la meilleure manière de piloter la transformation du système hospitalier ? Le groupe SRC ne le pense pas.

Nous avons procédé à l'évaluation du travail réglementaire avec la plus grande précision, mais il était de mon devoir d'alerter notre commission sur la situation réelle sur le terrain. L'application de la loi HPST est très en retard. L'absence d'ambition initiale se retrouve dans ce faux-plat interminable qui affecte l'ensemble des dossiers, notamment la lutte contre les déserts médicaux.

Vous l'aurez compris, je porte sur la mise en oeuvre de la loi HPST une appréciation extrêmement critique.

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