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Intervention de Jean-Marie Rolland

Réunion du 29 mars 2011 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Rolland, corapporteur :

Nous sommes réunis aujourd'hui pour dresser un premier bilan de l'application de la loi dite HPST, qui a occupé notre commission pendant de longues semaines au cours du premier trimestre 2009. Il ne s'agit pas d'un bilan qualitatif de la loi : celui-ci serait très prématuré puisque les agences régionales de santé ne sont mises en place que depuis à peine un an et que les structures de la nouvelle gouvernance de l'hôpital public viennent seulement d'être constituées.

L'objectif de ce rapport, plus modeste, est de vérifier que les mesures réglementaires nécessaires pour l'application de la loi votée par le Parlement ont bien été prises – ce qui ne nous empêche pas d'émettre des jugements sur les choix qui ont présidé à tel ou tel dispositif réglementaire. Conformément à l'article 145-7 du Règlement, notre rapport fait état de la publication des textes réglementaires et des circulaires nécessaires à la mise en oeuvre de ladite loi ainsi que des dispositions qui n'auraient pas fait l'objet des textes d'application nécessaires. Une partie de notre bilan a donc un caractère notarial.

Initialement composé de 33 articles, le projet de loi HPST s'est considérablement enrichi puisque, à la fin de la longue discussion parlementaire qui a conduit à son adoption, il était constitué de 135 articles.

Un important travail réglementaire était nécessaire pour mettre en oeuvre les nombreuses dispositions du texte : sur les 161 décrets en Conseil d'État attendus, 112 ont été publiés, et 42 décrets simples sur les 79 attendus.

Le taux de publication de l'ensemble des mesures réglementaires d'application, hors ordonnances et arrêtés, est de 64 %, mais il cache de grandes disparités. Si les titres Ier et IV, relatifs à la modernisation des établissements de santé et à l'organisation territoriale du système de santé, connaissent des taux de publication supérieurs à 80 %, les titres II « Accès de tous à des soins de qualité » et III « Prévention et santé publique » ont des taux de publication plus faibles, respectivement de 40 et 54 %.

Le jugement technique que nous portons sur l'application de la loi est donc partagé. S'il est positif sur les titres Ier et IV, il est beaucoup plus réservé s'agissant du titre III et, surtout, du titre II. J'espère que le Gouvernement nous apportera des explications sur ces retards et pourra nous indiquer les dates de publication prévues.

Au-delà de ce bilan statistique, je souhaite vous livrer quelques appréciations personnelles sur trois enjeux particuliers de la loi que sont la formation des médecins généralistes, la démographie médicale et le statut des établissements de santé.

Je commencerai par saluer la contribution de la loi HPST à la revalorisation de la médecine générale et à l'essor de la filière universitaire. Crise des vocations, identité professionnelle en mutation, difficultés à trouver des remplaçants, burn out des praticiens, relations complexes avec les caisses d'assurance maladie : les signes d'une véritable crise de la médecine générale ne manquaient pas lorsque nous avons abordé l'examen du projet de loi HPST. Il n'existe pas de solution miracle à cette crise profonde, liée à l'évolution des pratiques professionnelles, à la démographie médicale et à des changements sociaux importants qui modifient la place du médecin dans notre société.

Le législateur a apporté une large contribution au traitement des difficultés de la profession à travers trois mesures principales, dont la mise en oeuvre marque une nouvelle étape dans la revalorisation de la médecine générale.

Il a tout d'abord défini de façon légale, claire et positive la médecine générale, dite de premier recours, pour la distinguer des modes d'exercice particuliers ; il a également ouvert la voie à une recomposition profonde des structures d'exercice de la médecine générale en établissant un cadre légal favorisant le développement des maisons de santé et des pôles de santé et en confiant aux agences régionales de santé (ARS) la mission d'en organiser le déploiement, en lien avec les collectivités territoriales ; il a enfin apporté une contribution que l'on pourrait qualifier de volontariste à l'essor de la filière universitaire de médecine générale en fixant des objectifs quantifiés en matière de créations de postes d'enseignant de médecine générale.

Les deux premières mesures ne produiront des effets visibles qu'à moyen ou à long terme, lorsque les ARS auront mis en oeuvre des politiques territorialisées d'aménagement de l'offre de soins et que nous disposerons du recul nécessaire pour en apprécier le bilan. Il apparaît que la structuration et la consolidation de l'offre de soins en médecine générale sont bien identifiées par les agences comme une priorité.

La médecine générale a été reconnue comme une spécialité à part entière en 2002 et l'internat a été créé en 2004, mais il a fallu attendre 2008 pour que soit institué un corps d'enseignants titulaires, indispensables au fonctionnement de la filière. Avec la loi HPST, les pouvoirs publics se sont donné les moyens de développer ce corps à la mesure de l'enjeu que constitue pour notre système de santé la formation des médecins généralistes de demain. Il ressort de nos travaux que la mise en application des dispositions correspondantes de la loi est satisfaisante et que celles-ci ont donné une véritable impulsion au développement de la filière universitaire de médecine générale.

En ce qui concerne la démographie médicale, la situation est assez paradoxale. La France n'a jamais eu autant de médecins que depuis quelques années mais, parallèlement, les déserts médicaux n'ont cessé de se développer. Les difficultés actuelles tiennent plus à la répartition des médecins sur le territoire qu'à leur nombre, et la baisse prochaine de leurs effectifs, conséquence d'une mauvaise gestion du numerus clausus des études médicales dans les années 1990, ne pourra que les aggraver si aucune mesure corrective n'est prise.

Pour agir sur la répartition de l'offre de soins, trois catégories de mesures sont envisageables : des mesures strictement incitatives, respectant le principe de la liberté d'installation des praticiens libéraux ; des mesures « désincitatives », consistant à mettre à contribution les médecins des zones très denses en matière d'offre de soins, pour répondre aux besoins de santé des zones moins favorisées ; enfin, des règles contraignantes d'installation pour les médecins, à l'image de celles mises en place pour les pharmaciens.

La stratégie qui sous-tend la loi HPST privilégie clairement le premier type de mesures. Elle a ainsi mis en place un dispositif de bourses d'études assorti de l'obligation de s'installer dans une zone déficitaire ; elle a également régionalisé l'internat pour former les futurs médecins au plus près des territoires qui ont le plus besoin d'eux ; enfin, elle a fait de la régulation de la démographie médicale une priorité assignée aux agences régionales de santé.

La loi a également diversifié les outils mis à la disposition des agences. Ainsi, à partir de 2013 – et seulement en cas d'échec des mesures incitatives –, les agences pourront, dans le cadre de « contrats santé solidarité » et à partir d'une évaluation concertée des besoins de chaque territoire, proposer aux médecins des zones « sur-dotées » de prêter main-forte à leurs confrères des zones déficitaires ou, s'ils refusent, de verser une contribution, destinée à abonder les fonds destinés à financer la pratique professionnelle des médecins installés en zones déficitaires.

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas mettre en application les contrats santé solidarité. Il faut souhaiter que les autres mesures prévues par la loi HPST suffiront à résoudre les difficultés actuelles. Si tel n'est pas le cas, il est à craindre que les pouvoirs publics n'auront d'autre choix, pour garantir à nos concitoyens la protection de la santé que la Constitution leur garantit, que celui de recourir à des mesures contraignantes, qui seront bien plus difficiles à accepter par la profession.

La loi HPST a profondément modifié le statut, la gouvernance et les missions des établissements de santé – c'est l'objet du titre Ier. Le projet déposé sur le bureau de l'Assemblée prévoyait de ne plus distinguer que deux catégories d'établissements de santé selon qu'ils étaient publics ou privés, ce qui plaçait dans la même catégorie légale les cliniques à but lucratif et les établissements à but non lucratif, qui constituaient auparavant la catégorie des établissements privés participant au service public hospitalier (hôpitaux PSPH). L'Assemblée a souhaité rétablir une catégorie légale spécifique pour ces établissements, désormais désignés sous le nom d'établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC).

Il ressort des auditions que nous avons conduites, Christian Paul et moi-même, que la spécificité des ESPIC n'a pas toujours été suffisamment prise en compte dans l'élaboration des décrets d'application, notamment en ce qui concerne l'organisation financière et l'investissement immobilier des établissements de santé, les possibilités de détachement de praticiens hospitaliers et les groupements de coopération sanitaire. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur ce point.

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