Ces pays adhéreront non dans six mois ou huit mois mais quand ils seront prêts.
À l'instar de M. Calméjane, je ne souhaite pas qu'il y ait d'ambiguïté sur le fait que la Roumanie et la Bulgarie consentent d'importants efforts pour investir dans du matériel de protection, pour améliorer le travail de leurs douaniers, pour lutter contre la corruption. Reste que ces efforts ne valent pas résultats face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. La bonne volonté ne nous intéresse pas seule, mais le résultat atteint doit nous permettre d'assurer à nos compatriotes que telle frontière sera tenue et contrôlée correctement par rapport aux standards que nous sommes en droit d'exiger à propos d'une frontière européenne qui est aussi notre frontière.
Où en sommes-nous ?
Nous ne devons pas perdre de vue que la Bulgarie, dans le cadre des évaluations du dispositif Schengen, n'est pas prête, même si la situation peut évoluer dans les semaines à venir. La Roumanie non plus n'est pas prête. En effet, il ne s'agit pas d'une question bulgare, d'un côté, et d'une question roumaine, de l'autre, mais d'une question roumano-bulgare : les deux pays ont parties et destins liés. Même dans l'hypothèse d'une approche restrictive, purement juridique, de l'espace Schengen, nous ne pouvons pas considérer que la Bulgarie est prête.
J'en viens à la vraie question que vous avez traitée avec un ton fort pondéré, celle des critères.
En effet les critères actuels présentent des lacunes sur lesquelles nous ne pouvons pas fermer les yeux. Ils consistent, par exemple, à se demander combien on compte de caméras, de douaniers à la frontière, à s'interroger sur le fait de savoir si le matériel y est bien présent comme ces 4x4 destinés à en assurer la protection. Quand cela est le cas, encore faut-il qu'existe un système à même de garantir l'absence de corruption, d'assurer l'efficacité du lien entre les douaniers et l'appareil judiciaire et de promettre la plus grande transparence, faute de quoi les critères purement physiques ne sont qu'artificiels. Ce n'est pas l'obligation de moyens qui nous intéresse mais l'obligation de résultats quand il s'agit d'une question aussi importante que nos frontières.
Or il faut bien admettre que, de ce point de vue, les choses ne sont pas faciles. Sur un plan strictement juridique, les critères de Schengen sont en effet susceptibles, à terme, d'être remplis par ces deux pays. Vous voyez-vous pour autant vous présenter devant vos compatriotes pour leur expliquer qu'à l'issue des évaluations menées dans le cadre, notamment, du mécanisme de coopération et de vérification – le mécanisme MCV – une importante corruption persiste en Roumanie et en Bulgarie mais que l'on va tout de même fermer les yeux sous prétexte que les critères purement juridiques de l'espace Schengen sont remplis ? Autrement dit, parce que la serrure fonctionne, il ne faudrait pas prendre en compte la fenêtre brisée.
En notre âme et conscience, nous ne pouvons pas cautionner une telle attitude. Il est vrai que cela reste difficile à expliquer et nécessite une grande attention de notre part vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie. Il convient en effet de les convaincre que, au regard de leur situation, le mécanisme de Schengen n'est sans doute pas suffisant pour garantir la surveillance de nos frontières, surveillance que nous sommes en droit d'attendre.
Ce n'est pas parce que nous avons commis des erreurs par le passé, parce que nous nous apercevons qu'un traité est lacunaire, qu'il faut persister dans ce sens. Profitons au contraire du cas qui nous est soumis pour corriger nos erreurs, pour resserrer les mailles du filet et améliorer la protection européenne de nos frontières résolument européenne, monsieur Dupont-Aignan.
La France n'est pas seule à défendre cette position. M. Calméjane a rappelé que l'Allemagne, la Finlande, la Norvège, les Pays-Bas nous soutenaient, ainsi que d'autres pays très attentifs à cette question, comme l'Autriche, qui ne se sont pas manifestés officiellement.
Chacun doit prendre ses responsabilités. Nous avons pris les nôtres. Nous appelons de nos voeux une solution grâce à laquelle nous évaluerons ensemble les difficultés. Les pays que j'ai cités plaident pour un travail collectif consistant à examiner tous les problèmes, qu'il s'agisse du caractère trop artificiel des critères de Schengen ou du mécanisme de coopération et de vérification dont certains ne veulent pas.
Nous devons évaluer précisément, avec des critères objectifs, les difficultés auxquelles nous nous heurtons. Quelles garanties sont-elles apportées pour la protection des données de la base d'informations Schengen ? Imaginez un instant que la criminalité organisée mette la main sur cette base de données hautement confidentielles et fondamentales pour la sécurité européenne…