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Intervention de Rudy Salles

Réunion du 23 mars 2011 à 21h30
Débat sur l'actualité de l' espace schengen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 juin 1985, cinq États membres de la Communauté européenne, la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, s'accordaient, en signant les premiers accords de Schengen, à donner enfin une signification à la notion de libre circulation des personnes en Europe. Conscients, aux termes de l'accord lui-même, que l'Union sans cesse plus étroite des peuples des États membres des Communautés européennes devait trouver son expression dans le libre franchissement des frontières intérieures, et soucieux d'affermir la solidarité entre leurs peuples, ces cinq États décidaient alors de lever les obstacles à la libre circulation des personnes à leurs frontières communes.

Plus de vingt-cinq ans après la signature de ces accords, l'espace Schengen, progressivement élargi, demeure sans doute l'un des acquis à la fois les plus symboliques et les plus spectaculaires, l'un des succès historiques de la construction européenne, indissociable de la marche vers une véritable citoyenneté européenne.

Pour autant, si l'abolition des frontières intérieures demeure incontestablement la traduction la plus concrète pour bon nombre de nos concitoyens des accords de Schengen, le véritable défi que se sont, par ces accords, lancés les États européens réside bel et bien dans la constitution et la consolidation d'une frontière extérieure unique. Adhérer à Schengen signifie ainsi, pour tout État, de s'engager avec d'autres dans une démarche de confiance réciproque en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures, une prérogative historiquement des plus régaliennes. La France fait ainsi confiance à ses partenaires pour surveiller et contrôler les frontières extérieures dont ils ont la charge, de même que nos partenaires nous font confiance pour surveiller notre frontière maritime en Méditerranée ainsi que nos aéroports.

Trop longtemps, pourtant, Schengen est resté, malgré les importants efforts consentis par les États pour coordonner et mettre à niveau la surveillance de leurs frontières, un édifice bancal ou, en tout état de cause, incomplet. Manquait ainsi ce qui semblait pourtant aller de soi : la mise en place au sein de l'espace Schengen d'une véritable politique migratoire commune et concertée.

L'élargissement progressif de ces accords à de nouveaux membres n'a fait que renforcer la prégnance de cette question. Après l'Espagne, notamment ses enclaves de Ceuta et Melilla, ce sont ainsi Malte ou encore les pays d'Europe centrale ayant rejoint Schengen consécutivement à l'élargissement de 2004 qui ont été confrontés à une pression migratoire à laquelle ils n'avaient sans doute pas totalement été préparés. Pire, ces États avaient à supporter des appels d'air migratoires déclenchés par d'autres États lorsque ceux-ci décidaient, par exemple, de procéder à une vague de régularisation sans qu'aucun mécanisme de concertation soit prévu pour cette matière demeurée une compétence strictement nationale.

De fait, l'Europe souffrait, tant dans l'organisation d'une migration légale que dans la lutte contre les réseaux clandestins, d'un manque criant de cohérence qui ne pouvait qu'amener de l'eau au moulin de tout ce que notre classe politique compte d'eurosceptiques. Pourtant, et nous n'avions eu de cesse de le déplorer, de longues années ont dû passer pour que, à force de vaines incantations à la solidarité entre États membres, les esprits évoluent et pour que l'Europe se dote enfin en la matière d'une véritable stratégie commune.

Dans la foulée du pacte européen pour l'immigration et l'asile, adopté sous présidence française à l'unanimité des États membres, les institutions communautaires, Parlement et Conseil, ont adopté, entre décembre 2008 et juin 2009, trois directives – « Retour », « Carte bleue européenne » et « Sanctions » – qui constituent aujourd'hui l'embryon d'une politique véritablement commune tant en matière d'accueil des étrangers qualifiés que de lutte contre le travail illégal ou de reconduite des migrants en situation irrégulière. À ce titre, je veux rappeler, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, notre attachement à ce que l'Europe poursuive sa montée en puissance sur cette question, car il en va bien de la viabilité de l'espace Schengen lui-même.

Pour autant, la question qui demeure actuellement dans tous les esprits, dès lors qu'il est fait mention de l'espace Schengen, tient, il faut bien le reconnaître, davantage à son élargissement qu'à son approfondissement dans la mesure où il appartenait, lors du conseil « justice et affaires intérieures » du 24 février dernier, aux États membres de se prononcer sur l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans Schengen. Sur ce sujet, la communauté de destin qui nous lie désormais aux membres de l'Union européenne pose l'exigence d'un dialogue franc et sincère avec l'ensemble de nos partenaires. C'est pourquoi je veux saluer l'équilibre des termes trouvés par la résolution adoptée, voici quelques semaines, à ce sujet par notre commission des affaires européennes.

Il est, dans ce débat, un point qui ne saurait souffrir d'aucun malentendu : la Bulgarie et la Roumanie ont bel et bien vocation à intégrer l'espace Schengen. Les traités ne laissent, du reste, aucun doute à ce sujet. Si personne ici n'ignore les efforts consentis depuis de nombreuses années par les autorités roumaines et bulgares pour mettre leurs procédures au niveau des standards européens, il importe également de mesurer l'ampleur immense des défis qui se présenteront à ces États dès lors qu'ils auront rejoint l'espace Schengen.

Non contents d'avoir la charge de la frontière de l'Union avec la zone des Balkans occidentaux, ceux-ci devront également veiller à l'étanchéité de notre frontière sur la mer Noire et, si la Roumanie est appelée à devenir, après la Finlande, l'État ayant la charge de la plus grande frontière extérieure de l'Union, la Bulgarie aura, pour sa part, la mission de veiller à sa frontière terrestre avec la Turquie, laquelle semble encore, à ce jour, insuffisamment consolidée.

C'est pourquoi un élargissement précipité, sur la base de considérations politiques, ne peut être considéré comme une option satisfaisante. À cet égard, quand bien même il s'agirait d'une procédure inédite, il importe de tenir compte des résultats du mécanisme de coopération et de vérification mis en place au moment de l'élargissement de 2007, car la sécurité de l'espace Schengen est et doit rester notre première priorité.

C'est avec la volonté de consolider l'Europe que nous le disons du haut de cette tribune. Pour autant, cela doit être bien compris de part et d'autre. J'étais, il y a quelques semaines, en Roumanie, où j'ai rencontré, avec le président de la délégation française au Conseil de l'Europe, notre ami Jean-Claude Mignon, les plus hauts responsables politiques roumains, notamment le ministre des affaires étrangères et le Premier ministre. La position française et celle des autres pays européens qui partagent notre approche a parfois été mal comprise.

Je rappelle que la Roumanie est un pays ami de la France, où la francophonie est très fortement implantée et où les entreprises françaises sont omniprésentes. Nous avons contribué à dissiper les malentendus et à rappeler que les liens qui unissent nos deux pays ne se sont nullement distendus. Pour autant, nous avons expliqué à nos interlocuteurs roumains que chacun devait écouter et comprendre l'autre.

Les Européens convaincus que nous sommes ne doivent prendre aucun risque qui pourrait affaiblir la construction européenne. Il faut donc faire preuve de pédagogie afin que notre position, si elle est bien comprise par l'opinion publique française, le soit également par nos amis roumains. Les autorités de ce pays ont effectué de gros efforts pour répondre aux critères techniques qu'impose l'entrée dans l'espace Schengen. Néanmoins, la réussite de Schengen ne tient pas seulement dans la technique, elle repose aussi sur les hommes. Or la police des frontières de ces pays n'est pas prête à assumer aujourd'hui la responsabilité du contrôle des frontières de l'Europe. Il faut donc bien le faire comprendre aux autorités de la Roumanie et de la Bulgarie, afin de leur permettre de progresser le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Dans la situation actuelle, les députés du Nouveau Centre, s'ils mesurent l'attente et les efforts consentis par nos partenaires roumains et bulgares en direction de l'adhésion à l'espace Schengen, n'en soutiennent pas moins la décision prise le 24 février dernier par le conseil « justice et affaires intérieures », considérant que, en matière de contrôle de nos frontières, nous ne saurions prendre aucun risque. C'est pourquoi nous voterons favorablement la proposition de résolution européenne qui nous a été présentée.

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