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Intervention de Jean-Luc Pérat

Réunion du 22 mars 2011 à 21h30
Organisation du championnat d'europe de football de l'uefa en 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Pérat :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de l'UEFA en 2016 nous surprend et nous inquiète.

L'Euro 2016 est pour vous l'occasion de prévoir des dérogations au droit existant et, encore plus grave, des transferts de charges vers les collectivités territoriales, au risque de réduire, voire d'annuler, des investissements dans des domaines sportifs moins médiatisés. L'UEFA a mis la barre très haut, avec des exigences techniques particulièrement démesurées. Ainsi, toutes les villes pressenties devront engager des dépenses conséquentes, qui pénaliseront leur développement.

Cette proposition de loi lancée dans l'urgence nous inquiète. Elle confirme encore une fois le retard pris depuis plusieurs années par notre pays en matière de sport en général, et pour l'organisation du championnat d'Europe de football 2016 en particulier. Malgré les nombreuses demandes, malgré les nombreuses relances, malgré les nombreuses mobilisations pour obtenir de l'État un budget spécifique destiné à accompagner un financement conséquent des villes en vue de l'Euro 2016, force est de constater que le Gouvernement est aux abonnés absents.

Que dire, en effet, de ces 153 millions d'euros, rapporté au 1,7 milliard d'investissement nécessaire ? Je vous laisse le soin d'apprécier, mais j'ai un avis personnel et mon sentiment est critique.

Est-il normal que cette manifestation européenne soit soutenue à un tel niveau par les collectivités territoriales ? L'enjeu, je le conçois, est important pour l'image de la France. Nous en sommes conscients. Cependant pourquoi ne pas se donner les moyens de ses ambitions ? La collaboration, la contribution financière sont logiques à mes yeux, et même indispensables ; mais pas à un tel niveau !

Ce qui me préoccupe tout particulièrement, c'est la façon dont vous vous défaussez sur les collectivités. Celles qui s'engageront dans le processus de financement, de construction, de rénovation des stades et des équipements connexes hypothéqueront des projets structurants, qui seront retardés ou ne verront pas le jour. Ces hyper-structures indispensables à la renommée sportive française ne doivent pas handicaper l'aménagement de territoires peu ou pas équipés.

Ces structures seront-elles viables, d'ailleurs, à court et à long terme ?

Plusieurs d'entre nous reprendront les recommandations de la Cour des comptes, car cela nous paraît capital. Cette dernière conseille en effet de « faire preuve de prudence dans l'appréhension de l'économie globale de la construction d'équipements dont la rentabilité n'apparaît pas nécessairement sur la durée de vie prévisible de l'investissement. » Ces recommandations demeurent le socle d'analyse de la prise de risque. Qui, en effet, prend les risques ?

Malheureusement, nous constatons que cette proposition de loi encourage la privatisation des profits tout en maintenant la mutualisation du risque et de la dépense publique.

Aujourd'hui encore, le bail emphytéotique administratif est contraignant pour le partenaire privé, car celui-ci assure seul l'exploitation. Dans le cas d'un stade, le club supporte à la fois le risque d'exploitation et celui lié à la construction, puisqu'il assure la maîtrise d'ouvrage, la commande et le suivi des travaux. L'intérêt d'un tel bail, c'est l'équilibre financier.

Demain, si cette proposition de loi est adoptée, on dérogera à ce principe en supprimant les inconvénients pour le privé d'un tel partenariat, tout en lui en laissant les avantages. Ce sera alors la collectivité publique qui devra supporter le déséquilibre financier du contrat induit par cette modification de la législation. Les profits seront privés ; les pertes seront à la charge de la collectivité.

Cette proposition de loi crée des exceptions qui concernent ce que l'on peut appeler le sport-business. Où est, encore une fois, l'intérêt général ? Elle organise un véritable régime d'exception, avec la possibilité pour un opérateur privé de bénéficier de subventions publiques et de contourner le juge administratif en cas de litige.

Notre débat se tient dans un contexte de réduction des dépenses publiques à destination du sport, et de crise du football. Les clubs professionnels sont dans le rouge ; les principales ressources, venues des transferts, des sponsors, des droits télé, sont en baisse, et les paris sportifs ne sont pas le paradis dont certains rêvaient.

Le Gouvernement organise la privatisation des stades en minimisant sa contribution et en sollicitant les collectivités territoriales. Le stade ne sera plus qu'une usine à fric animée par des agences de marketing, qui iront jusqu'à vendre son nom au plus offrant.

Ce championnat d'Europe 2016 provoquera certainement un engouement national ; nous n'en avons pas moins de grandes réserves vis-à-vis de cette proposition de loi qui prévoit pour le financement de l'Euro 2016 une inquiétante exception, laquelle risque de devenir ensuite une règle générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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