En supprimant l'article 1511-2 du code général des collectivités territoriales, vous éliminez le contrôle par la région du versement des aides économiques par les communes et les départements pour les sociétés sportives. En réalité, votre discours diffère lorsqu'il s'agit des hommes et des femmes qui vivent de leur travail et lorsque les intérêts de quelques financiers sont en jeu.
Enfin, parlons d'Europe.
Nous avons tous ici, à part quelques-uns peut-être, contribué à faire reconnaître l'exception sportive dès le traité de Nice. Nous avons fondé cette exigence en soulignant que le sport ne relevait pas des logiques marchandes, mais d'un droit. J'espère, madame la ministre, que la Commission européenne ne reviendra pas sur cette spécificité en prenant appui sur la loi que vous voulez nous faire adopter ce soir. Elle pourrait en effet considérer que ce régime d'aide est contraire aux règles les plus élémentaires du droit de la concurrence – que vous défendez – car vous accordez un avantage concurrentiel majeur à certaines sociétés sportives uniquement.
L'article 3 couronne cet édifice dérogatoire. À ce régime de circonstance, vous ajoutez une justice de circonstance. Vous proposez que les collectivités territoriales puissent s'accorder avec les sociétés sportives sur la composition d'un tribunal ad hoc qui démêlera leurs différends. Vous proposez qu'elles puissent fixer elles-mêmes les règles de résolution des conflits et, de surcroît, qu'elles puissent s'arranger à l'amiable.
Cela est source de bien des dangers car, pour que les stades sortent bien de terre avant 2016, il y a fort à parier que ni le club ni la collectivité territoriale ne feront appel de la décision du tribunal arbitral en cas de désaccord. L'intérêt de la puissance publique peut passer au second plan, ce que ne laisserait pas faire un tribunal administratif. C'est d'ailleurs un principe général de notre droit inscrit dans le code civil que de ne pas compromettre quand de l'argent public est en jeu.
En 2007, le rapport du conseiller d'État Labetoulle remis au garde des sceaux indiquait que si l'arbitrage venait à être autorisé pour les personnes publiques, il devrait être encadré par des règles spécifiques. L'arbitrage est très répandu dans le monde de la FIFA, dites-vous, madame la ministre. Cependant la FIFA n'est pas l'État, les responsabilités ne sont pas les mêmes.
Vous allez sans doute me dire, monsieur le rapporteur, que cette loi est inévitable car, maintenant, on ne peut plus faire autrement, d'où l'urgence. Mais enfin, mesurons les conséquences de l'adoption d'une telle loi et la jurisprudence politique qu'elle peut créer !
L'argent privé va-t-il devenir le seul recours en matière d'infrastructures sportives ? Puisque parler de la construction d'équipements, c'est parler d'avenir, quelles alternatives avons-nous ? Débattons-en donc.
Je pense qu'il faut remettre le problème à l'endroit et se poser d'abord la question de nos objectifs en matière sportive avant d'aborder celle des moyens.
Le sport et les activités physiques, parce qu'ils participent à la construction personnelle et à l'épanouissement des individus, parce qu'ils constituent des éléments d'aménagement du territoire, doivent s'appuyer sur des missions de service public. Cela signifie que l'État, le mouvement sportif, les élus locaux et nationaux doivent élaborer de concert un grand plan national d'équipements à même de répondre aux besoins des pratiquants et pratiquantes comme des publics et d'accueillir tous les niveaux de compétition. Néanmoins tout cela n'est possible que si la puissance publique crée des conditions favorables par la loi et par un budget correspondant.
Tout le monde est d'accord pour dire que la connaissance participe à l'élévation des individus et que, en conséquence, il doit exister une école nationale, publique, financée par l'impôt. II en va de même pour le sport. Nous devons donc mobiliser des moyens publics pour construire les équipements et garantir le droit à la pratique sportive pour tous et toutes, amateurs, sportifs de haut niveau ou professionnels
En 2007, un candidat à la présidentielle s'était engagé devant l'assemblée générale du Comité national olympique et sportif français à porter la part du budget consacrée au sport à 3 %. En cette matière comme en d'autres, ce candidat devenu Président n'a pas tenu ses engagements. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)