Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que, si le législateur peut valider un contrat de concession, il doit indiquer le motif précis de cette validation, motif qui n'était pas mentionné dans l'article unique de la loi du 11 décembre 1996. Dès lors, l'article incriminé a été jugé contraire à la Constitution et abrogé.
Ne pensez-vous pas que les dispositions d'exception que vous souhaitez prendre dans cette proposition de loi sont infiniment plus aléatoires que la loi de 1996 que le Conseil constitutionnel vient d'abroger ? Mesurez-vous les risques que vous prenez, en plus d'ouvrir la boîte de Pandore en jetant en pâture aux appétits de groupes multinationaux la construction de stades pour l'Euro 2016 ?
Les enjeux sportifs et financiers, en termes d'investissements, méritent infiniment mieux que ces mesures prises à la va-vite. Un texte d'ensemble comportant des études d'impact et précédé d'une large concertation avec les collectivités concernées aurait été nécessaire. Au lieu de cela, vous piétinez la notion d'intérêt général et vous remettez en cause le modèle français, au profit de normes européennes qui consacrent, en ce domaine comme en d'autres, la « concurrence libre et non faussée », en clair la loi de la jungle du marché, qui fait de l'argent le moteur de tout ce que nous entreprenons.
À force de soumettre au pouvoir de l'argent le football et le sport en général, nous le dévoyons ; nous perdons de vue sa finalité pour le réduire à une logique marchande. Or le sport nous enseigne le respect de l'autre, la justice et l'équité, le sens de l'engagement physique, le travail acharné, l'effort, le sain dépassement de soi-même ; il procure équilibre, bien-être et liberté. À ce titre, il est porteur de valeurs d'humanisme, de générosité et de solidarité.
La France compte près de 172 000 clubs et associations sportives et 13 millions de licenciés, toutes disciplines confondues. Certes, les professionnels sont une consécration du sport de masse, mais nous nous trouvons dans une situation aberrante.
Les structures sportives font appel au bénévolat. Le sport et ses valeurs constituent une réponse à bien des problèmes que connaît notre société. Ces valeurs sont menacées si nous les soumettons à des logiques commerciales. L'argent, le dopage, la corruption en sont les preuves évidentes, trop souvent constatées. Les valeurs du sport ne resteront saines que si la République, l'État et les décideurs publics, à tous les niveaux, veillent à les défendre et à les prémunir contre les prédateurs.
Votre proposition de loi foule cette exigence aux pieds. Ce texte expéditif, cette fuite en avant et les dangers qu'elle nous fait courir en permettant une utilisation de l'argent public à des fins mercantiles justifient que ce texte soit renvoyé en commission, car nous n'acceptons pas que le business l'emporte sur le sport populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)