Vous souhaitez l'application stricte des lois relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, nous sommes d'accord ; c'est bien le moins ! Mais votre majorité n'est-elle pas aux responsabilités depuis bientôt dix ans ?
Vous voulez l'égalité effective tout autant que l'égalité des droits. Nous sommes d'accord, mais pourquoi limiter vos propos à la seule sphère professionnelle ?
Derrière l'unanimité que vous nous proposez, un triste constat s'impose. Par ces déclarations d'intention vous ne faites que prendre acte des graves carences d'un État velléitaire et défaillant jusqu'à aujourd'hui en matière de politique d'égalité.
Savez-vous, mes chers collègues, que le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire de se saisir une seule fois de ce sujet durant la législature et que les seules lois adoptées en ce sens depuis 2007 l'ont été à l'initiative des parlementaires ?
Vous avez eu neuf années, pour appliquer les lois existantes. Neuf années, et puis rien, sinon des reculs sur la parité avec la réforme territoriale, sur l'accès à l'IVG avec la fermeture de centres, sur le montant des pensions de retraite pour les femmes. Les exemples sont, hélas ! multiples.
Avez-vous entendu, mes chers collègues, le Président de la République affirmer le 8 mars dernier qu'« aujourd'hui la vie des femmes ressemble à la vie des hommes » ? Qu'en pensent les 30 millions de femmes qui vivent dans ce pays, y travaillent, jonglent avec les exigences d'emploi du temps et cherchent vainement à gagner correctement leur vie ?
Parce qu'elles sont nées femmes, leur salaire restera inférieur de 27 % tout au long de leur vie. Parce qu'elles sont nées femmes, elles assumeront comme leurs aînées 80 % des taches ménagères. Parce qu'elles sont nées femmes encore, elles risqueront d'être victimes de violences domestiques, de viols, de harcèlement sexuel, comme c'est le cas pour plus d'un million de femmes aujourd'hui dans notre pays.
Alors, décidément, non, selon que l'on est né femme ou homme, on a des vies qui, aujourd'hui, ne se ressemblent pas.
Pour que la vie des femmes ressemble à la vie des hommes, faut-il, par la réforme des retraites de 2010, accentuer des inégalités déjà énormes : plus de 42 % entre les pensions des femmes et celles des hommes ?
Pour que la vie des femmes ressemble à celles des hommes, faut-il repousser à 2012 les sanctions imposées aux entreprises qui refusent d'appliquer les lois qui existent déjà en matière d'égalité professionnelle ?
Faut-il, madame la ministre, mes chers collègues, oublier aussi vos engagements en matière de lutte contre les violences faites aux femmes ? Rien en matière de formation pour les personnels de justice, rien pour les enseignants, rien non plus pour faire appliquer les nouveaux droits que la loi accorde aux femmes victimes de violences.
Mais, comme souvent, ou plutôt comme toujours, dorénavant, ce sont les associations et les collectivités locales qui, dans ce domaine, se substituent à un État velléitaire et défaillant. Mes chers collègues, outre le fait que vous vous soyez limités à aborder l'aspect professionnel de l'égalité entre les femmes et les hommes, nous regrettons profondément l'absence de propositions.
Décourager le recours au temps partiel, un congé parental d'éducation partagé obligatoirement entre les deux parents, allonger et mieux rémunérer le congé de paternité, augmenter massivement les modes de garde, diviser par deux les différences de salaires entre les deux sexes et ceci en cinq ans, former l'ensemble des acteurs éducatifs et des élèves à la question de l'égalité entre les sexes : nous aurions été, mes chers collègues, sur toutes ces propositions que vous ne formulez pas, comme toujours au rendez-vous ; pour des propositions constructives, tout en notant avec regret que vous avez systématiquement voté contre toutes nos propositions de loi qui allaient dans ce sens.
Les symboles qui se substituent à l'action ne me semblent pas à la hauteur des enjeux, même s'ils sont importants. Pour nous, l'égalité réelle entre les sexes est au coeur de la problématique sociale. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter d'une unanimité apparente, sans contenu réel et nous nous abstiendrons.