Au-delà de la loi, qui définit un cadre et des sanctions, nos politiques publiques oeuvrent à l'éradication de ces violences intolérables. C'est la raison pour laquelle la lutte contre les violences faites aux femmes a été reconnue grande cause nationale par le Premier ministre en 2010. Les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance témoignent de cette terrible réalité : en 2009, 650 000 femmes se sont déclarées victimes de violences physiques et sexuelles. Plus de 300 000 ont désigné le foyer comme le lieu récurrent de ces violences. Comment tolérer que chaque année 140 femmes meurent sous les coups de leur conjoint ou compagnon ?
Face à ce constat, le Gouvernement dans son ensemble s'est fortement mobilisé afin d'endiguer ce fléau, grâce à la coopération des différents ministères. Deux plans d'action interministériels ont déjà été mis en oeuvre ; j'entends poursuivre cette action en lui donnant un nouvel élan par le lancement d'un troisième plan interministériel élargi. Ce plan prendra en compte aussi bien les violences au sein des couples que le viol, les agressions sexuelles, les violences au travail, les mariages forcés, les mutilations sexuelles féminines, la prostitution et la polygamie.
Par ailleurs, l'action de la commission nationale contre les violences envers les femmes sera renforcée. Je veux lui donner les moyens d'assurer pleinement son rôle d'organe responsable de la gouvernance du plan interministériel. À l'instar du plan, sa composition sera élargie à de nouveaux membres, afin de bénéficier de la légitimité des compétences sur l'ensemble du champ des violences faites aux femmes, tel qu'il est désormais pris en compte par les pouvoirs publics. L'Assemblée nationale va continuer ce travail avec la mission d'information sur la prostitution, sous l'impulsion de l'excellent rapporteur Guy Geoffroy, et de sa présidente Danièle Bousquet. Cette analyse est capitale pour combattre cette acmé ultime de la violence faite aux femmes. Croyez bien que votre travail aura des suites.
La lutte contre les violences est un préalable pour favoriser une culture de l'égalité dans notre pays. C'est dès le plus jeune âge que nous devons modifier les mentalités. Promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes ne peut se concevoir sans une réflexion préalable sur l'image des femmes et leur représentation dans tous les domaines, comme le disait Martine Billard. À ce sujet, je souhaite pérenniser la mission bénévole confiée à Michèle Reiser sur l'image des femmes dans les médias. Ses objectifs seront de proposer une méthodologie et des indicateurs de suivi de l'image des femmes dans les médias ; de veiller à l'observation et au suivi de la représentation des femmes dans les médias ; d'engager une démarche d'autorégulation avec les responsables ; de mettre à la disposition des journalistes un carnet d'adresses renouvelé d'expertes sur les questions de parité, de représentation sexuée, pouvant amener un éclairage nouveau dans ces médias et proposer une alternative aux intervenants habituels.
Faire évoluer les mentalités, c'est évidemment le rôle de l'école. Pour progresser vers l'égalité professionnelle, nous devons agir en amont, dès la formation initiale des jeunes filles et des garçons. Je partage d'ailleurs certaines interventions sur ce sujet, particulièrement l'appel de Catherine Coutelle aux jeunes générations.
Alors que les filles connaissent une meilleure réussite sur le plan scolaire que les garçons, elles sont encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail. Elles restent ainsi minoritaires dans les formations des secteurs des sciences fondamentales et technologiques, et majoritaires dans les séries littéraires et les sciences médicosociales. Elles sont aussi corrélativement majoritaires dans bien des secteurs moins bien payés, avec des travaux précarisés, parcellisés, Christophe Sirugue le signalait. Je voudrais lui dire que j'ai placé la question du genre au coeur de la réflexion sur la dépendance, car elle en est une clé d'entrée tout à fait fondamentale, je partage son analyse.
Il est de notre responsabilité collective de mettre fin à ce paradoxe. C'est dans cet objectif de diversification des choix professionnels qu'est organisé chaque année le prix de la vocation scientifique et technique des filles, à destination des élèves de terminale.
Symbole de notre action volontariste : la convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif sera prorogée au mois de juin pour trois années supplémentaires. Cela va dans le sens réclamé parDanièle Hoffman-Rispal qui signalait très justement le moment de l'éducation comme un moment majeur de création d'égalité. Plusieurs ministères sont engagés par cette convention, notamment ceux de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que le ministère des solidarités et de la cohésion sociale que j'ai l'honneur de servir.
Trois axes prioritaires y sont dégagés : améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l'emploi ; assurer auprès des jeunes une éducation à l'égalité entre les sexes ; intégrer l'égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des actrices et des acteurs du système éducatif de la maternelle à l'enseignement supérieur et la recherche. Cette action engage tous les personnels éducatifs.
L'égalité, ça s'apprend. Cette convention contribue ainsi très concrètement à faire évoluer les mentalités et à promouvoir cette culture de l'égalité.
Cette culture de l'égalité doit se diffuser aussi bien dans la sphère professionnelle que dans la sphère familiale. C'est l'enjeu fondamental identifié pour permettre l'égalité professionnelle qui, on le sait, est bien loin d'être réalisée. Quelques chiffres suffiront à l'illustrer : parmi les dirigeants salariés d'entreprise, 17,2 % seulement sont des femmes, et les conseils d'administration des grands groupes français ne comptent que 15,3 % de femmes. En outre, alors que les femmes représentent près de la moitié de la population active, elles se trouvent concentrées dans douze des quatre-vingt-sept familles professionnelles.
Les mêmes inégalités criantes se retrouvent concernant le travail à temps partiel : 82 % des salariés travaillant à temps partiel sont des femmes. Un dernier chiffre : tous temps de travail confondus, les salaires des femmes restent inférieurs de 27 % à ceux des hommes. Je sais que vous connaissez ces chiffres, mais puisque je vois beaucoup de jeunes dans les tribunes, il n'est pas inutile de le leur rappeler, pour que les jeunes générations continuent le combat.
Aussi est-il essentiel d'agir sur tous les éléments constitutifs du parcours professionnel des femmes. C'est précisément ce que nous nous efforçons de faire par une mobilisation du Gouvernement et de l'ensemble des acteurs. L'État se doit d'être exemplaire en la matière, c'est la raison pour laquelle le Président de la République a confié à Françoise Guégot une mission visant à donner une impulsion nouvelle à la politique d'égalité professionnelle au sein des trois fonctions publiques. Françoise Guégot m'a remis ses conclusions le 8 mars dernier, et ses propositions permettront d'agir sur plusieurs leviers simultanément, comme la transposition aux établissements publics des dispositions législatives imposant 40 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises. L'adoption de la proposition de loi initiée par Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé a constitué une avancée remarquable, qu'ils en soient remerciés.
Il faut lutter sur tous les fronts, même ceux qui apparaissent anecdotiques. Je vous avais signalé, lors d'une récente intervention, la rubrique du Bulletin quotidien présentant les nominations des personnes promues à de hautes responsabilités sous le terme « hommes de pouvoir ». Il a suffi que j'envoie une lettre pour que cela devienne : « hommes et femmes de pouvoir ». Ce sont de petites avancées, mais tout est important.
Il est donc légitime que la fonction publique garantisse une représentation équilibrée dans les instances de décision. Mon collègue Georges Tron l'a annoncé, ses propositions vont donner lieu dans les prochaines semaines à une concertation avec les organisations syndicales. En ce qui concerne le secteur privé, dispositifs juridiques et démarches d'incitation se conjuguent pour promouvoir l'égalité. La réduction des écarts en matière de carrière, de salaires, ne peut se faire sans une connaissance précise de la situation. C'est l'objet du rapport de situation comparée des situations générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, institué par la loi du 13 juillet 1983 et enrichi par la loi du 9 mai 2001. La réalisation de ce document est un prérequis fondamental à la négociation obligatoire sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le bilan de la négociation collective montre une augmentation du nombre d'accords collectifs signés tant dans les entreprises que dans les branches professionnelles, mais 55 % des entreprises n'effectuent pas ce rapport. À l'occasion de la loi portant réforme des retraites, un pas supplémentaire a donc été franchi. Désormais, la loi renforce l'obligation pour les entreprises d'au moins cinquante salariés d'établir ce rapport avec un plan de résorption des inégalités professionnelles, et prévoit les sanctions fixées par l'inspection du travail, qui peuvent atteindre 1 % de la masse salariale, ce qui n'est pas rien.
Martine Billard ainsi que Christophe Sirugue m'ont interpellée sur la parution des décrets d'application définissant les modalités de suivi de la réalisation de ces objectifs, ainsi que la modulation des pénalités. Ces décrets seront publiés avant la fin du mois d'avril 2011.
Il est essentiel d'accompagner les secteurs professionnels et les entreprises dans leurs démarches vers l'égalité. Je pense aux aides financières à destination des PME, à la contractualisation avec des secteurs professionnels porteurs d'emplois, et je compte poursuivre le travail fructueux qui a été entamé avec le secteur du bâtiment.
Je veux mobiliser d'autres secteurs, en particulier celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Dans un secteur aussi porteur, la désaffection des jeunes femmes ne saurait être toléré plus longtemps. Il faut valoriser les entreprises qui s'engagent en faveur de l'égalité. Le « label Égalitée » est ainsi la marque d'organismes novateurs, et l'exemplarité de leurs pratiques est récompensée. Depuis le 10 mars 2005, un nombre croissant d'organismes issus de secteurs aussi variés que l'électronique, les transports, les assurances, la communication, l'agroalimentaire, les banques, se sont employés à l'obtenir. Près de 800 000 salariées travaillant au sein d'entreprises ou d'administrations sont aujourd'hui concernées et bénéficient de la démarche.
Enfin, je voudrais insister sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : le partage des responsabilités professionnelles et familiales. Nous avons la chance, en France, de conjuguer un taux de natalité et un taux d'activité professionnelle féminine élevés. Pour pérenniser cet équilibre, nous devons faire en sorte qu'il ne repose pas seulement sur les épaules des femmes. Si nous devions reprendre une allégorie, ce n'est pas Atlas, mais Héra qui porte le monde sur ses épaules. Le partage des responsabilités est d'ailleurs au coeur de notre politique familiale, puisque le Président de la République en a fait un objectif majeur de son quinquennat.
Le développement des modes de garde a été conçu comme une politique publique complémentaire de notre politique de l'emploi, et je m'engage à atteindre l'objectif de 200 000 solutions de garde supplémentaires en quatre ans d'ici à 2012.
J'ai participé, le 4 mars dernier, à une conférence organisée au MEDEF par l'observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises sur l'implication des hommes dans les politiques d'égalité professionnelle. Concernant les accords rendus publics par les entreprises, les tendances sont plutôt encourageantes : les entreprises prennent conscience progressivement que l'égalité professionnelle doit reposer sur une répartition égale des responsabilités parentales au sein des couples. Elles commencent à reconnaître les nouveaux droits pour les pères en matière de maintien de salaire pour le congé de paternité, ou d'autorisations d'absence pour le futur père pour les suivis médicaux de grossesse. À ce propos, on a évoqué un congé paternité obligatoire ; le congé maternité n'étant pas obligatoire, il serait juridiquement difficile de rendre le congé paternité obligatoire. Il est obligatoire pour l'entreprise de le donner, mais il n'est pas obligatoire que le salarié le prenne.
Les entreprises s'engagent également dans des actions de communication ciblées en direction des hommes, car si les dispositions de conciliation comme le congé parental, le temps partiel ou le congé pour enfant malade ne sont utilisées que par des femmes, elles en seront les premières victimes dans le cadre de leur parcours professionnel.
Le système de représentation à l'oeuvre dans le monde du travail continue à considérer la valeur du travail des femmes à l'aune des responsabilités réelles ou supposées qu'elles sont censées devoir prendre dans le cadre familial, beaucoup l'ont dit cet après-midi.
Reste un terrain peu étudié et pourtant essentiel, celui de l'exercice de la parentalité par les hommes dans le monde du travail et de l'utilisation qu'ils font des soutiens à la parentalité. Déconstruire ce système de représentation liée à la parentalité passe essentiellement aujourd'hui par deux axes. Des mesures d'accompagnement du travail féminin et des politiques publiques d'accueil de la petite enfance et des personnes âgées dépendantes, d'une part, et, d'autre part, la négociation collective en entreprise, qui doit peser sur les modes d'organisation interne et notamment sur la gestion du temps, pour laisser place à l'exercice de la parentalité. C'est la raison pour laquelle j'ai confié à Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, une mission sur ce sujet. Ses conclusions me seront remises au début du mois de juin, apportant ainsi une contribution de fond à la Conférence sur l'égalité professionnelle et familiale que j'organiserai à la mi-juin. Cette conférence consultative regroupera les responsables associatifs, les élus, les personnalités qualifiées, les partenaires sociaux, les entreprises. Elle doit nous permettre d'élaborer un programme d'action concernant l'égalité professionnelle et le partage des responsabilités familiales.
Mesdames, messieurs les députés, l'égalité professionnelle ne pourra pas se réaliser tant que ce partage ne sera pas effectif. C'est pourquoi, vous avez bien raison de le souligner, l'implication des hommes est absolument essentielle.
Vous l'avez compris, la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes implique une action transversale, coordonnée. Un plan d'action interministérielle sera ainsi mis en oeuvre à partir du mois de mai prochain. Chacun des ministères concernés travaille actuellement sur des mesures spécifiques et innovantes : accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique, associative, égalité professionnelle et salariale, accès aux droits et respect de la dignité, articulation entre vie professionnelle et familiale ; tous les domaines essentiels de la politique de l'égalité seront couverts.
La lutte contre les stéréotypes de genres et la prise en compte systématique de l'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes nos politiques publiques constituent des priorités.
La politique d'égalité entre les femmes et les hommes réclame la mobilisation de tous. Elle nécessite, oserai-je dire, notre entière résolution. C'est la condition d'une société plus juste et plus humaine. Je remercie les auteurs de cette résolution de l'avoir compris, ainsi que ceux et celles qui la voteront. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)