Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, dans son exposé des motifs, cette proposition de résolution aborde la ségrégation professionnelle, constatant l'existence de secteurs d'emplois majoritairement masculins ou féminins. Je partage ce constat au goût amer. Cependant, je m'étonne que ce texte s'en contente, sans jamais proposer de piste d'évolution.
Dans la sphère professionnelle, les faits sont établis, notamment par les travaux de Mme Françoise Vouillot, psychologue, maîtresse de conférences à l'Institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle, auprès du Conservatoire national des arts et métiers. La délégation aux droits des femmes l'a reçue en 2007 pour aborder les conséquences des stéréotypes de genre dans l'orientation. Elle avait alors déclaré ceci : « Toutes les inégalités entre femmes et hommes trouvent leur racine dans ces problèmes éducatifs. Tant qu'ils ne seront pas réglés, les textes seront inutiles. Or les responsables politiques ne s'emparent pas de ce sujet. Personne n'est capable de le porter, c'est-à-dire de permettre d'intervenir suffisamment en amont pour en éviter les conséquences ». Pour avoir rencontré récemment Mme Vouillot, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, je crains de pouvoir affirmer sans me tromper que son constat est toujours le même aujourd'hui.
Le Gouvernement, qui n'a rien proposé depuis 2007, est en grande partie responsable de cette absence de progrès en termes d'égalité professionnelle. Des pistes existent pourtant, pour peu que l'on décide d'attaquer le mal à la racine. En l'occurrence, il convient d'aider nos concitoyens et nos concitoyennes à s'émanciper des stéréotypes professionnels et à déconstruire le fléchage de leurs parcours en fonction du genre.
Pour cela, le groupe socialiste croit aux vertus de l'éducation à la sexualité, trop souvent laissée de côté. Si l'on souhaite que nos enfants grandissent dans le respect mutuel en s'interrogeant sur les représentations liées au genre, il convient de ménager des plages suffisantes pour les échanges de paroles dans l'éducation. Nous devons former tous les acteurs éducatifs à la question de l'éducation aux rapports entre les sexes, à partir d'un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre. Pour tous les élèves, de la classe de CP à la terminale, et tous les ans, six heures d'éducation à la sexualité, à l'égalité et au respect mutuel, devraient être assurées. Les intervenants extérieurs doivent nouer davantage de liens avec les acteurs scolaires et extrascolaires liés à l'établissement afin d'intégrer la question de l'égalité entre les sexes et les sexualités dans un projet global.
J'aimerais rappeler, notamment aux hommes de cette assemblée, les propos d'un philosophe cités par Montesquieu dans ses Lettres persanes. Ils traitent de la prétendue inégalité entre les femmes et les hommes : « Nous employons toutes sortes de moyens pour leur abattre le courage ; les forces seraient égales si l'éducation l'était aussi. Éprouvons-les dans les talents que l'éducation n'a point affaiblis, et nous verrons si nous sommes si forts ».
Montesquieu, comme souvent, relève un échec que nos sociétés contemporaines n'ont pas réussi à effacer. La résolution qui nous est proposée aujourd'hui ne fait que répéter, moins élégamment et avec un peu de retard, le même terrible constat. C'est ce qui fait sa faiblesse.
En effet, au delà, du paradoxe, déjà relevé, qui veut que le texte examiné aujourd'hui « souhaite l'application stricte de l'ensemble des lois relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes », comme si cela n'allait pas de soi, je tenais à souligner que les alinéas 27 à 32, qui constituent le coeur de la résolution, n'expriment aucun voeu, fût-il pieux, à propos de l'orientation professionnelle.
Nous nous abstiendrons donc, tant il semble délicat de s'opposer à un tel texte, dont les intentions sont bonnes mais dont la portée est bien légère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)