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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 22 mars 2011 à 15h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'objet de ce texte est essentiel en démocratie, mais particulièrement complexe.

En effet, nous devons tenter de parvenir à un juste équilibre entre la liberté de la personne et la nécessaire protection de la personne elle-même, de ses proches, des soignants et de la société, tout en étant conscients du fait que le risque zéro n'existe pas. En outre, il nous faut faire abstraction des faits divers et éviter de légiférer sous le coup de l'émotion. Nous attendons donc tous le grand plan de santé mentale qui nous a été annoncé.

La loi du 17 juin 1990 aurait dû être réformée depuis longtemps. Il était du reste prévu qu'elle soit révisée tous les cinq ans.

Ce projet de loi prend en considération la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'article 66 de la Constitution requiert que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle, afin d'éviter les décisions arbitraires liées à des intérêts personnels ou politiques. Le Conseil constitutionnel a estimé que l'hospitalisation sous contrainte ne pouvait être prolongée plus de quinze jours sans l'intervention d'un juge. C'est une bonne nouvelle pour les libertés individuelles et le respect des normes européennes, mais cette décision sera difficile à appliquer.

En effet, définir la dangerosité d'une personne, le plus souvent dans l'urgence, porter un diagnostic sur sa pathologie, décider d'administrer les soins en milieu ouvert ou en milieu fermé est particulièrement délicat. Cela suppose une longue expérience, que seuls possèdent les experts. Mais ces derniers ne sont pas à l'abri d'erreurs, d'autant que la démographie des professionnels de santé ne laisse guère de temps à chacun d'entre eux.

Dans ce domaine où intervient l'autorité administrative, le chemin est étroit entre la lettre de cachet et la liberté de la personne, même si celle-ci peut être dangereuse pour elle-même, pour ses proches ou pour la société. Des drames inattendus – souvent médiatisés – peuvent survenir : il est difficile de prévoir un raptus.

Le texte est équilibré. Il prévoit notamment qu'un protocole de soins, défini avant la soixante-douzième heure par un psychiatre de l'établissement, détermine le type de soins, le lieu où ils seront administrés et leur périodicité ; il autorise les soins en établissement, bien sûr, mais aussi en ambulatoire. En outre, il fait intervenir le juge des libertés au quinzième jour, puis tous les six mois, ainsi qu'un collège pour les patients dits difficiles, et il renforce le rôle des commissions départementales des soins psychiatriques.

Certains jugent ce texte sécuritaire. À nos yeux, il permet au contraire de mieux protéger la personne hospitalisée sans son consentement. Nous souhaitons que le patient soit acteur de sa santé en toute circonstance, mais ce principe est d'application délicate lorsque le patient n'a pas conscience de sa dangerosité. Il faut toutefois le protéger contre des tiers mal intentionnés ou intéressés, ou contre des abus de l'État, qui pourrait souhaiter mettre des opposants en lieu sûr en les faisant passer pour déviants ou malades.

Je le répète, ce texte est équilibré, même s'il sera difficile à appliquer, pour plusieurs raisons. Il multiplie le nombre de certificats requis alors que la démographie des psychiatres est problématique. En outre, les juges des libertés seront-ils suffisamment disponibles pour prendre 30 000 décisions par an ? Et sur quels arguments se fonderont-il ? La composition du collège n'est pas plus satisfaisante, car elle intègre un cadre infirmier alors qu'il appartient aux psychiatres de décider. L'obligation faite au psychiatre de dénoncer son patient si celui-ci ne se conforme pas au projet de soins pose un véritable problème déontologique et éthique. Enfin, la sectorisation de la psychiatrie n'est pas réellement intégrée.

Malgré ces problèmes importants, dont j'espère qu'ils seront résolus au cours de la navette parlementaire, le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

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