Cela seul justifie le choix que nous avons fait.
Je n'entends pas reprendre l'ensemble du déroulement de cette opération, que M. le Premier ministre a parfaitement présenté. Je reviendrai simplement sur un certain nombre de points qui ont été évoqués par les orateurs successifs, et tout d'abord sur le pilotage politique et le commandement militaire de l'opération.
Certains se sont émus de l'absence de commandement ; M. Bayrou, je crois, a évoqué ce point. Ce n'est évidemment pas ainsi que se présentent les choses. Pour nous, cette opération est d'abord une opération voulue par les Nations unies. Elle est conduite par une coalition d'États dont tous ne sont pas membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord ; ce n'est donc pas une opération de l'OTAN, même si elle doit pouvoir s'appuyer sur les moyens militaires de planification et d'intervention de l'Alliance. C'est très exactement dans ce schéma que nous nous situons.
Pour bien marquer les choses, à l'initiative du Président de la République, j'ai proposé à nos collègues britanniques, qui en sont d'accord, de mettre sur pied une instance de pilotage politique de l'opération qui réunira les ministres des affaires étrangères des États intervenants ainsi que de ceux de la Ligue arabe. Nous devrions nous réunir dans les tout prochains jours à Bruxelles, Londres ou Paris, et répéter régulièrement ce genre de réunion pour bien marquer que le pilotage politique existe.
À partir de ce pilotage politique, sous la responsabilité de M. le ministre de la défense, nous utiliserons bien sûr les capacités de planification et d'intervention de l'OTAN. Je crois que les choses sont, de ce point de vue, tout à fait claires.
Le risque d'enlisement existe, bien sûr. Ce que nous voulons, c'est une intervention militaire de courte durée. Les Américains y sont particulièrement attentifs, nous aussi. Contrairement aux inquiétudes qui se sont exprimées ici ou là, il n'y aura évidemment pas d'intervention au sol. La résolution 1973 du Conseil de sécurité nous l'interdit explicitement ; il n'en est donc pas question.
L'intervention militaire peut s'arrêter à tout moment. Il suffit que le régime de Tripoli se mette en conformité exacte et complète avec les résolutions du Conseil de sécurité, qu'il accepte notamment un cessez-le-feu authentique, qu'il retire ses troupes des endroits où elles ont pénétré et les fasse rentrer dans les casernes, et l'opération militaire s'arrêtera.
Au-delà, il nous faut d'ores et déjà penser à la suite, c'est-à-dire à la paix. La France a été à l'initiative dans l'organisation de l'intervention militaire, elle sera à l'initiative dans l'organisation de la paix. Le Président de la République s'exprimera dans cet esprit dans les prochains jours.
Pour nous, en toute hypothèse, il n'appartient pas à la coalition de décider de ce que sera le futur régime politique de la Libye. C'est aux Libyens eux-mêmes que cette responsabilité incombera. Notre intervention a uniquement pour objet de les mettre en situation de s'exprimer librement et d'accéder à la transition démocratique qui leur a été refusée jusqu'à présent.
Voilà qui m'amène à dire un mot du Conseil national de transition. « Qui sont ces gens ? » ai-je entendu dire ici ou là, notamment à Bruxelles. N'y a-t-il pas parmi eux trop d'anciens ministres du régime Kadhafi ? Cet argument, je l'avoue, me laisse perplexe. Avez-vous déjà vu une révolution dans laquelle les révolutionnaires n'ont pas, plus ou moins, fricoté dans la période précédente avec le régime en place ? Ce qui fait le sel des révolutions, c'est que précisément les gens évoluent et qu'on les retrouve parfois, après une prise de conscience salutaire, de l'autre côté de la barrière. (Sourires sur de nombreux bancs.) Cela s'est passé dans bien des endroits ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Aujourd'hui, il n'y a pas d'autre interlocuteur valable que le Conseil national de transition. Nous avons eu raison de le reconnaître et, contrairement à ce qui a été dit, la France n'est pas la seule à l'avoir fait. Lors du Conseil européen exceptionnel du 11 mars, la totalité de nos partenaires ont adopté une déclaration dans laquelle il est écrit noir sur blanc que le Conseil national de transition est un interlocuteur politique valable. Nous allons donc continuer de travailler avec eux et avec d'autres qui s'y joindront le cas échéant.
Quant à l'implication du monde arabe, cela a été non seulement notre souci, mais notre exigence absolue dès le départ. C'est la raison pour laquelle j'ai dit tout à l'heure qu'il ne s'agissait pas d'une opération de l'OTAN, mais de l'ONU avec une coalition d'États membres et le soutien de l'OTAN. La différence n'est pas minime. Pourquoi ? Car vis-à-vis du monde arabe, l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord n'est pas l'organisation appropriée pour monter ce type d'opération.
Nous avons obtenu le soutien du monde arabe. Je voudrais d'abord saluer le rôle du Liban. La déclaration 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies a été préparée par la France, la Grande-Bretagne et le Liban. Sans le soutien actif du Liban, au nom de la Ligue arabe, nous n'y serions pas parvenus. Les Américains sont venus se joindre à nous lorsque les choses avaient suffisamment avancé pour que le succès de la résolution soit à peu près assuré. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du Nouveau Centre.)
Nous avons continué de travailler avec le monde arabe, notamment lors du sommet de Paris. Il y avait autour de la table le secrétaire général de la Ligue arabe, le ministre des affaires étrangères de Jordanie, du Maroc, du Qatar, des Émirats arabes unis, soit cinq participants venus du monde arabe. Ce travail s'est poursuivi avec M. Moussa, dont on a dit, ici ou là, que les déclarations étaient ambiguës. Il est vrai que certains de ses propos pouvaient prêter à confusion. Cela étant, il les a clarifiés hier.