Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, en votant, jeudi, la résolution 1973, l'ONU a autorisé la France à avoir recours à la force pour mettre fin aux exactions du gouvernement libyen contre son peuple.
L'accord qui a pu être dégagé au Conseil de sécurité doit beaucoup à la force de conviction du Président de la République et du ministre des affaires étrangères. Je tiens à rendre tout particulièrement hommage à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé pour leur détermination et pour l'image positive qu'ils ont donnée de la France aux yeux de la communauté internationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Je tiens également à remercier le Premier ministre pour avoir tenu parfaitement informés de toutes ces opérations les présidents des groupes et des commissions de l'Assemblée.
Grâce à cette action et à la pertinence de l'analyse géostratégique qui la sous-tend, notre pays montre qu'il est capable d'assumer ses responsabilités internationales, responsabilités historiques qui nous ont été reconnues avec l'attribution d'un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.
Cet accord est un événement historique dans le sens où, pour la première fois, la communauté internationale impose à un gouvernement de cesser le recours à la force contre sa propre population. Il l'est aussi dans le sens où, si cette résolution n'avait pas été votée, nous aurions porté la responsabilité morale du massacre de milliers de civils.
Comment aurions-nous pu laisser massacrer sous nos yeux des populations civiles sans défense ? Comme nous le savons tous, les forces du colonel Kadhafi étaient entrées dans les faubourgs de Benghazi et s'apprêtaient, le week-end dernier, à lancer un assaut final contre une ville presque sans défense. Le colonel Kadhafi a prétendu faire la guerre au terrorisme pour justifier son offensive militaire contre son peuple, mais il affirme aujourd'hui faire la guerre aux croisés, reprenant ainsi la rhétorique d'Al-Qaïda.
Nous savons tous parfaitement que le colonel Kadhafi aurait noyé dans le sang la révolution libyenne. Au-delà du drame, nous aurions été confrontés à la fin du printemps arabe.
Nous avons pu croire, le temps d'une journée, que le vote de cette résolution aurait pu avoir un effet dissuasif sur le régime du colonel Kadhafi, qui a annoncé un cessez-le-feu dès le lendemain de son adoption. Cette prise de position lui a donné un avantage stratégique non négligeable, puisque ce temps de répit lui a permis de poursuivre la manoeuvre d'encerclement de Benghazi. Sa fourberie n'a pu tromper longtemps la communauté internationale, car il n'a pas tardé à ordonner d'ouvrir le feu sur les populations libyennes désarmées.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, le Gouvernement a eu raison d'engager nos forces aériennes dès samedi soir, après le sommet avec nos partenaires organisé à Paris par le Président de la République. Cet engagement a souligné l'efficacité opérationnelle de notre armée de l'air, à laquelle je rends hommage. Je tiens à saluer tout particulièrement la performance et le courage de nos pilotes, qui ont survolé les premiers le théâtre libyen.
Ce fait a une signification opérationnelle évidente, mais aussi et surtout une signification politique considérable. Nous avons tous ressenti une certaine émotion à voir flotter le drapeau français sur Benghazi, par la volonté des manifestants libyens, en reconnaissance de notre action déterminante. L'image de la France défendant activement les droits de l'homme et s'engageant courageusement dans la lutte contre une certaine forme de barbarie, est aujourd'hui préservée et valorisée.
Il nous faut cependant être prêts à faire face à plusieurs écueils.
Premièrement, il me semble important de maintenir la cohésion de la communauté internationale. N'oublions pas que, sur quinze États, dix seulement ont voté cette résolution ; cinq se sont abstenus. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette espèce d'abstention bienveillante, nous devons poursuivre nos efforts diplomatiques.
Deuxièmement, nous ne pouvons pas non plus négliger de continuer notre travail de persuasion vis-à-vis des États de la Ligue arabe. Là aussi, nous devons redoubler d'efforts pour convaincre ces partenaires qu'il ne saurait y avoir de zone d'exclusion aérienne effective sans opération préalable contre les défenses antiaériennes de la Libye. Rappelons que notre action se situe dans le cadre de l'ONU et que nous ne saurions envisager une autre action menée dans le cadre de l'OTAN, pour des raisons politiques que nos alliés pourront aisément comprendre.
Troisièmement, nous devons être vigilants face à l'absence totale de sens éthique du colonel Kadhafi. Il nous faudra faire face à la manipulation de l'opinion. L'annonce faite par lui dimanche soir d'un cessez-le-feu ne doit pas endormir notre détermination. Il nous faudra aussi faire face à la tentation du colonel Kadhafi de porter la guerre en Méditerranée ou dans le Sud de la France.
Il nous faudra également être vigilants face à la tentation du régime libyen de recourir à la prise d'otages, voire au terrorisme. Le colonel Kadhafi nous a montré à plusieurs reprises ses compétences en ce domaine. Nous n'avons pas oublié l'attentat de Lockerbie,…