La décision prise par le Président de la République et le Gouvernement est une décision lourde et responsable : ils ont engagé par-delà nos frontières, au service de la liberté, la vie d'hommes et de femmes qui ont fait le choix du métier des armes et qui méritent la solidarité et le soutien de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Depuis plusieurs mois, nous sommes les témoins de ce qui s'apparente désormais à un véritable printemps des peuples sur la rive sud de la Méditerranée. Ces événements résonnent pour nombre d'entre nous comme un écho au formidable vent de liberté qui soufflait voici plus de vingt ans sur l'Est de notre continent. Nul n'avait pu anticiper ou prédire le mouvement en cours, nul n'avait su lire sa force et sa profondeur. Il a ébranlé nos certitudes que, sur ce rivage de la Méditerranée, les régimes autoritaires et les entorses aux libertés individuelles auraient finalement été un mal nécessaire, seul à même d'endiguer à long terme la montée du fondamentalisme et de l'islamisme ; nos certitudes que ces peuples n'aspiraient tout simplement pas à la démocratie au sens où nous l'entendons en Europe.
Or, en Tunisie et en Égypte, nous avons assisté, en à peine quelques semaines, à la chute de régimes en place depuis plusieurs décennies. En Tunisie comme en Égypte, nous avons soutenu, avec l'ensemble de la communauté internationale, les aspirations de la rue en condamnant avec fermeté l'action des forces de sécurité lorsqu'elles ont eu recours à la violence pour mettre un terme aux manifestations.
En Tunisie comme en Égypte, les autorités militaires ont joué leur rôle en refusant de retourner leurs armes contre leurs propres populations, permettant ainsi d'écarter à Tunis et au Caire la perspective d'un bain de sang.
Malheureusement, tel n'a pas été le cas en Libye où, dans sa majorité, en dépit de quelques défections, l'appareil militaire libyen a maintenu son allégeance au régime du colonel Kadhafi alors que ce dernier ordonnait pourtant de réduire par les armes les différents foyers de contestation qui avaient progressivement gagné le pays.
À mesure que s'intensifiait en Libye la violence de la répression, à mesure que se précisaient le recours à des moyens militaires et, par là, le spectre d'exactions abominables, montait également la réaction quasi unanime de la communauté internationale. L'Union européenne a fermement condamné le recours à la violence dès le Conseil européen extraordinaire du 11 mars. L'Union africaine a également demandé qu'il soit mis un terme à cette répression. Quant à la Ligue arabe, le 12 mars, elle en a appelé au Conseil de sécurité pour demander l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne. Enfin, le 16 mars dernier, le Secrétaire général des Nations unies demandait à son tour un cessez-le-feu.
Ignorant ces appels et l'avertissement qui lui avait été adressé par la résolution 1970, adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité, le régime de Tripoli n'a eu de cesse de persévérer dans la voie de la violence et d'une répression dans le sang des aspirations démocratiques les plus légitimes de son propre peuple.
C'est pourquoi je veux saluer, au nom des députés du Nouveau Centre, l'action à la fois juste, courageuse et déterminée qui a été celle du Président de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC et sur les bancs du groupe UMP), la vôtre, monsieur le Premier ministre, ainsi que celle du ministre d'État et du Gouvernement au cours des dernières semaines, ou encore samedi dernier lors du sommet de l'Élysée. Aux côtés de ses alliés, du Royaume-Uni et des États-Unis, mais aussi du Liban, dont le rôle au Conseil de sécurité a été déterminant, la France a permis de traduire les discours en actes. En prenant le parti du droit plutôt que celui de la force, la France a fait honneur à son histoire, et la République a fait honneur à ses valeurs.
Le drapeau français flottant dans les rues de Benghazi est alors redevenu pour le peuple libyen le symbole de la liberté qu'il a été pour tant d'autres peuples dans l'histoire. Ce jour-là, comme beaucoup de mes compatriotes, j'étais fier de mon pays et du Gouvernement de la France. J'ai eu le même sentiment, monsieur le ministre d'État, en vous entendant au Conseil de sécurité prononcer cette phrase si tragiquement juste : « Prenons garde d'arriver trop tard ! » Quelques minutes plus tard, le Conseil de sécurité adoptait le texte de la résolution 1973, qui, au-delà d'un succès pour notre diplomatie, constitue aujourd'hui le support juridique et l'unique feuille de route de l'intervention en Libye de la communauté internationale.
Je voudrais rappeler les termes du mandat confié à la coalition par les Nations unies. Après avoir décidé, dans un premier temps, en adoptant la résolution 1970, d'un embargo sur les armes en provenance ou à destination de la Libye, d'une interdiction de voyager ainsi que d'un gel des avoirs financiers des dirigeants libyens, le Conseil de sécurité a autorisé jeudi dernier les États de la coalition à prendre « toutes les mesures nécessaires » – les mots ont leur importance – pour « protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaques » en Libye. Il a notamment autorisé la constitution dans le ciel libyen d'une zone d'exclusion aérienne, tout en écartant explicitement – j'insiste aussi sur ces termes – la perspective du déploiement d'une force militaire étrangère, quelle que soit sa composition, sur le sol libyen. Tels sont les termes de la résolution 1973 ; les membres du groupe Nouveau Centre ne souhaitent pas que nous nous en écartions.
Alors que, quelques jours à peine après le déclenchement des opérations militaires dans le ciel libyen, celles-ci portent leurs fruits en contribuant notamment à desserrer l'étau qui menaçait le Conseil national de transition et la population retranchés à Benghazi, le volontarisme a, chez certains de nos partenaires, fait place à des doutes qui ont aussi été exprimés dans cette enceinte. Ils portent sur les buts de cette intervention, sur les moyens à mobiliser pour la mener à bien et sur ses répercussions dans le monde arabe.
Il importe de rappeler qu'en intervenant dans le ciel libyen, la coalition n'a qu'un seul but : mettre un terme aux exactions dont les forces du colonel Kadhafi se sont rendues coupables, mettre fin au supplice de la population civile, et faciliter ainsi la prise en compte des aspirations légitimes du peuple libyen dans le cadre d'un processus démocratique
Dans cet esprit, il faudra aussi que la coalition soit, à tout instant, en mesure d'explorer les voies qui s'ouvriraient pour une solution diplomatique.