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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 22 mars 2011 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'intervention des forces armées en libye et débat sur cette déclaration — Application de l'article 35 alinéa 2 de la constitution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

Les conditions de l'équilibre diplomatique sont précaires, le ministre des affaires étrangères le sait bien. Dix pays ont voté la résolution, aucun n'a voté contre, notamment la Chine et la Russie qui disposent d'un droit de veto, mais cinq se sont abstenus.

Cette résolution, vous le savez tous, n'est pas un blanc-seing. Elle repose sur une recherche de solution collective, même si les moyens mis en oeuvre sont essentiellement ceux de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni. Cette collégialité doit être respectée. Déjà, le Secrétaire général de la Ligue arabe, l'Union africaine, le Brésil, la Turquie, la Chine et la Russie ont émis des réserves sur la nature des opérations engagées. Et nous ne sommes pas non plus à l'abri d'un retournement des opinions arabes.

M. le ministre des affaires étrangères a annoncé hier à Bruxelles que l'OTAN était prête à « soutenir » l'intervention dans quelques jours. Ce soutien ne peut et ne doit en aucune façon se substituer au rôle joué par la coalition. Comment serait comprise une intervention alliée dont se retireraient les pays arabes qui y participent actuellement ? Le choix opéré par Nicolas Sarkozy d'un retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ne doit pas affaiblir notre position. Aucun argument ne doit être donné aux partisans du colonel Kadhafi. Rien ne doit lui permettre de reprendre appui sur la rue arabe. L'affaiblissement du colonel Kadhafi tient tout autant à la mise en oeuvre d'une zone d'exclusion aérienne qu'à notre capacité à l'isoler sur le plan politique et diplomatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Or, jusqu'ici, rien n'a laissé présager une solution politique.

L'effondrement rapide du régime repose sur une prise de conscience de l'entourage du clan Kadhafi. L'impasse politique, diplomatique, financière, militaire, atteindra peut-être la raison d'un premier cercle que l'on veut croire lucide sur la folie de son leader, mais qui est jusqu'ici demeuré servile. Il est, en certaines circonstances, des trahisons qui honorent.

Mais nous ne devons pas sous-estimer une autre hypothèse, celle d'une forme d'enlisement du conflit. Nous ne connaissons pas les capacités militaires de forces insurgées inexpérimentées, même si nous en percevons la détermination. Le tyran libyen a une connaissance claire de ses adversaires sur le terrain, comme de nos propres contraintes. Il n'aura aucun scrupule à utiliser la foule, les populations civiles comme bouclier de son propre cynisme. Il n'est pas pressé. Sauf retournement de son propre camp, la durée ne lui fait pas peur.

Il sait que les opinions occidentales sont traumatisées par les conflits qui s'enlisent. Il anticipe que le temps lui fournira les images qui altéreront la légitimité de notre intervention dans les opinions arabes. Il espère enfin que le consensus obtenu dans l'enceinte des Nations unies se fissurera progressivement.

Chacun ici, et sûrement vous également, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, a conscience de ces risques. Ils ne doivent pas être relativisés. C'est pourquoi nous vous demandons solennellement d'assurer que la France ne prendra, en aucune façon, part à un plan caché qui aurait pour objet une seconde phase de l'engagement militaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Les objectifs, les moyens employés, l'organisation des alliés, rien ne peut, ni ne doit se faire sans discussion préalable avec nos partenaires régionaux, et je pense bien sûr à la Ligue arabe et à l'Union africaine. Rien ne peut ni ne doit se faire sans mandat de l'ONU. Faute d'une telle légitimité, toute initiative nouvelle se retournerait contre ses promoteurs. La Libye ne doit pas devenir un nouvel Irak ou conduire au même envasement qu'en Afghanistan. Voilà, je crois, une ligne claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

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