Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, depuis le 25 février, les socialistes, par la voix de Martine Aubry, ont exhorté la communauté internationale à l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne.
Trois longues semaines se sont écoulées avant l'adoption de la résolution 1973 de l'ONU. À l'époque, les opposants au régime du colonel Kadhafi étaient aux portes de Tripoli. C'est à Benghazi, dimanche, qu'il a fallu stopper la contre-offensive. Il s'en est fallu de peu qu'il ne soit trop tard.
De la place où je vous parle, je n'ai jamais été indulgent avec votre gouvernement. Il y a quelques semaines encore, j'ai contesté fermement, avec mes amis du groupe socialiste, radical et citoyen, la position ambiguë du Président de la République. Nous avons déploré les silences, les complaisances et les contresens de Mme Alliot-Marie alors que le monde arabe était – et est encore – à un tournant de son histoire. Nous avons suffisamment dénoncé la perte de crédibilité de la France au démarrage des révolutions arabes pour ne pas saluer son engagement aux côtés du peuple libyen et son action décisive pour obtenir un mandat de l'ONU. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Certains relèveront que cette implication est destinée à faire oublier vos accointances passées avec Kadhafi. D'autres souligneront que des arrière-pensées nationales surplombent la communication élyséenne. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Sûrement, mais l'essentiel aujourd'hui n'est pas là.
L'essentiel, c'est de comprendre que la victoire de Kadhafi sur les forces révolutionnaires n'aurait pas seulement signifié une tragédie pour le peuple libyen ; elle aurait été un signal désastreux, un chèque en blanc pour les tyrans disposés à immoler leur peuple afin de maintenir leur règne, un crédit pour ceux qui seraient tentés de ne pas concrétiser l'espoir de démocratisation dans les sociétés libérées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous approuvons donc une opération que nous avons souhaitée, dans le cadre que nous voulions – celui des Nations unies – et nous nous félicitons des premiers résultats obtenus. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous saluons l'engagement de nos militaires partis défendre la liberté et éviter un massacre, que nous savions imminent, de populations innocentes.
Cette intervention s'inscrit dans un cadre strict que nous souhaitons rappeler et qui lui donne sa légitimité.
Nous ne sommes pas en guerre contre la Libye. Nous oeuvrons, à la demande de son peuple, à la protection des populations civiles.
Nous ne sommes pas à l'offensive, nous défendons un peuple contre un dictateur halluciné dont les fièvres sont criminelles.
Nous ne sommes pas des libérateurs. Nous n'avons pas mandat pour intervenir au sol. Une opération aérienne n'a jamais permis de gagner une guerre ni de se débarrasser d'un dictateur. C'est aux Libyens eux-mêmes qu'il appartient d'oeuvrer à leur libération et à leur victoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous ne sommes pas non plus les nouveaux croisés. Nous nous refusons, aujourd'hui comme hier, à tout combat de civilisation. Nous agissons sous mandat de l'Organisation des Nations unies et en étroite concertation avec la Ligue arabe et l'Union Africaine. Nous condamnons avec force les propos irresponsables de M. Guéant, votre ministre de l'intérieur (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR – Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui, hier, a cru devoir se féliciter de voir le Président de la République prendre, je le cite, « la tête de la croisade ». (Huées sur les bancs du groupe UMP.)